En toute discrétion, entre Diogo et Loumpoul, l’exploitation des sables tétanifères se poursuit depuis cinq ans déjà et s’avance petit à petit vers la zone de Loumpoul. Que laisse-t-elle véritablement derrière elle ?
À 50 kilomètres au nord de Dakar, la société française Eramet exploite l’un des plus grands dépôts de sables minéralisés au monde depuis cinq ans déjà pour en extraire du titane et du zircon.
Un chantier gigantesque à l’abri des regards, dans lequel on ne pénètre que sur autorisation. Dans un lac artificiel de plus de 10 mètres de profondeur remplit grâce à un forage qui puise l’eau de la nappe phréatique, une énorme drague, l’une des plus grandes du monde, avale du sable qu’elle propulse vers une usine flottante, monstre de tubulures. Il y est centrifugé, malaxé, filtré et trié et les matériaux nobles sont convoyés vers le port de Dakar sur une voie ferrée spécialement construite pour l’occasion.
L’essentiel du sable est rejeté à l’arrière et l’ensemble drague-usine avance de 18 mètres par jour, dévorant progressivement les dunes. Elles sont, dit-on, reconstituées puis plantées de filaos, d’eucalyptus et d’anacardier, mais ces arbres ont bien du mal à croître sur ces terres devenues infertiles.
LA SOCIÉTÉ VANTE SES EFFORTS AUPRÈS DES POPULATIONS
Le message est bien rodé. Les dirigeants de la société mettent en avant toutes les actions menées dans les villages alentours : construction de cases de santé et d"écoles, emploi des jeunes, réhabilitation des sols et pépinières, fourniture de semences...
Présentation officielle du projet par Grand Côte opération SA
MAIS LES PAYSANS SE SENTENT FLOUÉS ET L’ÉCOSYSTÈME S’APPAUVRIT
Les habitants de la région, une importante zone de production horticole, ont au départ accueillis positivement le projet « Grande Côte opération » lorsqu’on leur a proposé de racheter leurs terres, de créer des emplois et de construire des infrastructures. Beaucoup regrettent désormais, même si plusieurs centaines d’emploi ont en effet été créés. Mais les promesses de construction d’écoles et de centres de santé ne se concrétisent qu’au compte-goutte. Ils ont moins de terres à exploiter, toujours pas de forage et et leurs conditions de vie n’ont pas vraiment changé.
Ainsi, d’après la Maison des reporter, le bénéfice reste minime pour les populations.
Comme le stipule son Code minier, l’État sénégalais bénéficie de 10 % des revenus de la production : 50 millions de dollars. Auxquels il faut enlever les montants liés aux mesures fiscales : exonération de droits pour le matériel importé, d’impôts pour la société et le personnel expatrié...
Dans une dizaine d’années, après le passage de la « dévoreuse de sable », que restera-t-il vraiment ?