Le mouridisme ne compte plus ses millions de disciples que chez les Sénégalais ou les Africains subsahariens, il s'est implanté depuis quelques années dans le cœur de certains blancs dont les ancêtres avaient pourtant persécutés Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de cette importante confrérie soufie de l’Afrique de l'Ouest qui a célébré ce jeudi 17 octobre la 125e édition de son Magal.
Le Portugais Ahmed et l’Américain Dylan sont deux blancs mourides venus célébrer le Magal après une conversion qui date de moins de deux ans.
Habillés en « ndjaxass » (tenue multicolore portée par les Baye Fall, branche du mouridisme) et marchant presque pieds nus sous le soleil en direction de la grande mosquée après être sortis du mausolée de Abdou Lahat Mbacké, ils ne veulent nullement être distraits dans leur dévotion bien qu’ils continuent de siroter leur dose de café Touba.
Ils confient passer « bien » leur Magal et se disent « fiers » d’être musulmans, surtout Dylan qui affirme connaître « plusieurs » de ses compatriotes devenus par la suite « mourides ».
Si ces genres de pèlerins attirent le plus l’attention, leur soumission est pourtant toute naturelle selon la pensée soufiste qui est une démarche spirituelle considérée comme ésotérique au sein de l’islam et dans laquelle les fidèles cherchent à atteindre la fusion avec Dieu.
Le soufisme « c'est d’abord de l’introspection. On ne laisse aucune place à l’ego, le nafs », affirme dans Le Monde Eric Geoffroy, islamologue et spécialiste du soufisme.
Cependant, « il n'y a pas de différence entre soufisme et mouridisme », selon Ousseynou Diattara, secrétaire de la bibliothèque mouride « Daaray Kamil », située en face de la mosquée de Touba.
« Le soufi est même à l’origine du Magal. Parce que Serigne Touba a accepté les épreuves de son Seigneur pour avoir cette victoire » symbolisée par le Magal. Cet événement représente pourtant son départ en exil au Gabon, mais il avait préféré substituer la manifestation de ses souffrances par des scènes de gratitude envers Dieu avant d’appeler ses disciples de l’imiter dans ce sens.
Par ailleurs, Cheikh Ahmadou Bamba détient « la solution des maux de notre monde » à travers son modèle soufi bâti sur des « enseignements » qui prêchent « l’unité, l'amour et la non violence », estime M. Diattara.
D'ailleurs, note-t-il, une grande partie de ces enseignements (textes, témoignages, panégyriques) sont soigneusement gardés dans cette bibliothèque construite en 1977 par Serigne Abdou Lahad Mbacké » (1914 - 1989). Son objectif était de réaliser le « rêve » de son père qui voulait avoir un endroit où on retrouverait « toutes sortes de sciences utiles », au bénéfice surtout de la jeunesse.
Dans l'une des pièces du bâtiment, les écrits du Cheikh sont repris en français et en arabe et dans une translitération en wolof, à la grande curiosité des nombreux visiteurs.
Si Mandou Diaby, 19 ans, lit un panégyrique affiché ici et consacré aux jeunes, il ne comprend pas cependant le fond du texte en arabe même s'il a récité deux fois le Coran.
Ce n’est pas cependant le cas pour Abdou Dia et Mariama Sadio, deux disciples qui sont attirés par une translittération en wolof et sa traduction française portées sur la vie et l'œuvre soufies de Serigne Touba.
Par ailleurs, Ousseynou Diattara note que le Sénégal peut se satisfaire du travail « ésotérique » réalisé par ses éminents guides religieux qui ont presque tous suivi la voie du soufisme.
Cependant, poursuit-il, la seule menace pour le soufisme sénégalais serait les « forces étrangères qui veulent détruire la paix sociale » qui règne dans ce pays, malgré son état de sous développement et les conflits observés dans certains États autour de lui.