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Démission du député Bougazelli: Une démission déshonorante !
Publié le jeudi 21 novembre 2019  |  Enquête Plus
Seydina
© Autre presse par DR
Seydina Fall, Bougazelli, député Benno Bokk Yaakar
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La démission, généralement, ennoblit, hissant son auteur au rang des ‘’grands hommes’’ qui préfèrent leur dignité aux privilèges déshonorants. Contrairement à certaines démissions qui ont marqué l’histoire parlementaire du Sénégal indépendant, celle du député de Guédiawaye met en évidence plutôt un échec cuisant, aussi bien dans sa forme que dans ses causes profondes.

Le scandale Bougazelli n’en finit pas de faire des victimes. Comme son taux très fluctuant de glycémie, les déclarations du député sont aussi volatiles qu’évanescentes. L’homme est capable de dire une chose tout de suite, de se contredire l’instant d’après. Hier, alors que la toile s’enflammait sur sa démission, l’intéressé lui-même apportait un cinglant démenti, mettant mal à l’aise tous les journalistes qui avaient pourtant juré, quelques instants seulement plus tôt, avoir parcouru sa fameuse lettre de démission. Sur les ondes de la Rfm, il pestait : "Je n'ai pas encore démissionné. Cela dépendra de la suite des évènements. Je me rends à la Section de recherches de la gendarmerie. On me posera des questions, je répondrai. Mais je ne démissionne pas.’’ C’était vers les coups de 18 h.

Il a fallu moins de 2 heures - vers 20 h - pour que la ‘’vérité’’ soit rétablie. ‘’J’ai reçu, ce jour, à 15 h, de notre collègue Seydina Fall, une lettre de démission de son mandat de député. Acte lui est donné, comme le dit le règlement intérieur par la Plénière qui se réunit, de sa démission. Il sera remplacé, conformément aux dispositions de l’article 7 du règlement intérieur, le moment venu… J’ai voulu en informer les membres du bureau, ensuite en informer tous les députés, pour respecter la procédure que requiert la morale et les relations humaines que nous devons gérer’’.

Pour certains hommes de médias et organes de presse réputés, c’est l’honneur retrouvé. Ils pouvaient, dès lors, bomber le torse. La lettre qu’ils disaient avoir parcourue a été bel et bien rédigée et reçue par le président de l’Assemblée nationale lui-même. En tout cas, c’est ce que ce dernier a affirmé à la fin de la séance plénière, hier. Le débat quittait ainsi les médias pour concerner l’état psychologique de celui qui était jusque-là un représentant du peuple.

Comment un homme sensé peut-il déposer sa démission à 15 h sur la table du président de l’Assemblée nationale et se démentir lui-même deux heures à peine ?

Cette question restera sans doute sans réponse. Mais une piste jusque-là inexploitée : c’est de savoir si c’est bien lui qui a rédigé et déposé sa lettre démission ou bien on l’a écrite et déposée en son nom et sans son consentement ? Ce qui serait tout de même rocambolesque et peu probable. Ce qui est sûr, selon nombre d’observateurs, c’est que l’ancien faux lion, taulard, devenu député, n’a pas été nourri au lait de cette vertu républicaine que constitue la démission. A moins d’y être contraint par son mentor politique, le président Macky Sall. En tout cas, lui-même affirmait quelques instants avant de rejoindre la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane : ‘’Macky Sall daff ma méré (Macky Sall est en colère contre moi).’’ Ce qui est sûr, c’est que d’après nombre d’observateurs, le régime avait tout à perdre en maintenant ce boulet qui, de surcroit, ne peut ni faire gagner ni faire perdre une élection.

Dans tous les cas, il est maintenant entré dans l’histoire. Désormais, dans la liste restreinte des personnes ayant démissionné de l’Assemblée nationale en pleine mandature, figurera Seydina Fall Bougazelli. Mais même fort de cette démission, le député, mêlé à une vilaine affaire de faux billets, n’en sera pas pour autant un modèle. Il sera surtout rangé dans cette catégorie rarissime qui aura quitté l’hémicycle par la fenêtre et non par une grande porte.

En effet, il est un des rares, si ce n’est le seul, à avoir démissionné parce que poursuivi en procédure de flagrant délit pour des faits aussi graves.

Plus déshonorant encore, cité dans cette association de malfaiteurs et contrefaçon de signes monétaires, le député de Guédiawaye, cinq jours durant, a planté les pandores de la Section de recherches. Ce n’est que par voie de presse que ces derniers apprenaient la nouvelle de sa supposée maladie et de son internement à l’hôpital. Toute la journée du vendredi, tout comme le lundi, ils l’ont attendu. En vain ! ‘’L’honorable député’’ n’a daigné déférer à la convocation des pandores qu’hier. Comme au premier jour, il a été relâché après un face-à-face d’à peine 15 minutes, selon son avocat Maitre El Hadj Diouf.

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UNE LONGUE TRADITION POLITIQUE

Ces cas de démission qui ont marqué la vie de l’Assemblée nationale

De Talla Sylla à Souleymane Ndéné Ndiaye, en passant par Macky Sall, à chacun ses raisons pour quitter l’Assemblée nationale, avant le terme de son mandat.

Au sommet de l’Etat, les démissions se suivent, mais ne se ressemblent pas. Bien avant Seydina Fall Bougazelli, l’actuel locataire du palais de la République avait démissionné, avec fracas, de l’Assemblée nationale. Mais c’était pour des raisons bien plus nobles. Traqué, destitué de son poste de président de l’institution par son ancienne formation politique, il s’était finalement résolu à se décharger de tous les postes électifs qu’il avait acquis sous la bannière du Parti démocratique sénégalais : député, conseiller municipal, maire. C’était le 9 novembre 2008. Dans sa maison sise à Fann, il disait : ‘’Le Pds n’a plus besoin de moi. Je renie toutes les fonctions que j’ai obtenues sous les couleurs du parti.’’

Dans son allocution d’adieu, l’ancien président de l’Assemblée nationale fustigeait : ‘’Un acharnement et une effervescence négative’’ de la part de ses anciens camarades, ‘’des pratiques qui avaient fini’’, estimait-il, ‘’d’écorner l’image des institutions.’’. Il faut aussi signaler que cette démission avait beaucoup pesé sur la trajectoire politique de l’homme, le menant sur les chemins de la présidence de la République.

Outre Macky Sall, d’autres députés ont préféré jeter l’éponge en plein mandat, malgré les privilèges qu’offre l’institution. C’était le cas de Talla Sylla en 2001, après sept mois seulement à l’Assemblée nationale. Le député atypique devenait ainsi l’un des députés les plus éphémères dans l’histoire du Parlement sénégalais. Comme motif de son départ, il y avait surtout une question principielle. L’actuel maire de Thiès voulait surtout imprimer ses marques à la place Soweto. Son ancien camarade de parti, Ndiaga Sylla, qui est maintenant dans la société civile, explique : ‘’En fait, à l’époque, lors des sessions budgétaires, le vote sans débat avait tendance à être érigé en règle. Talla Sylla, qui estimait être à l’Assemblée pour la défense des intérêts de la population, s’était battu contre, mais on lui rétorquait que c’est la tradition. Il a préféré quitter, puisqu’il ne pouvait exercer convenablement son mandat.’’

Son remplaçant, Moussa Tine, actuellement allié de Khalifa Ababacar Sall, lui emboitera le pas cinq ans après. C’était en 2006, quand Abdoulaye Wade a voulu prolonger le mandat des députés sous le prétexte des inondations. Trouvant cet acte illégal, il a tout simplement claqué la porte pour ne pas avoir à manger des privilèges qu’il pensait indus.

Plus récemment encore, Souleymane Ndéné Ndiaye, Pape Diop et Mamadou Seck ont aussi démissionné de l’Assemblée nationale pour des raisons aussi variées les uns des autres. Pour ce qui est du dernier Premier ministre du président Wade, il confiait s’être déchargé pour aller poursuivre des études en anglais à Londres. Certains y voyaient déjà un faux prétexte pour rejoindre plus tard les prairies marron. Quant aux deux anciens présidents de l’Assemblée nationale sous le règne du ‘’Sopi’’, il s’était plutôt agi de laisser leurs places à leurs suppléants. L’un est toujours dans la scène politique, l’autre semble avoir pris sa retraite.

15 MINUTES CHRONO, MENACES SUR LES PREUVES, NOUVELLE CONVOCATION

Quand la justice rampe au rythme de Bouga !

Après s’être joué de la justice pendant cinq jours (du jeudi au mardi), Seydina Fall Bougazelli, mêlé à une affaire de faux billets, s’est finalement présenté, hier, devant les enquêteurs de la Section de recherches de la gendarmerie, en compagnie de son avocat Maitre El Hadj Diouf.

Mais, à en croire ce dernier, l’audition n’a pas eu lieu. ‘’Nous sommes prêts. Nous étions venus pour être auditionnés. Nous avons été reçus par le commandant Mbengue, mais il nous a demandé de repartir et de revenir demain à 16 h’’, confie-t-il par téléphone.

Ainsi donc, c’est la deuxième fois que M. Fall repart libre de la Section de recherches de Colobane, alors même qu’il avait été pris en possession de montants importants de faux billets. Pourquoi ? Les autorités judiciaires voulaient-elles éviter un vice de procédure à cause du statut de député du présumé trafiquant ? Attendaient-elles que la question de son immunité soit réglée, etc. ? Autant d’interrogations sans réponse.

Quoi qu’il en soit, les spécialistes sont presque unanimes : Bougazelli devait subir le même sort que ses coinculpés dans cette sale affaire. Certains estiment même qu’avec toute cette liberté dont il dispose, il peut bel et bien s’être départi de tout élément qui aurait pu constituer de preuves, si les faits dont il est accusé sont avérés.

Ce qui est sûr, c’est que, d’après son avocat, le face-à-face entre son client et les pandores n’a même pas duré 15 minutes. Aujourd’hui encore, il répondra à 16 h.
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