Malaise à la Maison d’arrêt de Rebeuss. La polémique sur le cas Adama Gaye ne désenfle pas. Le journaliste Adama Gaye qui a récemment suspendu sa grève de la faim entend remettre ça.
C’est ce qu’ont annoncé ses avocats, dans une lettre ouverte adressée aux chefs d’Etat et de Gouvernement de la Cedeao. «En effet, privé de sa liberté d’expression et d’opinion, Adama Gaye s’est vu réduit à recourir à une ultime arme pour faire entendre ses droits, celle de la grève de la faim qu’il a entamée le 9 septembre 2019. Une grève suspendue aujourd’hui en raison de sa santé fragile d’après un avis médical, et sur demande de sa famille, de ses conseils et de l’ancien Président du Sénégal Me Abdoulaye Wade. Adama Gaye entend reprendre cette grève de la faim si sa situation judiciaire n’évolue pas favorablement. Il refuse ainsi de renoncer à ses droits fondamentaux et à l’idée d’une démocratie solide pour le Sénégal. Adama Gaye reste plus que jamais déterminé à se battre pour faire triompher son combat pour la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques », laisse entendre dans ladite lettre le Collectif d’avocats chargé de sa défense. «En notre qualité de conseils d’Adama Gaye, qui, nous le rappelons, a été le premier directeur de la communication de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), nous souhaitons attirer votre attention sur la situation de ce dernier, qui se trouve actuellement à son 47e jour de détention, que nous jugeons injustifiée, à la maison d’arrêt de Rebeuss (Dakar)», lit-on.
La même source regrette le caractère paradoxal de la détention d’Adama Gaye au sein d’un Etat membre de la Cedeao, sur le simple fondement d’opinions politiques déclarées sur un réseau social. Cela, d’autant qu’un sommet de la Cedeao s’ouvre ce samedi 14 septembre 2019 à Ouagadougou et qu’une des pierres angulaires de cette instance est la défense des droits de l’Homme, nous ne pouvons que souligner. «En 1992, quand un vent de démocratisation a soufflé sur l’Afrique, et qu’Adama Gaye exerçait à la Cedeao, cette institution avait adopté une déclaration de principes politiques pour les Etats. S’en est suivi une tendance forte d’un monde baigné par une explosion des libertés. Ce qui n’avait pas peu déteint, en bien, sur l’image de notre institution régionale, avec une volonté d’intégration régionale se faisant par les peuples et pour les peuples. Vingt-sept ans plus tard, force est de constater un assombrissement du tableau des libertés. Le cas d’Adama Gaye, que nous considérons comme détenu politique et retenu parmi les détenus de droit commun, en est la parfaite illustration», accusent les avocats du journaliste-consultant pour qui leur client est un «détenu politique ».
En définitive, Me Abdoulaye Tine et ses confrères comptent traîner l’Etat du Sénégal devant les instances internationales, pour «faire obtenir sa condamnation pour manquement avéré à ses obligations en vertu des traités internationaux de droits de l’Homme». Ce sera sans doute la Cour de justice de la Cedeao ou encore les instances onusiennes. Adama Gaye avait entamé une grève de la faim lundi 9 septembre 2019, pour protester contre ses conditions de détention, selon ses avocats.
Mais l’Administration pénitentiaire dément l’information, précisant que l’intéressé s’alimente correctement et se porte bien. Le journaliste en question est placé sous mandat de dépôt pour «offense au chef de l’Etat» (article 254 Code pénal) et «atteinte à la sûreté de l’Etat» (article 80), des accusations en rapports avec ses publications sur Facebook inscrites sur le compte de la liberté d’expression, mais qui, dit-on, semblent friser le défi à l’autorité suprême. Un emprisonnement du reste perçu comme un reniement de la parole du chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, qui avait auparavant déclaré ne jamais emprisonner un journaliste sous son mandat.