Après sept ans de galère et de désœuvrement, las d’attendre des décrets qui peinent toujours à être pris, le Collectif des 22 notaires issus du concours lance un dernier appel de désespoir. A travers une lettre adressée au président de la République, ils expriment le désespoir qui les gagne de plus en plus.
Un nième cri de détresse ! Dans une lettre ouverte empreinte de tristesse, les jeunes, issus du seul concours de notaire jamais organisé au Sénégal, pleurent encore leur amertume. Par la voix de leur coordonnateur Mansour Diop, ils rappellent leur mal-être au président de la République : ‘’Nous formons la cohorte de la première promotion de notaires recrutés par le biais du seul concours que notre profession ait connu en deux siècles d’existence. Nous sommes les 22 (sur plus de 800 candidats au concours d’entrée) réduits à la présente situation de détresse et d’attente infinie de la signature de nos décrets de nomination.’’
Pourtant, semble expliquer la lettre, après des années de résistance, la chambre a fini par lâcher du lest. Du moins, de façade, soufflent certains membres du collectif, en off. Sur la lettre, il est mentionné : ‘’Après des efforts immenses, nous sommes parvenus à un accord opérationnel à la fois avec notre ordre et notre chancellerie. Il ne nous manque que votre signature pour retrouver l’espoir d’exercer enfin la profession de notre choix et que nous aimons tant.’’
Qu’à cela ne tienne ! Nos interlocuteurs soutiennent que si les 22 en sont arrivés à ce stade, c’est justement parce que la Chambre des notaires du Sénégal a passé son temps à souffler le chaud et le froid, la chancellerie à faire du dilatoire. Ils fondent ainsi leur ultime espoir sur le président de la République, celui-là sur qui repose exclusivement leur sort. ‘’Nous avons l’honneur de vous saisir, en ce moment précis où vous allez présider l’audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux, pour vous rappeler que nous sommes des vôtres. ‘’Magistrats de l’amiable’’, nous appartenons à la grande famille de la magistrature dont l’une des composantes, le notariat, s’abstient de nous ouvrir ses portes, depuis bientôt sept ans’’, disent-ils, trahissant du coup leur sentiment vis-à-vis de la chambre.
Sept ans de galère et de misère
Ainsi, voilà sept ans de galère et de misère pour ces jeunes, plein de rêves au moment de passer le concours. C’était en 2013. Aminata Touré, alors ministre de la Justice, posait les jalons pour l’éradication d’une injustice qui a duré plusieurs décennies. C’était du moins leur ferme conviction, à l’époque.
En effet, pendant longtemps, la profession de notaire était réservée uniquement à des privilégiés, les enfants et parents de… Cette année-là, Mimi mit fin au monopole, en organisant le concours très prestigieux, pour la première fois de l’histoire du notariat. Beaucoup de jeunes diplômés, compétents, avaient alors postulé pour réaliser leur rêve. Après une rude compétition, 22 ont été retenus sur des centaines de postulants. Ce n’est pas tout. Après avoir brillamment réussi au concours, ils ont été soumis à un stage de 3 ans, conformément à la législation. La finalité devait être, selon eux, l’attribution de charges. Hélas ! La chambre a mis son veto. Prétextant que le marché ne peut supporter 22 nouvelles charges. Pourquoi alors prendre autant de stagiaires, objectent les candidats ?
Pourtant, du temps d’Ismaila Madior Fall, des avancées notoires ont été enregistrées. Il était même question de leur octroyer 10 nouvelles charges, à condition de se regrouper en sociétés civiles professionnelles. Mais, comme à l’accoutumée, les annonces n’ont pas été suivies d’effets. Avec l’arrivée d’un homme du sérail, en la personne de Maitre Malick Sall, les jeunes notaires espéraient enfin voir le bout du tunnel. Ils ont alors rangé les armes de la lutte, devant les promesses fermes du nouveau garde des Sceaux.
Aux dernières nouvelles, les autorités avaient même accepté jusqu’à 20 nouvelles charges, mais ouvertes à des stagiaires non membres du collectif. Mais peu importe, si l’on se fie aux 22. L’essentiel étant qu’eux soient pourvus. Mais depuis lors, rien ne bouge. Comme tout cela n’avait été fait que pour mieux les endormir.
S’appuyant sur le thème de la rentrée solennelle qui porte sur ‘’La lutte contre le terrorisme, un défi pour les Etats africains’’, ils pestent : ‘’Comment ne pas faire le lien entre l’avancée du terrorisme et le désespoir de la jeunesse en proie au chômage ? Nous ne pouvons que nous interroger : comment faire espérer la jeunesse quand même ceux censés être les ‘meilleurs’ ne peuvent réussir à s’insérer dignement ?’’, s’interrogent-ils amers.
‘’Le notariat reste une profession sectaire’’
Ainsi, font-ils savoir au chef de l’Etat, le notariat reste une profession sectaire qui n’admettrait en son sein que les citoyens issus de milieux favorisés. Pour eux, ‘’la situation a tendance à faire acquérir la conviction que, quand on est issu de certains milieux sociaux, on ne peut devenir notaire, quoi que l’on fasse. La Constitution dont vous êtes le garant proclame pourtant le rejet et l’élimination, sous toutes leurs formes, de l’injustice, des inégalités et des discriminations’’. Mieux, arguent-ils, pendant que le notariat fait de la résistance, d’autres professions libérales, naguère dans la même situation, ont commencé à se démocratiser.
‘’Pendant notre période d’attente et d’incertitude, quatre promotions d’avocats ont, par exemple, effectué leur prestation de serment’’, constatent-ils pour le déplorer. Au président de la République, ils rappellent ainsi son engagement en faveur de l’inclusion : ‘’Elle demeure certes l’un des objectifs phares de votre gouvernance, mais nous vous appelons solennellement à faire en sorte que notre profession devienne : Le notariat de tous. Le notariat pour tous.’’
Pour une population de plus de 15 millions d’habitants, le Sénégal ne compte que 51 notaires, seulement 42 charges. Il faut souligner que l’Etat, pour donner de l’emploi à ces jeunes, n’a besoin que de signer un décret.