Au moment où les autorités du pays ne savent plus où donner de la tête du fait de la récurrence des accidents de la circulation dans la commune de Grand Yoff, plus précisément derrière la station Shell communément appelée “Station Shell Hlm Patte d’Oie“, on note au vu et au su de tous l’érection d’une gare clandestine opérant dans les directions : Dakar-Mbour, Dakar-Thiès. Très prisés par les usagers, bien que illégaux, les véhicules particuliers de marque « Dacia » et autres « Peugeot 307 » appelés «wargaïndé», sans licence de transport ni bons de sortie de la région de Dakar, encore moins d’assurances de transport, y exercent sans être inquiétés ni par la police ni par la gendarmerie. Pis, des chauffeurs et apprentis rencontrés sur les lieux informent verser par jour la somme de 20.000 FCFA, soit 600.000 FCFA par mois, à des agents de la mairie de la commune de Grand Yoff pour pouvoir exercer en toute quiétude au niveau de cet espace qui leur est dédié. Ce que les autorités municipales de Grand Yoff réfutent, tout en précisant que dans tous les services, il existe des agents véreux. Tout en n’écartant pas des arrestations pour les récidivistes, le sous-préfet de l’arrondissement des Parcelles Assainies reconnait qu’il s’agit là d’un éternel jeu de cache-cache avec ces transporteurs clandestins. Il ne s’avoue pas vaincu pour autant. Tout ce transport clandestin se fait au grand dam des transporteurs de la gare des « Beaux Maraichers », qui ont fini de considérer leur gare routière comme un «mouroir pour les transporteurs». Une enquête réalisée sur les lieux, avec l’appui de l’Ecole de formation en journalisme E-jicom, à travers son fond d’appui à la production, a permis de mettre à nu toute la mafia qui entoure cette gare clandestine à Grand Yoff
Lors d’une discussion sur les raisons de l’augmentation des prix du transport Dakar-Mbour, à partir de la “Station Shell des Hlm Patte d’Oie“ qui est passé de 2.500 FCFA à 3.000 FCFA pour les véhicules particuliers de 6 places, de 2.000 FCFA à 2.500 FCFA pour les minicars, le samedi 16 novembre dernier, l’apprenti-car renseigne qu’il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Au-delà du prix de l’autoroute à péage jugé élevé et celui du gasoil, notre interlocuteur nous révèle que les chauffeurs sont obligés de verser un «mandat», c’est-à-dire une commission, pour entre autres les «rabatteurs» appelés «coxeurs», la mairie de Grand Yoff pour le droit de stationnement journalier de 20.000 FCFA. Il précise que les agents de la mairie passent chaque jour aux alentours de midi, pour donner aux rabatteurs le temps de leur collecter ladite somme. Une information qui nous a interpellé du fait qu’il s’agissait d’un garage clandestin, en plus du transport illégal auquel se livrent des chauffeurs de véhicules particuliers. Pour y voir un peu plus clair, nous avons décidé de revenir au niveau de ladite gare pour une petite enquête.
DES AGENTS DE LA MAIRIE DE GRAND YOFF ACCUSES DE PERCEVOIR 20.000 PAR JOUR POUR FERMER LES YEUX
Samedi 7 décembre dernier, nous nous sommes rendus vers 10h30mn dans ce garage. Il grouillait déjà de monde, à cette heure de la journée. Sur les lieux, celui qui recense les numéros de véhicules par ordre d’arrivée et encaisse les «mandats» des chauffeurs, un monsieur barbu, s’activait à orienter les passagers, selon le moyen de transport choisi. Très occupé à orienter les usagers vers un véhicule particulier de marque Dacia et vers l’un des deux minicars garés sur les lieux, avec des va-et-vient incessants, nous nous résignons à nous rabattre vers le chauffeur de la Dacia. Ce dernier qui répond au prénom de “Modou chauffeur“ indique que le prix du transport pour les véhicules particuliers est à 2.500 FCFA. Mais, poursuit-il, «il arrive les week-ends qu’on le fasse passer à 3.000fr à cause de l’affluence des clients». Sur les raisons de ce prix jugé très élevé par les usagers, “Modou chauffeur“ précise qu’il faut 3.500 FCFA à payer pour l’autoroute à péage, à l’aller comme au retour. Il informe que pour le voyage Dakar-Mbour et le retour, il faut, pas moins, de 8.000 FCFA de gasoil, pour un véhicule qui ne consomme pas trop. Poursuivant sur les détails de ses dépenses, le chauffeur nous indique qu’il faut laisser une «commission», qu’il appelle «mandat», de 3000 FCFA pour le premier voyage et de 1.500 FCFA pour le second. Sur le pourquoi d’une telle différence sur les «commissions», “Modou chauffeur“ explique que le matin, il faut prendre en compte les nombreux rabatteurs, mais également le droit de stationnement à payer à la mairie. Cela, sans pour autant avancer le montant, contrairement à l’apprenti-car qui nous avait transporté de Dakar à Mbour, le samedi 16 novembre dernier. Au moment où nous avons voulu pousser les discussions, le rabatteur en chef lui demande de partir car son véhicule est plein. Comme il tardait à s’exécuter, le monsieur impatient s’engouffre dans ledit véhicule et le déplace de quelques mètres. “Modou chauffeur“ se résigne alors à couper court à nos échanges pour récupérer son véhicule, avant de démarrer en trombe. Direction Mbour.
Sollicité, son ami chauffeur de minicar, Moussa, assis de l’autre côté du garage, confirme de son côté toutes les charges évoquées par son collègue. Il y rajoute le bon de sortie que les minicars qui disposent d’une licence de transport doivent se procurer à la gare routière des Beaux Maraichers à Pikine. Il trouve toutefois que les prix sont abordables, au regard des dépenses. Pour étayer son propos, il évalue le total des charges, à savoir le péage, la commission et le gasoil aller-retour à 18.000 FCFA, pour un véhicule de 6 places qui encaisse un total de 15.000 FCFA aux clients. Suffisant pour lui de démontrer que les chauffeurs de ces véhicules ne peuvent compter que sur d’autres potentiels clients, lors du voyage retour de Mbour, pour s’en sortir.
DES TRANSPORTEURS ILLEGAUX TRES PRISES PAR LES USAGERS
Malheureusement, il informe que tous les véhicules de marque « Dacia » et autres Peugeot 307 n’ont pas de licence et ne cherchent pas de bons de sortie. «Ce qui ne les empêche pas de travailler sans problème», précise Moussa. Pour preuve, il nous montre du doigt les nombreux passagers qui attendent l’arrivée des véhicules particuliers, alors qu’il y avait sur place deux minicars stationnés dans l’attente des passagers. Sur les raisons de cette préférence de la clientèle, il dira que c’est parce que ces véhicules font le plein très facilement et sont beaucoup plus rapides, via l’autoroute à péage. Comme pour lui donner raison, dès qu’un véhicule particulier se gare, les usagers se bousculent pour prendre place. Ce jour, entre 11h et 12h, les chauffeurs de Dacia et Peugeot 307 ne faisaient pas plus de 15mn à ladite gare clandestine, car leurs véhicules étaient pris d’assaut dès leur arrivée.
LES AGENTS DE LA MAIRIE DE GRAND YOFF FERMENT LES YEUX
Revenant sur la répartition de la commission de 3.000 FCFA laissée le matin par chaque chauffeur, Moussa Mbengue renseigne que ceux qui doivent y trouver leur compte sont nombreux. Pour autant, il ne cite que les rabatteurs, qui seraient, selon lui, plus d’une cinquantaine, répartis en cohorte. Il explique que ces derniers, tous des chauffeurs en possession de leur permis de conduite, mais sans moyen de transport, se sont organisés en quarts. Il y a ceux qui commencent très tôt le travail jusqu’à 8h, d’autres qui prennent le relais jusqu’à 10h avant de se faire remplacer par la cohorte qui assure jusqu’à midi. Au-delà de 12h, précise-t-il, l’équipe de l’après-midi dispose de plus de temps car, «non seulement elle est plus nombreuse, mais le mandat est à 1.500 FCFA par véhicule».
Sur ces entrefaites, l’équipe de rabatteurs qui avait assuré de 10h à 12h se retire dans un coin pour se partager les gains de la journée. Au même moment, une petite voiture remplie de sabots d’immobilisation de véhicules se gare en face du garage clandestin. Les occupants du véhicule descendent tous sauf le chauffeur, et se fondent dans la masse. Après quelques 15 minutes sur les lieux, le véhicule quitte sans tambour ni trompette comme il était arrivé. Interpellé sur la présence de ce véhicule qui n’a pas procédé à l’immobilisation des véhicules qui s’adonnent au transport illégal, Moussa nous informe que ce sont les agents de la mairie de Grand Yoff. Mais, il nous rassure que «les agents ne feront rien, à moins qu’un chauffeur se gare mal ou que son véhicule se trouve en dehors de la place réservée pour le garage». Ainsi donc, sans le dire expressément, Moussa confirme l’apprenti-car qui avait laissé entendre qu’il y a un espace réservé au garage clandestin, géré par la mairie de Grand Yoff.
LA POLICE ET LA GENDARMERIE LAISSENT FAIRE
Quid de la police et de la gendarmerie ? Interpellé sur une scène que nous avons notée, à savoir la présence sur les lieux, vers 11h30mn, d’un motocycliste gendarme, notre interlocuteur nous fait savoir que ce dernier ne leur fera absolument rien, sans pour autant s’avancer sur les raisons. En effet, l’homme de tenu s’était juste arrêté au niveau du garage clandestin, sans descendre de sa moto, et avait échangé quelques mots avec des rabatteurs et beaucoup plus avec le rabatteur en chef, le monsieur à la barbe. Notre attention avait été retenue par le geste du chauffeur de la Dacia, à savoir “Modou chauffeur“, aidé en cela par un autre rabatteur, à la vue du gendarme, ils se sont précipités derrière le véhicule, juste là où se trouve l’immatriculation de la voiture. Nous avons alors compris qu’ils cherchaient à cacher sa reconnaissance. En tout cas, le gendarme est reparti de plus belle, sans pour autant récupérer le permis de conduire du chauffeur de la Dacia, qu’il a bel et bien vu, pour avoir garé juste au niveau dudit véhicule.
Autre chose marquante, la gare clandestine Dakar-Mbour et Dakar-Thiès de la “Station Shell des Hlm Patte d’Oie“ se trouve à une dizaine de mètres d’un grand arrêt de cars, communément appelé «car rapide», juste à la Pharmacie Patte d’Oie. A ce niveau, il y a constamment un agent de la police pour réguler la circulation. D’ailleurs même, le jour de notre visite, à savoir le samedi 7 décembre dernier, vers 11h et 12h, il y avait bel et bien un agent de police sur les lieux. Ce qui n’a pas empêché les transporteurs clandestins de vaquer à leurs occupations, sans sourciller.
LA MUNICIPALITE DE GRAND YOFF REFUTE ET CHARGE CERTAINS AGENTS VEREUX
Dès lors que la municipalité de la commune a été citée dans ce transport mafieux, avec des accusations d’encaissements journaliers de 20.000 FCFA, nous nous sommes rendus, le mardi 10 décembre, vers 10h, à la mairie de Grand Yoff, sans rendez-vous au préalable. Sur les lieux, un agent de sécurité de proximité (Asp) nous informe que pour rencontrer le maire ou un de ses adjoints, ou encore quelqu’un du personnel de la marie, il fallait se rendre à l’annexe qui se trouve à quelques mètres des lieux. Sur place, l’agent préposé à la sécurité nous indique que personne d’entre le maire et ses adjoints n’est encore sur les lieux. Mais quand nous lui avons expliqué l’objet de notre visite, il nous a recommandé d’entrer dans le bureau de la Salle 17. Ledit bureau est occupé par El Hadji Oumar Gueye, chef de la Division des Services techniques de la commune de Grand-Yoff.
D’une courtoisie exquise, le monsieur nous invite à nous asseoir avant de s’enquérir de l’objet de notre présence.
A peine avoir terminé de décliner notre identité et l’objet de notre visite, M. Guèye se déchaine sur le sujet, affirmant d’emblée «qu’aucun véhicule «clando» qui fait ce transport Dakar-Mbour et Dakar-Thiès ne paie à la marie aucune taxe, encore moins une autorisation d’occupation d’espace». Pour autant, il reconnait que des informations leur parviennent parfois concernant un paiement que recevrait la municipalité de Grand-Yoff pour permettre aux transporteurs clandestins d’exercer en toute quiétude. Il dira à cet effet qu’effectivement, «nous avons appris que c’est en complicité avec certains agents de la mairie et même certains de la police». Pour se dédouaner, il fera remarquer que «comme dans tout corps de métier, il y a des fois des agents véreux qui peuvent entrer dans ce système». En tout état de cause, il reste catégorique, assurant que la commune ne perçoit absolument rien pour une autorisation d’occupation de cet espace, tout en nous faisant savoir que ces derniers ne disposent d’aucun document attestant l’accord de la municipalité pour occuper les lieux.
Pour étayer son propos, El Hadji Oumar Guèye renseigne que la mairie a «informé le sous-préfet, la police et la gendarmerie pour leur dire que nous n’avons pas donné d’autorisation d’occupation de l’espace et nous ne cautionnons pas leur présence sur les lieux, car cela a été déploré par la population». Pourtant, rapporte-t-il, la mairie avait essayé de travailler avec un policier du commissariat de Grand Yoff, en vain. Mieux, il nous rapporte que la municipalité dispose d’une brigade permanente de surveillance de l’occupation anarchique de la voie publique. «Les agents ont des sabots qui leur permettent d’immobiliser tous les véhicules qui sont irréguliers sur la voie publique», indique-t-il. Hélas, se désole-t-il, «ce qui est malheureux, nous avons constaté, comme tout le monde d’ailleurs, qu’ils continuent d’exercer là-bas». Une information que corrobore ainsi la petite voiture pleine de sabots d’immobilisation de véhicules vue à la gare clandestine, le samedi 7 dernier, et qui n’avait pas stabilisé le moindre véhicule de transport irrégulier. Pourtant, les véhicules étaient là. Tel un cri du cœur en direction autorités de la commune, surtout les forces de l’ordre, il dira que «l’autorité étatique devrait nous accompagner pour faire quitter les clandos. Si elles (forces de l’ordre) récupéraient les permis et sanctionnaient comme il le faut, je pense qu’on ne verra plus cela».
BABACAR IBRA MAR, SOUS PREFET DES PARCELLES ASSAINIES, N’ECARTE PAS DES ARRESTATIONS
Pour être édifié sur la connaissance de ce phénomène qui prend de l’ampleur dans la commune, nous nous rendons, sans rendez-vous, le mercredi 11 décembre, à la sous-préfecture de l’arrondissement des Parcelles assainies qui couvre aussi les communes de Grand Yoff, Patte d’Oie et même Cambérène. En l’absence du sous-préfet, son adjoint M. Kane nous fait savoir qu’il est nouveau à ce poste, tout en nous proposant de revenir plus tard, quand le sous-préfet sera là. Ce que nous avons fait vers 12h, le même jour. A peine informé de l’objet de notre visite, le sous-préfet Babacar Ibra Mar appelle en notre présence le commissaire de police de Grand Yoff pour l’informer que les véhicules «wargaïndé» assurant irrégulièrement la navette Dakar-Mbour et Dakar-Thiès ont repris du service et se seraient déplacés de l’autoroute vers la station Hlm Patte d’oie. Il lui a demandé de prendre le plus rapidement possible les dispositions nécessaires pour les dégager. Cela, quitte à procéder à des arrestations contre les récidivistes. Mieux, il a demandé au commissaire de police de lui revenir dès que possible.
Après ce coup de fil, le sous-préfet Babacar Ibra Mar nous indique que nous venons de lui donner une information, car il pensait que le problème était réglé, alors qu’ils se sont repliés alors un peu à l’intérieur de Grand Yoff. Après quelques recherches sur les registres des départs courriers, il a brandi une correspondance datant du 3 mai dernier, enregistré sous le numéro n° 338, qu’il avait adressé au Capitaine Commandant d’escadron de la gendarmerie de Mbao. Dans la missive qu’il nous a lue, il a d’abord remercié le Commandant pour le travail fait sur le tracé de l’autoroute, au niveau du jardin qui fait face à l’autoroute, où exerçaient les transporteurs clandestins, impactant négativement sur la circulation. Ensuite, il l’a informé que ces derniers, suite à une investigation qu’il avait menée lui-même, s’étaient retranchés derrière l’usine de Poissons qui se trouve à quelques mètres de là, non sans l’inviter à réagir de nouveau. Autant de choses qui lui font dire que «c’est des gens qui, aujourd’hui, jouent au chat et à la souris avec nous».
Il nous a ainsi assuré avoir donné des instructions au commissaire de Grand-Yoff pour démanteler ledit garage, parce que «c’est un garage qui n’a pas sa raison d’être». Il reste ferme, indiquant que «tant qu’ils sont dans cette situation d’illégalité, ils ne pourront pas exercer correctement cette activité». Mieux, l’autorité administrative renseigne qu’il ne s’agira plus, aujourd’hui, de les traquer et de les démanteler. A son avis, «s’ils persistent à exercer cette activité-là, il faudrait que les rigueurs de la loi leur soit imposée».
Allant plus loin, il dira que «si ça doit amener à des arrestations, je pense que l’autorité policière ne ménagerait pas ses efforts pour ça». Il reconnait tout de même qu’il peut exister une certaine complicité avec certains agents sans que les autorités ne soient au courant. Pour lui, «aucun responsable, que ce soit le maire, le sous-préfet, le commissaire de police ou le capitaine de la gendarmerie, n’a ce don d’ubiquité-là d’être présent partout». Toute chose qui lui fera dire que tout agent au courant de cette activité illégale doit entreprendre les diligences nécessaires pour y mettre un terme ou à défaut, faire remonter l’information. «Mais, laisser le gars exercer dans l’illégalité, sans pour autant essayer de faire quelque chose, on peut le considérer comme une forme de complicité qui n’a pas sa raison d’être», trouve-t-il.
Malgré les injonctions faites au téléphone par le sous-préfet, en notre présence, au commissaire de police de Grande Yoff, afin de diligenter le plus rapidement une action pour démanteler ledit garage, les activités se poursuivaient de plus belle sur les lieux. Jusqu’au vendredi 20 décembre dernier, vers 10h30mn, les transporteurs interurbains illégaux continuaient d’exercer à ladite gare clandestine.
DISPOSITIONS LEGALES EN VIGEUR AU SENEGAL : Les transporteurs illégaux risquent la fourrière
Les raisons de la persistance du transport irrégulier dans le pays sont à chercher ailleurs que l’absence de dispositions réglementaires dans le domaine. En effet, le Sénégal dispose d’une loi n°2004-13 du 13 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n°2002-30 du 24 décembre 2002 du Code de la route. Dans la partie législative, il est prévu à l’article L.119 une mise en fourrière de véhicules, c’est-à-dire, le transfert d’un véhicule en un lieu désigné par l’autorité administrative en vue d’y être retenu jusqu’à la décision de l’autorité désignée à l’article 128. Les transporteurs irréguliers qui exercent en toute quiétude dans le pays et plus précisément, ceux qui font la navette Dakar-Mbour et Dakar-Thiès, sont concernés par cette disposition. A l’alinéa 7 dudit article, l’officier de police judiciaire territorialement compétent et les agents assermentés de l’administration chargée des Transports terrestres peuvent prescrire la mise en fourrière pour «circulation d’un véhicule employé au transport public ou privé de personnes ou de marchandises sans visite technique en cours de validité».
Sachant que ces derniers ne paient aucune taxe pour exercer le transport de passagers, le même article en son alinéa 10 prévoit la fourrière pour eux aussi. Il stipule que la fourrière concerne le «défaut de règlement de la taxe annuelle sur les véhicules à moteur et défaut de paiement de la patente annuelle pour les véhicules affectés soit aux transports publics de personnes, soit aux transports de marchandises, ainsi que le défaut de paiement de l’amende forfaitaire dans les délais».
RECRUDESCENCE DES ACCIDENTS DE LA CIRCULATION AU SENEGAL : 550 décès, selon Oumar Youm
S’exprimant lors du lancement de la Semaine nationale de la prévention routière, en juin dernier, le ministre des infrastructures terrestres et du désenclavement, Me Oumar Youm avait fait l’état des lieux des accidents de la circulation dans le pays. A cet effet, il avait déclaré que «le pays connait une recrudescence des accidents de la circulation. Ces accidents ont atteint une moyenne annuelle de 4 554 accidents avec au moins 550 décès». De l’avis du ministre, bon nombre de ces accidents sont imputables au comportement humain. Me Youm a notamment mis en cause l’excès de vitesse, la somnolence au volant, la conduite en état d’ébriété, la fatigue et le non-respect des règles (Code de la route). Des accidents dont les conséquences «économiques, sociales et environnementales énormes atténuent les performances économiques du pays». Pour y remédier, il informe que «le chef de l’Etat a demandé à la tutelle, en rapport avec les acteurs concernés, notamment la police et la gendarmerie, de prendre des mesures durables contre cette problématique qui constitue un enjeu économique et sociétal majeur».
LA GARE DES BEAUX MARAICHERS CONSIDEREE COMME UN MOUROIR PAR LES TRANSPORTEURS
Pendant ce temps, les chauffeurs de la gare routière des Beaux Maraîchers trinquent. En effet, un tour effectué le mercredi 11 décembre sur les lieux, vers 10h-11h, a permis de rencontrer des transporteurs dans le désarroi, ne sachant plus à quel saint se vouer. Déjà, au tableau Dakar-Mbour et Dakar-Thiès, les rabatteurs et les chauffeurs étaient plus nombreux que les clients. Une pléthore de véhicules type 7 places et minicars attendaient patiemment des passagers. A peine avoir fini d’exposer l’objet de notre présence sur les lieux, les langues ont commencé à se délier en même temps, comme si les chauffeurs n’attendaient que notre présence pour vider leurs sacs d’amertume. Il était difficile pour nous de les suivre tous. Après un moment de tohu bohu, nous nous sommes résolus à cibler un seul, plus calme à nos yeux, qui s’est présenté sous le nom d’Ibrahima Ndong. Ce chauffeur nostalgique des moments passés au garage Pompier, rappelle que les activités marchaient très bien là-bas. «Depuis que nous sommes venus aux Beaux Maraîchers, notre calvaire a commencé», s’est-il lamenté. Selon lui, il est très difficile pour un chauffeur d’avoir un seul aller par jour vers Mbour, alors qu’ils paient des assurances de transport de 25.000 par mois. Ce qui n’est pas le cas, à son avis, pour les maraudeurs «wargaïndé».
Du même avis qu’Ibrahima Ndong, ce septuagénaire du nom de Momar Ndao, responsable du tableau Dakar-Mbour, nous pointe du doigt le véhicule «7 places» pour lequel le tour est arrivé de charger. Concernant ce véhicule, il informe que «le chauffeur s’est inscrit, depuis 3 jours pour ne pouvoir prendre départ qu’aujourd’hui». Sur les raisons, Momar Ndao indique que les «wargaïndé» font du maraudage au vu de tous à Bounte Pikine, à quelques mètres de la gare des Beaux Maraîchers et partout dans la ville au point que les clients n’arrivent pas dans la gare. Pis, il déplore que le maraudage se fasse même en centre-ville, alors qu’il leur est impossible de se rendre à Dakar pour une location sans un bon de sortie. Très remonté contre les autorités du pays, au premier chef le président de la République Macky Sall qui, selon lui, n’a rien fait pour endiguer ce mal, Momar Ndao rapporte que «nos camarades chauffeurs se moquent de nous qui sommes dans la gare en nous considérant comme des gens qui sont dans un mouroir pour transporteurs et ils ont raison de le dire car on ne gagne rien ici». Lassés par l’inaction des autorités, les transporteurs des Beaux Maraîchers n’écartent pas de sortir tous leurs véhicules de la gare pour faire comme les maraudeurs.
Ce phénomène des véhicules de transport illégal Mbour-Dakar et Dakar-Thiès, communément appelé «wargaïndé» prend de plus en plus des proportions inquiétantes dans le pays. Au-delà du transport interurbain auquel se livrent les véhicules de marque Dacia et Peugeot 307, le transport en commun urbain avec des voitures «clandos» dans la capitale se fait de manière illégale et sans problème. Cela, au vu et avec la complicité de tous, au grand dam des transporteurs réguliers qui disposent de tous les papiers de transport. Un transport illégal qui ne sera pas sans impact sur l’économie du pays, au moment où les autorités remuent ciel et terre pour trouver des ressources financières pour leurs grands projets.