Le Sénégal va vers une cartographie nationale pour surveiller l’épidémie du paludisme. L’information a été fournie hier par le chef du Département de parasitologie à la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Pr Daouda Ndiaye présentait aux acteurs sanitaires et chercheurs le nouveau projet d’intégration des données génomiques dans la surveillance du paludisme.
Le Sénégal dispose d’une nouvelle stratégie pour lutter contre le paludisme. Il s’agit, en effet, de l’intégration des données génomiques dans la surveillance de la maladie. Le projet qui a démarré ce mois-ci, pour une durée de trois ans, a été présenté hier à une quarantaine d’acteurs et chercheurs de la santé, venus de 11 régions du Sénégal, par le Pr Daouda Ndiaye, chef du Département de parasitologie à la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Financée par la Fondation Bill et Melinda Gates et portée par le Service de parasitologie de la Faculté de médecine, et de mycologie de l’Ucad, en collaboration avec le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp), l’étude permettra, selon le chercheur, d’utiliser pour la première fois la génomique pour surveiller et prendre en charge le paludisme, grâce à une cartographie nationale des gènes de parasites responsables de cette maladie à travers le pays. En effet, explique-t-il, «la génomique c’est le profil génétique. C’est un outil qui permettra de typer le parasite. Il permettra de dire que par exemple : le parasite que nous avons vu à Dakar d’une personne lambda est un parasite du Sénégal, de Kolda ou de Ziguinchor». Il note : «Il permettra de vérifier l’élimination supposée du paludisme dans une zone donnée, en déterminant si les parasites impliqués dans les cas dits importés dans une région viennent d’ailleurs ou existaient déjà dans la zone en question pour y avoir été détectés auparavant». Il fera remarquer que «le profil génétique d’un parasite peut varier d’une région à une autre, d’un département à un autre, d’une commune à une autre, d’un quartier à un autre». Selon Pr Ndiaye, «la génomique, c’est ce qui manquait dans l’architecture des indicateurs d’élimination du paludisme que le pays se fixe pour 2030». Déjà, explique-t-il, «une étude pilote à travers différentes structures de santé au niveau du pays a été récemment mise en œuvre». Cela, dit-il, «pour essayer de comprendre le niveau de transmission épidémiologique du paludisme à temps réel». Il s’agissait surtout «d’essayer de comprendre cette insuffisance qui existerait dans l’épidémiologie en termes d’incidence et de prévalence dans le niveau de transmission du paludisme dans certaines zones du Sénégal, notamment la zone sud, le nord entre Saint-Louis et Richard Toll, mais également le centre, notamment Touba et les zones est et ouest». Des zones «très importantes en matière de transmission du palu, mais également de prise en charge», fait remarquer le chef du Département de parasitologie à la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’Ucad. Lequel rassure en estimant que «des résultats extrêmement importants» ont été notés. Ce qui, à ses yeux, va permettre de dérouler le projet dans une dizaine de régions du pays et une cinquantaine de structures de santé, y compris au niveau communautaire, de manière bilatérale avec les programmes de recherche et de lutte de la Gambie. En plus des structures de santé, indique-t-il, «des enquêtes seront réalisées au niveau communautaire dans des écoles et des daaras». Bref, un «dispositif a été mis en place sur le plan des ressources humaines, de la logistique, mais également sur le plan de l’évaluation parce qu’on ne s’arrêtera plus au diagnostic de routine, mais il s’agit de voir si la génomique qui nous a permis d’avoir des résultats probants sur l’histoire d’importation au niveau de la zone nord du pays a permis de convaincre les partenaires que les interventions menées dans la zone sud sont efficaces même s’il y a une évolution assez lente». Ainsi, il signale que «cette génomique doit être mise en échelle parce que le Sénégal va être utilisé comme premier pays à travers le monde où la Fondations Bills et Melinda Gates veut expérimenter cet outil nouveau. Et si d’ici trois ans, la durée du projet, on parvient à avoir des résultats importants, validés comme on l’a fait à l’étude pilote, les autres pays du monde pourront venir copier et apprendre au niveau du Sénégal pour l’élimination du palu». Il est convaincu que «l’intégration de la génomique dans les indicateurs de l’élimination du paludisme, testée pour la première fois au Sénégal, pourrait être généralisée à travers le monde, si les résultats s’avèrent concluants». Un projet «d’envergure» largement salué par Docteur Doudou Sène, coordonnateur du Pnlp, qui pense que ce nouvel outil «nous permettra certainement d’avoir une bonne visibilité» parce que, poursuit-il, «le projet définit clairement le type de parasite et sa nationalité». En clair, poursuit-il, «il permettra par exemple de dire si les 300 mille cas par an répertoriés au Sénégal viennent effectivement du pays ou de l’étranger». Ce qui, à ses yeux, «devrait aider à développer des stratégies pour éviter la réintroduction du paludisme au Sénégal, après son élimination».