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‘’Quiconque fait le ‘Takkou Souf’ est dans la fornication’’
Publié le lundi 25 novembre 2019  |  Enquête Plus
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© Présidence par DR
Le chef de l`État effectue la prière du vendredi à la Riviera
Abidjan, le 27 juin 2019 - Le chef de l`État a effectué la prière du vendredi à la grande mosquée de Riviera, à Abidjan.
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‘’Takkou Suuf’’, ‘’Tara’’ et ‘’Bara yeggo’’, des pratiques qui deviennent de plus en plus fréquentes dans les ménages sénégalais. Sont-elles admises par l’islam ? Quel est le sort réservé aux enfants issus de telles unions dans la succession ? Le cadi du tribunal de Dakar, Mamadou Sène apporte, à travers cette interview, les réponses de la charia.

Que dit le droit musulman sur les mariages en cachette ?

Le ‘’Takkou Suuf’’ ou le mariage en cachette est banni par l’islam. Les écoles de référence, telles que celles d’Ahmad, d’Hamadou, ou de l’Imam Malick, sont toutes d’accord que le mariage en cachette est banni par la religion musulmane. Il y a également les hadiths du Prophète qui l’interdisent. En effet, le Prophète dit que les unions en cachette ne sont pas valables, parce que le mariage doit être public. Ce qu’il faut cacher en islam, ce sont les relations de conquête ou de prétendant. Quant au mariage, il doit être célébré, en donnant de la nourriture aux invités, au moment de le sceller à la mosquée et après on peut célébrer par la musique, en utilisant des instruments tels que les ‘’Tabalas’’.

Ce, parce qu’à l’époque du Prophète, il n’y avait que les ‘’tabalas’’, mais maintenant, on a d’autres moyens pour rendre célèbre un mariage. Il faut savoir que l’animation et l’ambiance ne sont autorisées par la charia que lors de la célébration d’un mariage. A cette occasion, on peut animer en battant les ‘’tabalas’’ et en dansant. C’est pour avertir tout le monde, pour que, quand les gens voient les deux époux ensemble, ils sachent qu’ils sont un couple légal, parce que l’islam ne veut pas que l’on fasse des choses qui font douter les gens. C’est pourquoi, le mariage en cachette doit être banni par tout musulman.

Il n’y a personne qui peut dire que ce genre d’union est permis, parce que l’islam est bien précis là-dessus, en disant que les mariages doivent être populaires. Et même le code de la famille du Sénégal a une vision presque similaire que l’islam sur cette question. En effet, l’article 149 du code de la famille stipule que les époux s’obligent à la communauté de la vie. Ils se doivent respect et affection. En cas de polygamie, chaque épouse peut prétendre à l’égalité de traitement par rapport aux autres. C’est dire que l’esprit de cet article interdit le ‘’Takkou Suuf’’. Cependant, l’islam n’interdit pas un mariage sans publicité. Il ne refuse pas que l’on décide de se marier en toute sobriété avec seulement les témoins et les parents de la femme. Mais dès qu’on recommande aux témoins de se taire sur l’évènement ou de s’abstenir de le raconter aux gens, ça devient du Takkou Suuf. Et c’est haram (défendu). On peut avoir des témoins restreints et célébrer dans la sobriété, mais on ne doit pas interdire aux gens d’en parler. Toutefois, le nombre de personnes présentes au moment de sceller un mariage n’a aucun rapport avec sa validité. On peut avoir un grand nombre de personnes ou bien même deux personnes, mais le mariage reste valide. Ce qu’il ne faut pas faire, c’est interdire aux gens de rapporter le mariage aux autres. C’est surtout l’intention qui compte, parce qu’Allah a dit que c’est par elles que je vous juge.

Le fait de ne cacher le mariage qu’à sa femme peut-il être considéré comme Takkou Suuf ou mariage clandestin ?

Si on le cache à sa femme uniquement, on ne peut pas le considérer comme Takkou Suuf ou mariage clandestin, s’il a été, bien sûr, célébré publiquement avec des témoins valables. Mais, un homme qui cache des secrets à sa femme ne fera pas partie des hommes que le Prophète Mohamed (Psl) considère comme les meilleurs pères de famille. Ces derniers sont ceux qui parlent avec leur femme, quelle que soit la situation. Cela peut se révéler parfois difficile, mais c’est la meilleure posture à adopter. Les hommes doivent se conformer à la sunna du Prophète. C’est dire que, dans un couple, chacun doit gérer ses biens séparément. L’on sait qu’aucune femme n’accepterait qu’on prenne ses biens pour entretenir une autre. Si les hommes se conformaient à l’islam, il n’y aurait pas ces problèmes, car la religion autorise la polygamie et recommande la séparation des biens. Mais, si l’homme opte pour la monogamie et la communauté des biens, l’islam le condamne à respecter cette décision jusqu’à la fin de ses jours. C’est ce qui pousse les hommes à faire le ‘’Takkou Suuf’’, car ils prennent des décisions qu’ils ne peuvent pas assumer. Alors que quiconque fait le Takkou Suuf est dans la fornication.

Qu’en est-il du droit d’héritage pour les enfants issus de ce genre de mariage ?

Il faut savoir que le mariage en cachette ou une union pendant laquelle on a interdit aux témoins de raconter l’évènement n’est pas reconnu par la charia. Et l’enfant issu d’un mariage non reconnu, l’islam ne peut pas le considérer comme légitime. La religion musulmane considère cet enfant comme illégal. Il n’a donc aucun droit de succession. Et dans le code de la famille du Sénégal, c’est presque le même principe. Le code indique que chacun doit se marier selon ses coutumes ou sa religion. Après, on avertit le législateur qui constate le mariage. En outre, l’article 146 du code stipule que le mariage non constaté est valable, mais les époux ne peuvent s’en prévaloir à l’égard de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics ou privés ou prétendre notamment aux bénéfices des avantages familiaux. Ce sont les sanctions pécuniaires pour les mariages non déclarés à l’état civil. Hors étant donné que le code de la famille, qui est une invention des hommes, sanctionne ces types de relations, à plus forte raison la loi divine. C’est dire que l’islam ne peut reconnaitre les enfants nés d’une telle union. Ils sont considérés comme des enfants extraconjugaux. Ils n’ont donc aucun droit d’héritage ou de succession.

Qu’en est-il de la femme. Pourrait-elle hériter de son mari ?

Non ! Le mariage n’est pas légal, donc, la femme ne peut pas hériter. C’est un mariage nul. C’est comme le concubinage. Et en islam, on n’hérite pas de son concubin. Parfois, on reçoit des cas pareils dans les héritages où, après la mort d’un homme, une femme vient de nulle part pour dire que c’était son mari. Dans de pareilles circonstances, la famille du défunt refuse souvent de reconnaitre cette épouse. Elle déclare qu’elle n’a jamais entendu parler de la femme et il n’y a aucune preuve écrite qui montre que c’était l’épouse de leur proche.

Dans ce cas, la femme décide souvent, avec l’aide de sa famille et de ses témoins, de porter l’affaire devant le tribunal pour faire un mariage après décès. Le juge peut accorder ce mariage et la femme aura son certificat de mariage. Ainsi, dans le partage judiciaire, elle pourra faire partie des ayant-droits avec son certificat de mariage. Quant à la charia, elle ne reconnait pas le mariage après la mort. En islam, une femme qui procède de cette manière doit savoir ce qu’elle réclame ne lui revient pas. Le Prophète (PSL) a dit que quiconque prend l’héritage auquel il n’a pas droit sera puni par la charia. Donc, si une femme manœuvre pour faire partie d’un héritage auquel elle n’a pas droit, elle sera punie par le Seigneur. C’est pour cela qu’aucune musulmane ne doit accepter qu’on lui propose le Takkou Suuf. C’est pour elle une preuve manifeste de manque de respect.

Qui doit être témoin pour qu’un mariage soit valide ?

Les témoins d’un mariage doivent être des personnes de bonne foi. Deux musulmans de bonne foi, crédibles et véridiques. Ces deux personnes peuvent être n’importe qui, sauf les proches parents. Ils sont choisis par le mari et les parents de la fille si elle est mineure. Si elle est majeure, elle peut choisir elle-même ses témoins. Cependant, personne ne peut recommander à ses témoins de ne pas rendre compte ou raconter l’union aux autres, car si on donne l’ordre aux témoins de se taire sur l’union, cela devient Takkou Suuf. Les témoins doivent rendre célèbre le mariage et le raconter à quiconque le leur demande. Il y a aussi des règles qu’il faut respecter dans le mariage. La fille ne doit pas être en état de grossesse ou en période de viduité, au moment de sceller l’union. Il faut que les deux familles soient d’accord aussi. Les époux doivent s’aimer et être d’accord pour vivre ensemble. L’islam dit qu’on ne doit pas forcer une femme en mariage. Il faut également la dot. Mais elle peut être donnée, après que le mariage soit scellé ou après la consommation. Cependant, les témoins sont obligatoires avant toute consommation. Ce sont les socles du mariage.

Est-ce qu’une femme peut sceller un mariage ?

Dans la charia, une femme ne peut sceller son propre mariage ni ceux de sa progéniture. C’est aux hommes de le faire. Et ça doit être le père ou un membre de sa famille. La famille maternelle ne peut pas le faire.

Donc, les filles qui choisissent leur oncle maternel pour sceller leur mariage, en cas de refus de leur père sont dans l’illégalité ?

Dans la charia, l’oncle n’a pas le droit de donner en mariage. L’islam donne de l’importance au parrain et l’oncle n’en fait pas partie. Or, un mariage ne peut être légal sans une autorité, un kilifa qui sera le parrain et la première personne qui l’islam désigne pour assurer ce rôle est le père. Après lui, viennent les membres de sa famille jusqu’au cadi. Celui-ci intervient, quand le refus du père est basé sur des problèmes d’ethnies, de castes ou pour des intérêts matérialistes. Dans ce cas, l’islam autorise la femme à aller chercher un parrain, parce qu’elle ne veut pas violer la religion. C’est seulement dans ce cas qu’un oncle peut parrainer sa nièce.

C’est quoi la ‘’taraa’’ ?

Le concept Taraa vient de l’arabe ‘’Taratane’’ qui veut dire nombre de fois, c’est-à-dire la quantité qui renvoie aussi à plus de 4. En arabe Taraa signifie plus de 4 femmes. Or, dans la charia, aucun musulman n’a droit à plus de 4 épouses. C’est pourquoi, ceux qui prennent des taraa, c’est-à-dire, 5éme femme, sont dans la fornication. Et toute femme qui accepte cette position doit savoir qu’elle n’est pas une épouse, mais maitresse ou concubine. Parfois, l’homme suit ses pulsions jusqu’à vouloir épouser plus de 4 femmes. Mais, ce n’est pas autorisé par la charia. Ce qui existe en Islam, c’est l’esclave ; et l’esclavage est même aboli par notre religion. En effet, l’islam dit que si tu as ton esclave, tu peux l’utiliser comme ta femme.

Ces esclaves, jadis, ont été les captives pendant une guerre sainte. Pendant les guerres, le principe était de ne pas combattre les femmes. On les capturait et on en faisait des esclaves, en ce temps. Là aussi, il faut savoir qu’il y a des conditions pour déclencher une guerre sainte. En effet, il faut qu’une haute autorité religieuse en fasse la déclaration pour signifier son déclenchement. Les femmes qui accompagnent les hommes dans cette guerre, si elles sont capturées, seront considérées comme des esclaves. On pouvait alors les utiliser comme des épouses. L’islam considère ces femmes comme des esclaves, mais pas des ‘’Taraa’’ pour dire la 5éme ou la 6éme femme.

Taraa n’existe pas en islam, mais l’esclave existe. Cependant, l’islam recommande d’affranchir les esclaves. C’est pourquoi, parmi les sanctions que l’islam impose au croyant pour se racheter en cas de péché, il y a l’affranchissement d’esclave. Par exemple, si on ne jeûne pas en ramadan, on peut affranchir un esclave. Cela veut dire que l’islam encourage l’abolition de l’esclavage. Ça n’existe plus, sauf en cas de guerre sainte.

Dans le contexte sénégalais d’aujourd’hui peut-on avoir des Taraa ?

Non ! C’est impossible d’avoir des taraas actuellement au Sénégal. Si on le fait aussi, on le cache parce que c’est illégal. On ne peut pas dire que nous sommes des musulmans et après vouloir avoir des Taraas. La religion musulmane n’interdit pas d’avoir dix femmes, mais pas plus de quatre simultanément. On peut avoir quatre et répudier une pour prendre une autre. L’islam accepte bien d’avoir 4 épouses, répudier une pour la remplacer par une autre, mais la morale n’accepte pas. Cependant, le concept de taraa comme 5éme ou 6éme épouse n’est pas reconnu par l’islam.

Même si on hérite de la Taraa ?

Non. On n’hérite pas d’une personne. L’être humain ne fait pas partie de ce qu’on peut hériter. On hérite les biens et la femme n’est pas un bien. Si on veut hériter d’une femme qui était considérée comme une Taraa, il faut savoir qu’on viole l’islam, on viole la charia. Or, personne n’aimerait voir sa femme ou sa fille violée. Donc, Dieu ne pardonnera pas à celui qui viole la religion. Toutes ces pratiques doivent être bannies, parce qu’elles l’ont été par l’islam. Il faut savoir que la religion est sacrée. Ce sont des paroles de Dieu qu’il faut respecter scrupuleusement.

Comment l’islam considère les enfants issus d’un mariage de Taraa ?

Les enfants nés d’une Taraa ou de 5éme femme sont considérés par l’islam comme des enfants naturels. J’en parlais tantôt, en donnant l’exemple d’un cas de litige concernant un héritage dans lequel, il y avait plus de 4 épouses. Il y a eu des problèmes pour le partage et ils ont fait recours au cadi pour régler le problème. Le cadi a réglé ce litige de manière très simple. Il a demandé c’était qui la première épouse, on lui a montré ainsi de suite jusqu’à la quatrième. Quand la cinquième s’est pointée, le cadi lui a tout simplement signifié qu’elle n’avait pas un mari, mais plutôt un copain. Or, en islam, on n’hérite pas de son copain. Quiconque accepte d’être Taraa doit savoir qu’elle n’est pas légale et ses enfants n’ont pas le droit à la succession. L’islam considère cela comme un concubinage et la femme, une maitresse.

Et le Bara Yeggo, c’est-à-dire répudier une femme plus de trois fois, et se mettre d’accord avec un autre homme pour qu’il l’épouse et ensuite divorcer pour que l’ancien mari puisse la reprendre ?

Cette pratique aussi est une violation de la religion. Quiconque s’y adonne doit savoir qu’il est en train de violer la religion musulmane et Dieu ne lui pardonnera jamais. Si on aime une femme, on doit savoir la garder. Et si on ne l’aime plus, il faut la libérer. Mais, on ne doit pas jouer à la répudier n’importe comment. L’islam ne veut pas cela, même s’il autorise la répudiation. ‘’Allah a dit : de tout ce qui j’ai rendu légal, c’est la répudiation que je déteste le plus’’. C’est pourquoi, on l’autorise deux fois seulement, parce qu’on ne veut pas que cela entraine une certaine anarchie. Quand on répudie une femme trois fois, elle devient Haram pour vous.

Pour la reprendre, il faut qu’un autre homme l’épouse d’abord et qu’elle divorce de nouveau après la consommation de ce mariage. Vous pouvez la marier de nouveau. Cependant, l’islam interdit à l’homme de profiter de cette possibilité. Ainsi, l’ancien époux ne doit pas influencer le remariage de son ex-femme pour espérer la reprendre après. Mais si la femme décide librement de se remarier et divorce après, l’ancien mari a maintenant le droit de la remarier. Mais, si c’est l’homme qui a influencé la femme ou l’autre mari pour pouvoir récupérer sa femme, ça devient illégal et puni par la religion. L’islam considère cela comme une violation, c’est-à-dire un groupe de bandits qui fait ce qu’il veut. C’est pourquoi, les hommes doivent prendre soin de leurs épouses et éviter les répudiations non fondées. Ce qui motive ces histoires de Bara Yeggo avec des plans pour récupérer sa femme.
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