Atteindre l’autosuffisance alimentaire au Sénégal, en donnant à la culture du fonio sa place, c’est possible. C’est l’avis du Pr Sanoussi Diakité qui a inventé la machine à décortiquer du fonio. Il invite l’Etat à prendre en compte cette filière dans ses politiques publiques et ses programmes d’envergure.
La machine à décortiquer le fonio a été inventée, en 1993, le Pr Sanoussi Diakité. Actuellement, plus de 200 exemplaires sont au Sénégal et à l’international. Même si c’est vrai qu’elle n’est pas encore conçue dans une fabrique industrielle, elle réalise les fonctions pour lesquelles elle a été créée. Sa principale mission, selon l’ingénieur, est d’alléger le travail des femmes qui faisaient le travail ardu du décorticage. A cela s’ajoute qu’elle doit être un instrument de relance pour le fonio, parce que la pénibilité du travail de décorticage avait fait que les gens avaient abandonné la culture du fonio.
‘’Tout le monde est d’accord que le fonio est un produit très nutritif. De surcroît, c’est un aliment qui est adapté à des cultures dans des zones où il n’y a pas beaucoup de pluie ou les sols sont pauvres. Ce n’est pas une culture exigeante, du point de vue de la production. Sur le plan cultural et nutritif, le fonio présente des avantages énormes. Tout le problème résidait au niveau de sa transformation. C’est le verrou là que j’ai levé et, depuis, on a vu que le fonio s’est relevé partout. Maintenant, il y a le fait de se relever et la phase d’envol. Cela va nécessiter des actions plus importantes’’, confie M. Diakité à EnQuête.
Selon lui, la création de la machine a été comme une sorte d’action qui a catalysé tous les segments de la filière. Qu’il s’agisse des chercheurs, des producteurs, des opérateurs économiques et des transformateurs qui avaient pensé que ce produit était négligeable. ‘’Il y a une prise de conscience et la consommation commence par une bonne vision des citadins. On est dans le développement de la filière où il y a plusieurs acteurs qui sont concernés’’, dit-il.
Mettre en place une chaine de valeurs
Pour le relèvement de cette filière, il a livré sa recette. Selon lui, il faut que les acteurs prennent conscience de l’enjeu de ce produit pour se mettre dans le fonctionnement d’une chaine de valeurs. ‘’Il est plus connu, car c’était quelque chose qui avait disparu. Il faut s’accorder qu’il y a une production, même s’il n’a pas atteint le niveau que nous souhaitons. Pour qu’on puisse accélérer la chose, il faudrait que cela puisse être pris en compte dans les politiques publiques, les programmes d’envergure de l’Etat, comme ce fut le cas avec les autres. Aujourd’hui, les productions de fonio tournent, selon les statistiques, entre 3000 et 4000 T au Sénégal, mais c’est encore faible. Alors qu’on pourrait atteindre la barre d’un million de tonnes sans grands efforts. C’est une culture qui a beaucoup de plus-value et de valeurs ajoutées’’, déclare Pr Diakité.
‘’Un kilo de fonio peut nourrir 10 personnes’’
Il pense qu’il faut mettre l’accent sur la culture du fonio, à travers la mise en place d’un programme d’envergure porté par l’Etat. Il pourra prendre en charge la question de la semence qui devra être distribuée à grande échelle dans les zones qui cultivent du fonio. Ensuite, il faudra mettre en place un système pour faciliter la vente, en cas de production, et organiser le commerce à l’extérieur. Il est aussi possible qu’on cultive le fonio dans des zones où il n’est pas cultivé, comme le cas à Diourbel et à Louga. ‘’On peut le récolter au mois d’août. C’est une culture de soudure qui ne demande de l’engrais et cela ne demande pas d’entretien. Ce genre de programme est possible. On n’a pas le droit de prendre du retard, car d’autres pays sont en avance. Dans l’autosuffisance alimentaire, le fonio joue un rôle important, le même que le riz, parce que, quand on diversifie les cultures, cela fait baisser la pression de la demande sur le riz. Un kilo de fonio peut nourrir 10 personnes. Ce n’est pas la même chose que le riz. Cela va accroitre le niveau de satisfaction par rapport au riz, grâce aux autres cultures’’, explique-t-il.
Le Pr Sanoussi Diakité souligne également que le fonio, sur le plan nutritif, améliore la santé des populations. C’est un atout pour améliorer le régime alimentaire de la population, ainsi que le revenu. C’est un avantage économique pour tous les pays qui le cultivent. Il a la particularité de n’être cultivé qu’en Afrique de l’Ouest. ‘’Il suffit juste de lui donner une certaine valeur, pour qu’il puisse devenir une figure emblématique. Il y a des projets d’investisseurs dans ce sens, mais il y a un problème d’approvisionnement. Ça intéresse l’Occident et peut-être que cela va créer le déclic pour nos opérateurs’’, conclut optimiste l’inventeur de la machine à décortiquer le fonio.