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Cheikh Tidiane Gadio, président de l’Institut panafricain de stratégies: “Le paradigme sur lequel on veut bâtir le développement de l’Afrique est erroné“
Publié le lundi 7 octobre 2019  |  Sud Quotidien
Macky
© Présidence par DR
Macky Sall donne le coup d`envoi du dialogue national
Dakar, le 28 mai 2016 - Le président de la République Macky Sall a donné le coup d`envoi du dialogue national. Il a lieu au palais de la République. Photo: Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des affaires étrangères
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Si certains experts restent optimistes quant au succès de la zone de libre-échange continentale, ce n’est pas le cas pour Dr Cheikh Tidiane Gadio. L’ancien ministre d’Etat sénégalais des Affaires étrangères est plus que «pessimiste» sur la voie indiquée. Pour cause, selon le président de l’Institut panafricain de stratégies, « les progrès sont trop faibles par rapport aux aspirations qu’on devrait avoir et nous avons deux grandes crises mal gérées en Afrique» telles que le «terrorisme et la situation de la jeunesse». Ce qui lui fait dire que le «paradigme sur lequel on veut bâtir le développement de l’Afrique, est erroné». Allant plus loin, il considère que «la Cedeao a atteint l’impasse» pour ne pas avoir tenu toutes ses promesses. Dr Cheikh Tidiane Gadio participait samedi dernier au dîner-débat organisé par TrustAfrica sur le thème «La zone de libre-échange continentale et la création d’un espace africain de production, d’échanges et de culture».

Vous semblez être plus ou moins pessimiste sur la projection 20-63 ?

Nous, on est afro-inconditionnels. Que ça marche ou que ça ne marche pas, on est profondément engagés pour l’Afrique. Ce que nous disons, c’est que l’Afrique est sous le coup de l’urgence. Nous avons 1,2 milliard de populations dans ce continent. Nous avons toutes les ressources hydriques nécessaires. Nous avons toutes les ressources naturelles nécessaires. Nous dire qu’au vu notre situation actuelle, qu’on fait des progrès, que les choses avancent. Nous ne sommes pas d’accord. Les progrès sont trop faibles par rapport aux aspirations qu’on devrait avoir. Nous situons la barre à un niveau où peut-être beaucoup ne le font pas. Nous ne contentons pas de l’état actuel du continent.

Qu’est-ce qui plombe encore les progrès ?

Nous avons deux graves crises qui sont très mal gérées dans le continent. La crise du terrorisme. Un de nos frères a dit ici : «ça va, il n’y a que dans la zone du Sahel». Or, les terroristes ont migré vers le Nigéria, le Cameroun, l’Afrique centrale et ils sont maintenant vers la RDC et ils essaient d’infiltrer l’Afrique du Sud. Tout le continent est pris en étau par les terroristes. Donc, dire que c’est localisé, ce n’est pas tout à fait la réalité. Nous avons une autre grave crise, c’est la jeunesse africaine. Des millions et des millions de jeunes africains désespérés au point que pour moi, on les appelle des migrants illégaux. C’est une fausse appellation. Pour moi, c’est des jeunes qui ont choisi l’exode. L’exode, c’est quand vous n’avez plus d’espoir, vous partez sans savoir où vous allez. Que vous atterrissiez dans le désert ou noyiez dans la Méditerranée, ce n’est pas votre problème. Votre problème, c’est de partir. On ne peut pas en Afrique créer ce genre de situation à notre jeunesse. L’Afrique a mille choses à offrir à ces populations, à ces jeunes. L’Afrique peut accélérer son histoire dans 10 ans, dans 20 ans, on n’a pas besoin de 50 ans. Ceux qui nous disent 50 ans, ils sont à peu près sûrs de ne pas être là. Ils ne seront pas comptables des plans qu’ils nous ont proposés. Le plan de 2063 nous présente un monde qui n’existe nulle part où tous les problèmes sont réglés. Il n’y a plus de problème d’électricité, d’eau. Les EtatsUnis ont des problèmes. Il y’a des coupures qui se font aux Etats-Unis. L’Europe a des difficultés. L’Afrique aura des difficultés au-delà de 2063. Ce que nous disons, c’est que l’agriculture, l’éducation, la santé, les infrastructures de base, ce n’est pas normal qu’après 50 ans d’indépendance, qu’on n’ait pas réglé ces problèmes. Ce que nous disons, c’est que le paradigme sur lequel on veut bâtir le développement de l’Afrique, est un paradigme erroné. On veut nous convaincre qu’on peut bâtir 55 Etats et les rendre viables, garantir leur souveraineté, leur indépendance. Nous, on n’y croit pas. On pense qu’on nous a ancrés dans une fausse voie et cette voie est une impasse pour l’Afrique. Il faut en sortir et construire ou des Etats-Unis d’Afrique au plan continental ou au moins des Etats-Unis par région. La Cedeao, les 15 Etats peuvent former une union politique ici et maintenant. Avant le problème c’était quoi, accepter le leadership du Nigéria, c’est réglé.

La Cedeao est pourtant considérée comme un échec ?

Pas un échec ! Dans la vision de Cheikh Anta Diop, ils ont atteint l’impasse. C’est-à-dire, ils ont promis qu’ils peuvent régler les problèmes sans unité politique. Ils nous ont promis la libre circulation des personnes et des biens, ça a été prouvé que ça ne marche pas. 26 contrôles entre Dakar et Bamako, ça n’a aucun sens. C’est pour vous dire qu’à force de vouloir éloigner la politique pour régler les problèmes au plan économique, au plan structurel, la libre circulation etc., on n’a pas réussi. Je préfère dire qu’on n’a pas réussi parce qu’on a un mauvais paradigme et qu’il faut changer le paradigme. On doit se poser la question : est-ce qu’on peut en Afrique, sans une unité politique, sans mettre fin à la balkanisation de l’Afrique, développer ce continent ? Si on pense qu’il faut l’unité politique, il faut arrêter la balkanisation, on est sous l’angle de la démarche politique. C’est la démarche de Kwame Nkrumah, de Cheikh Anta Diop. D’autres nous disent non, avec les Etats actuels, on peut s’en sortir, il faut juste améliorer la gouvernance, la libre circulation des biens et des personnes, renforcer l’intégration économique. Mais, ils le font depuis 50 ans. Ce qui ne marche pas depuis 50 ans signifie qu’il y’a quelque chose qui ne va pas.
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