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Promotion de l’agro-écologie : l’autre combat des femmes rurales en Casamance
Publié le mardi 8 octobre 2019  |  Enquête Plus
Kaffrine
© Autre presse par DR
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Malgré les efforts consentis depuis bientôt une dizaine d’années par les acteurs sur le terrain, l’agro-écologie continue de souffrir de l’indifférence des gouvernants. Focus sur une pratique et un savoir-faire endogènes qui participent à la souveraineté de la sécurité alimentaire, mais également à la sauvegarde de l’environnement et de l’écosystème en Casamance.


L’agro-écologie, en Casamance, regroupe une plateforme d’acteurs pour la souveraineté alimentaire au sein de laquelle se retrouve une cinquante d’associations, notamment féminines, dans la région de Ziguinchor ainsi qu’une bonne partie des organisations paysannes évoluant dans les régions de Sédhiou et de Kolda. Cette pratique et ce savoir-faire traditionnels avaient été abandonnés au profit de l’agriculture dite conventionnelle.

Toutefois, le Mov’Ewi, dans l’arrondissement de Nyassia et dans le Kassa (département d’Oussouye), pour ne citer que ceux-là, a résisté à cette agriculture moderne en préconisant la poursuite de l’utilisation des pratiques et savoir-faire endogènes dans l’agriculture. ‘’Dans ces zones, l’on a fini de démontrer la valeur et les vertus de l’agro-écologie ou de l’agro-biologie. On y retrouve des gens qui vivent plus de 100 ans et qui sont encore valides. Alors qu’ailleurs, à partir de 50 ans, la personne est vieillissante. Elle ne peut s’adonner aux travaux agricoles. Ce constat a poussé les gens à se demander pourquoi les uns sont mieux portants que les autres. L’on s’est rendu compte alors que c’est du fait de l’alimentation. En réalité, ce que nous consommons n’est pas de bonne qualité, n’est pas sain’’, soutient Mariama Sonko, fervente militante du mouvement Nous sommes la Solution.

Lancé à Ziguinchor en 2012, ce mouvement panafricain mène, depuis, des campagnes de sensibilisation au niveau des organisations paysannes et des populations sur la nécessité de retourner vers les pratiques agricoles anciennes grâce, entre autres, au soutien technique de l’Ong Fahamu Africa. L’impact est réel sur le terrain. Dans beaucoup de zones de la région de Ziguinchor, la pratique de l’agro-écologie est devenue une réalité. Cette pratique est portée par des organisations paysannes, surtout féminines, membres de ce mouvement. ‘‘Le mouvement a organisé beaucoup de campagnes de sensibilisation à travers les fora, les émissions radio. Aujourd’hui, les populations adhèrent à cette pratique. Mieux, elles se retrouvent dans ce qu’elles étaient avant’’, ajoute Mme Sonko.

Selon Mamadou Danfakha, chargé de programme à Fahamu Africa, l’agro-écologie est la meilleure solution pour répondre aux besoins de sécurité alimentaire et pour arriver à une agriculture durable et saine. ‘‘Ce sont des pratiques qui ont été utilisées depuis l’Antiquité. Nos ancêtres usaient de ce savoir-faire pour produire en qualité et en quantité suffisante sur leurs lopins de terre’’, souligne-t-il.

Les variétés de riz traditionnel en ligne de mire

Pour promouvoir et vulgariser ces pratiques afin de répondre aux besoins de souveraineté alimentaire, le Mouvement des femmes rurales de Casamance a lancé, en février 2018, le projet de valorisation des variétés traditionnelles de riz pour un meilleur accès des femmes aux marchés en Afrique de l’Ouest, en partenariat avec l'université Assane Seck de Ziguinchor (Uas/Z), grâce au soutien du Fonds pour l’agro-écologie.

‘’Le projet consiste à entreprendre des recherches sérieuses sur certaines variétés de riz produites en Casamance et dont les qualités nutritives sont avérées, mais pas connues de tous. Aucune source écrite n’est venue confirmer ou infirmer les perceptions que les anciens acteurs ont de ces variétés traditionnelles en termes de valeur nutritive, notamment’’, explique l’enseignant-chercheur Paul Diédhiou de l'université Assane Seck de Ziguinchor.

Selon lui, la composante 1 du projet consiste à aller vers les paysans, à recueillir leurs témoignages ou leurs avis, parce que chacun a sa perception des différentes variétés à étudier du point de vue scientifique si les caractéristiques décrites par ces derniers sont avérées. ‘’Une fois qu’il est prouvé que ces variétés confirment les perceptions que les agriculteurs ont de celles-ci, nous mettrons une équipe pour former et vulgariser ce savoir par le biais de publications scientifiques’’, a-t-il fait savoir.

Le centre Karoghen Wati Nani participe aussi à la promotion et à la vulgarisation des bonnes pratiques agricoles. Lancé en 2015 à Niaguis (département de Ziguinchor) par ce même mouvement des femmes rurales, ce centre œuvre dans la fabrication de biofertilisants, la formation d’animateurs et de techniciens. Mais également la production et la conservation de semences. Il reçoit aussi des étudiants dans le cadre des visites d’échanges.

Outre la production agricole, les femmes rurales s’investissent, par ailleurs, dans la promotion de bouillons faits à partir d’épices naturelles pour assaisonner les plats. Par exemple le ‘’soumpac’’ fait à base de ‘‘nététou’’ ou de crevettes. ‘’Ma santé s’est nettement améliorée depuis que je consomme ces bouillons. A l’époque, je me plaignais de maux divers, de ventre notamment. Aujourd’hui, je me porte comme une merveille’’, se réjouit la dame Mariama Sagna de Niaguis, à une vingtaine de kilomètres de Ziguinchor, sur la Rn6.

Le manque de soutien de l’Etat déploré…

Cette production à petite échelle souffre, toutefois, de l’insuffisance de matière première, du fait de la déforestation, mais surtout du manque de soutien de l’Etat. En effet, malgré les efforts que ne cessent de déployer les femmes rurales pour promouvoir les pratiques et savoir-faire endogènes, l’agro-écologie en Casamance fait face à plusieurs contraintes qui entravent son développement. Parmi ces écueils, le manque d’équipement et de matériel de production.

‘’L’agriculture conventionnelle est soutenue par l’Etat. Cette agriculture est équipée depuis le matériel agricole, les semences et les intrants. Elle est subventionnée. Au même moment, l’agro-écologie ne bénéficie d’aucun soutien de l’Etat. Ce que nous déplorons, c’est l’absence de soutien de l’Etat. Nous sommes en train de nous battre, à travers différents plaidoyers, pour convaincre les décideurs sur la nécessité de prendre en compte l’agro-écologie dans les politiques de développement’’, regrette Mariama Sonko.

Mais c’est pour se réjouir, par ailleurs, du fait que durant la campagne pour la Présidentielle de février dernier, le président de la République sortant a promis de soutenir cette agriculture. ‘’Nous attendons des actes concrets’’, déclare-t-elle. Cette fervente militante du mouvement Nous sommes la solution en Casamance estime que la pratique de l’écologie à de l’avenir dans les régions sud du pays, du fait que les populations ont pris conscience que l’agro-écologie peut participer grandement à la lutte contre les changements climatiques et nourrir sainement les populations.

‘’La région de Ziguinchor constitue une des régions ou la pratique de l’agro-écologie existe encore dans certaines localités comme à Niaguis. Cette pratique est portée par des Ong comme l’Association des jeunes agriculteurs de Casamance (Ajac) ou encore le mouvement des femmes rurales. Ces structures encouragent leurs membres à utiliser les techniques de production traditionnelle et les biofertilisants’’, relève Mamadou Danfakha, le chargé de programme à Fahamu Africa. Selon lui, l’agro-écologie va monter en puissance en Casamance.

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)
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