La Caisse des dépôts et consignations (Cdc) a tout intérêt à polir son image auprès des professionnels du notariat. Faute de confiance et d’attractivité, ils sont nombreux à trouver des subterfuges pour éviter d’y déposer les fonds de leurs clients. Pourtant, la loi 2017-32 du 15 juillet 2017, tout comme le décret 2007-85 du 25 janvier 2007 font de ce dépôt une obligation. Récemment, à l’occasion du 31e Congrès des notaires d’Afrique, le chef de l’Etat n’avait pas manqué de rappeler cette exigence légale, au grand bonheur du directeur de la Cdc qui souriait et applaudissait.
Mais, du côté des notaires, on a une toute autre compréhension de la situation. Certains spécialistes, contactés par ‘’EnQuête’’, expliquent qu’en fait les professionnels redoutent que ces fonds, une fois déposés au niveau de la Cdc, fassent l’objet de spéculation. La banque de l’Etat, ajoutent-ils, peut s’adonner à des investissements non rentables pouvant mettre en péril les dépôts. ‘’Imaginez, argumente le juriste, qu’un notaire dépose ses milliards au niveau de la Cdc et que celle-ci se retrouve dans des difficultés de trésorerie. Il sera dans le pétrin parce que les notaires sont responsables devant leurs clients. C’est donc un problème assez complexe’’.
De ce fait, le spécialiste juge la crainte des notaires suffisamment légitime dans la mesure où la Caisse des dépôts et consignations, au Sénégal, est gérée par des politiques et fait parfois des investissements pas du tout lucratifs. Il cite l’exemple d’Air Sénégal qui, à l’en croire, a une politique jugée mauvaise par plusieurs experts. ‘’Si cette entreprise tombe en faillite, cela va produire des effets en cascade. Non seulement, la caisse aura des problèmes, mais cela peut avoir des répercussions sur tous les déposants’’.
Aussi, souligne notre interlocuteur, la loi fait obligation de déposer les fonds qui dépassent les six mois : ‘’Or, pour les opérations normales, c’est rare qu’elles prennent six mois. Ce métier est différent, par exemple, de celui des avocats, qui manient des fonds dans une longue durée.’’
En effet, il ressort de l’article 1er du décret susvisé que chaque notaire a l’obligation de disposer de deux comptes auprès de la Caisse des dépôts et consignations, selon la nature des fonds. ‘’Un compte de disponibilités courantes pour les fonds qu’il détient depuis moins de six mois qu’il pourra mouvementer librement, par effet de règlement délivré par la Caisse des dépôts et consignations. Un compte de dépôts obligatoires pour les fonds à plus de six mois qui ne pourra être mouvementé que par virement au profit du compte de disponibilités courantes, au dénouement de l’opération’’, précise la disposition.
Il faut retenir que malgré les multiples initiatives visant à amener les notaires à de meilleurs sentiments, la résistance persiste encore.
Au-delà de cette lancinante question, la gestion de la Cdc soulève également un problème de concurrence déloyale dans le marché. ‘’La Cdc, estime le spécialiste, fait indirectement ce que l’Etat ne peut pas faire, c’est-à-dire exercer des activités génératrices de bénéfices. Elle a par exemple une filiale qui est dans l’ingénierie et le conseil (Caco). Ceci est de nature à déstructurer l’économie, dans la mesure où elle peut être privilégiée dans les projets de l’Etat au détriment des autres entreprises qui évoluent dans le même domaine. C’est aussi valable pour les autres secteurs dans lesquels investit la Cdc. Il y a un risque réel de dérégulation du marché’’.