ABDOULAYE SÈNE (SECRÉTAIRE EXÉCUTIF DU 9E FORUM MONDIAL DE L’EAU)
«Des retombées effectives aux plans économique, culturel et politique»
Pour le Secrétaire exécutif du 9e Forum mondial de l’eau, cet événement prend place dans les «orientations du Plan d’actions prioritaires n°2 du Plan Sénégal émergent».
«La sécurité de l’eau pour la paix et le développement», c’est le thème du 9e Forum mondial de l’eau qui se tient à Dakar en mars 2021. Selon Abdoulaye Sène, secrétaire exécutif de cette édition, c’est en novembre 2016 à Marseille que le Conseil mondial de l’eau avait retenu la candidature du Sénégal, «à l’unanimité». L’ancien président du conseil régional de Fatick ne doute pas de l’utilité, pour le Sénégal, d’un événement qui va se tenir pour la première fois en Afrique subsaharienne. «Le Forum représente l’occasion unique de concentrer l’attention de la communauté internationale sur les questions liées à l’eau, et vise notamment à mettre la problématique de l’eau au centre des politiques gouvernementales partout dans le monde».
Au-delà, il inscrit le Forum dans la ligne «des orientations du Plan d’actions prioritaires n°2 du Plan Sénégal émergent qui vise à conférer au Sénégal le statut d’un hub pour l’accueil d’événements à dimension mondiale». Sur la dimension touristique de l’événement, le secrétaire exécutif du 9e Forum projette des «retombées effectives sur le plan économique, culturel et politique». «En mars 2021, plus de 10.000 participants séjourneront à leur frais, pendant une semaine au Sénégal, ce qui fera de Dakar la capitale mondiale de l’eau et le centre d’attention du monde entier avec un focus particulier de l’ensemble des médias internationaux».
10.000 PARTICIPANTS ATTENDUS À DAKAR
À l’heure où le Sénégal connaît des difficultés dans l’approvisionnement en eau pour certaines franges de sa population, Abdoulaye Sène estime que le Forum «sera un catalyseur pour accroître exceptionnellement les investissements pour l’eau et l’assainissement, à travers notamment ‘l’Initiative Dakar 2021’ et le ‘Fonds bleu’, et contribuera à faire émerger des innovations pour développer une ‘filière sénégalaise’ de l’eau, incluant tous ‘les métiers de l’eau.’ »
Interrogé par Tribune en juillet dernier sur la question qui fâche une bonne partie d’organisations de la société civile, c’est-à-dire le montant de 2,620 milliards Cfa à verser au Conseil mondial de l’eau (WWC), Abdoulaye Sène avait été catégorique: «À ce jour, le Sénégal n’a payé aucun montant pour accueillir le Forum (…) mais il reste évident que le Forum aura un coût, un coût qui sera très largement couvert par les importantes retombées attendues…». Pour supporter financièrement l’événement, «plusieurs innovations» ont été engagées «pour optimiser, partager, sponsoriser les frais d’organisation du Forum, afin d’assurer un coût (…) largement inférieur à ceux des éditions antérieures…».
Le 7 août dernier, après avoir reçu un questionnaire et accepté d’y répondre, Alba Glass, chargé de communication du Conseil mondial de l’eau (WWC), n’a plus donné signe de vie.
POSTURES DANS LA SOCIÉTÉ CIVILE
Des voix discordantes, un contre-sommet en gestation
Par M. DIENG
Faut-il payer 2,6 milliards Cfa pour abriter un sommet mondial sur l’eau ? La question divise au sein même de la société civile sénégalaise. La question ne lui a pas été posée mais pour Amacodou Diouf, président du Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement, cet événement est «un enjeu du peuple sénégalais tout entier, qu’il s’agisse des communautés de base, des organisations de la société civile ou encore du secteur privé comme de la partie gouvernementale», avait-il indiqué à nos confrères de l’Aps en juin dernier. Espérant un «plaidoyer au niveau international» autour des sujets de l’eau et de l’assainissement, le patron du Congad juge «extrêmement important que la société civile soit prête afin de donner des documents de position, mais aussi de mener une réflexion stratégique qui pourrait renforcer la position gouvernementale…». D’où son appel à «travailler dans une dynamique de production-pays qui permette à ce que le peuple sénégalais se retrouve à travers des politiques d’eau et d’assainissement pour l’avenir de nos enfants», a affirmé M. Diouf.
À des milliers d’année-lumière, un autre son de cloche émane d’une société civile plutôt spécialisée dans le domaine. Serigne Sarr, président de l’Association pour la défense des droits à l’eau et à l’assainissement (Addea), la tenue du Forum est un non sens absolu. «Nous sommes contre l’organisation du Forum car le Sénégal a franchement d’autres priorités concrètes relatives à l’eau et à l’assainissement au lieu de dépenser plusieurs milliards de francs…», peste-t-il, s’insurgeant au passage contre les «fausses promesses» de rentabilité avancées par les organisateurs. «Les prétendues retombées financières attendues de cet événement ressemblent à des mirages. Le Sommet organisé par le Brésil, par exemple, fut un échec total sur ce plan car seuls 17% des investissements réalisés ont pu être récupérés», explique Serigne Sarr.
Dénonçant la «posture illégitime» du Conseil mondial de l’eau (Wwc), association française de type privé, à organiser une Forum mondial de l’eau, de même que ses accointances avec les mastodontes du secteur comme Suez et Veolia, le président de l’Addea fustige des «formes d’appropriation privée et de marchandisation» qui, dans la doctrine du Wwc, sont «le seul moyen efficace de résoudre la crise mondiale de l’accès à l’eau alors que la situation est aggravée par la croissance démographique et le réchauffement climatique». Il est clair, de son point de vue, que «les solutions de marché, mises en œuvre depuis plus de trente ans selon ces principes, n’ont pas fait progresser le droit humain effectif à l’accès à l’eau, y compris dans les pays du Nord». En gestation, annonce Serigne Sarr, se profile la tenue d’un sommet parallèle sous forme de «Forum alternatif mondial de l’eau», un rendez-vous qui «pourrait aider à établir un échange universel d’expériences au bénéfice du mouvement mondial de l’eau.»
ABDOULAYE SÈNE (SECRÉTAIRE EXÉCUTIF DU 9E FORUM MONDIAL DE L’EAU)
«Des retombées effectives aux plans économique, culturel et politique»
Pour le Secrétaire exécutif du 9e Forum mondial de l’eau, cet événement prend place dans les «orientations du Plan d’actions prioritaires n°2 du Plan Sénégal émergent».
«La sécurité de l’eau pour la paix et le développement», c’est le thème du 9e Forum mondial de l’eau qui se tient à Dakar en mars 2021. Selon Abdoulaye Sène, secrétaire exécutif de cette édition, c’est en novembre 2016 à Marseille que le Conseil mondial de l’eau avait retenu la candidature du Sénégal, «à l’unanimité». L’ancien président du conseil régional de Fatick ne doute pas de l’utilité, pour le Sénégal, d’un événement qui va se tenir pour la première fois en Afrique subsaharienne. «Le Forum représente l’occasion unique de concentrer l’attention de la communauté internationale sur les questions liées à l’eau, et vise notamment à mettre la problématique de l’eau au centre des politiques gouvernementales partout dans le monde».
Au-delà, il inscrit le Forum dans la ligne «des orientations du Plan d’actions prioritaires n°2 du Plan Sénégal émergent qui vise à conférer au Sénégal le statut d’un hub pour l’accueil d’événements à dimension mondiale». Sur la dimension touristique de l’événement, le secrétaire exécutif du 9e Forum projette des «retombées effectives sur le plan économique, culturel et politique». «En mars 2021, plus de 10.000 participants séjourneront à leur frais, pendant une semaine au Sénégal, ce qui fera de Dakar la capitale mondiale de l’eau et le centre d’attention du monde entier avec un focus particulier de l’ensemble des médias internationaux».
10.000 PARTICIPANTS ATTENDUS À DAKAR
À l’heure où le Sénégal connaît des difficultés dans l’approvisionnement en eau pour certaines franges de sa population, Abdoulaye Sène estime que le Forum «sera un catalyseur pour accroître exceptionnellement les investissements pour l’eau et l’assainissement, à travers notamment ‘l’Initiative Dakar 2021’ et le ‘Fonds bleu’, et contribuera à faire émerger des innovations pour développer une ‘filière sénégalaise’ de l’eau, incluant tous ‘les métiers de l’eau.’ »
Interrogé par Tribune en juillet dernier sur la question qui fâche une bonne partie d’organisations de la société civile, c’est-à-dire le montant de 2,620 milliards Cfa à verser au Conseil mondial de l’eau (WWC), Abdoulaye Sène avait été catégorique: «À ce jour, le Sénégal n’a payé aucun montant pour accueillir le Forum (…) mais il reste évident que le Forum aura un coût, un coût qui sera très largement couvert par les importantes retombées attendues…». Pour supporter financièrement l’événement, «plusieurs innovations» ont été engagées «pour optimiser, partager, sponsoriser les frais d’organisation du Forum, afin d’assurer un coût (…) largement inférieur à ceux des éditions antérieures…».
Le 7 août dernier, après avoir reçu un questionnaire et accepté d’y répondre, Alba Glass, chargé de communication du Conseil mondial de l’eau (WWC), n’a plus donné signe de vie.
POSTURES DANS LA SOCIÉTÉ CIVILE
Des voix discordantes, un contre-sommet en gestation
Faut-il payer 2,6 milliards Cfa pour abriter un sommet mondial sur l’eau ? La question divise au sein même de la société civile sénégalaise. La question ne lui a pas été posée mais pour Amacodou Diouf, président du Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement, cet événement est «un enjeu du peuple sénégalais tout entier, qu’il s’agisse des communautés de base, des organisations de la société civile ou encore du secteur privé comme de la partie gouvernementale», avait-il indiqué à nos confrères de l’Aps en juin dernier. Espérant un «plaidoyer au niveau international» autour des sujets de l’eau et de l’assainissement, le patron du Congad juge «extrêmement important que la société civile soit prête afin de donner des documents de position, mais aussi de mener une réflexion stratégique qui pourrait renforcer la position gouvernementale…». D’où son appel à «travailler dans une dynamique de production-pays qui permette à ce que le peuple sénégalais se retrouve à travers des politiques d’eau et d’assainissement pour l’avenir de nos enfants», a affirmé M. Diouf.
À des milliers d’année-lumière, un autre son de cloche émane d’une société civile plutôt spécialisée dans le domaine. Serigne Sarr, président de l’Association pour la défense des droits à l’eau et à l’assainissement (Addea), la tenue du Forum est un non sens absolu. «Nous sommes contre l’organisation du Forum car le Sénégal a franchement d’autres priorités concrètes relatives à l’eau et à l’assainissement au lieu de dépenser plusieurs milliards de francs…», peste-t-il, s’insurgeant au passage contre les «fausses promesses» de rentabilité avancées par les organisateurs. «Les prétendues retombées financières attendues de cet événement ressemblent à des mirages. Le Sommet organisé par le Brésil, par exemple, fut un échec total sur ce plan car seuls 17% des investissements réalisés ont pu être récupérés», explique Serigne Sarr.
Dénonçant la «posture illégitime» du Conseil mondial de l’eau (Wwc), association française de type privé, à organiser une Forum mondial de l’eau, de même que ses accointances avec les mastodontes du secteur comme Suez et Veolia, le président de l’Addea fustige des «formes d’appropriation privée et de marchandisation» qui, dans la doctrine du Wwc, sont «le seul moyen efficace de résoudre la crise mondiale de l’accès à l’eau alors que la situation est aggravée par la croissance démographique et le réchauffement climatique». Il est clair, de son point de vue, que «les solutions de marché, mises en œuvre depuis plus de trente ans selon ces principes, n’ont pas fait progresser le droit humain effectif à l’accès à l’eau, y compris dans les pays du Nord». En gestation, annonce Serigne Sarr, se profile la tenue d’un sommet parallèle sous forme de «Forum alternatif mondial de l’eau», un rendez-vous qui «pourrait aider à établir un échange universel d’expériences au bénéfice du mouvement mondial de l’eau.»