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[Reportage] Dépôts sauvages d’ordures à Dakar : Le trophée de l’incivisme
Publié le lundi 9 septembre 2019  |  seneweb
Opération
© Ministère par DR
Opération de désencombrement au marché central de Rufisque
Rufisque, le 16 août 2019 - Le Ministre de l`Urbanisme, du Logement et de l`Hygiène publique a dirigé, ce vendredi, une opération de désencombrement d marché central de Rufisque.
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Les Sénégalais rêvent d’une ville comme Kigali pour sa propreté. Mais il suffit de faire un tour à Dakar pour se rendre compte du chemin à faire. Une ville "zéro déchet" ? Ce n’est pas demain la veille.

Le spectacle est à la fois amusant et dramatique. Mais il résume à suffisance la mentalité des Sénégalais. Devant la mairie de Grand-Yoff, un panneau sur lequel il est inscrit : interdiction de jeter des ordures sous peine d’amende". Seulement, on retrouve au pied du panneau des sacs et des sachets remplis de déchets. Or, le tableau en question est placé à l’endroit exact où le véhicule de ramassage des ordures s’arrête tous les matins pour prendre les déchets des habitants des Hlm Grand-Yoff. Ce qui renseigne à suffisance sur l’incivisme de la population, d’une part ; et l’impuissance ou le laisser-aller des autorités, d’autre part.

Comme Grand-Yoff, Dakar est devenue la capitaine des dépôts sauvages d’ordures. Dans tous les coins de rue, les tas d’immondices se multiplient. Aujourd’hui, respirer de l’air pur dans la ville est un sérieux problème. Du fait des mauvaises odeurs et d’un environnement malsain.

Adji Guèye habite Mbao, elle a la quarantaine. Trouvée devant sa maison, cette mère de famille cohabite en permanence avec les ordures, situées à quelques mètres de chez lui. On dirait une décharge communale. Désolée du spectacle repoussant, elle pointe du doigt les charretiers. "Un grand nettoyage avait été fait. Mais une semaine après, les ordures sont revenues de plus belle. Ce sont les charretiers provenant de Tally Carreaux (Fass Mbao) et de la Cité qui y déversent leurs ordures. Et souvent quand on les interpelle, ils nous répondent par des injures. Vu que nous sommes vulnérables en tant que femmes, nous sommes obligés de nous taire et de subir", se lamente-t-elle.

Papa Ndoye, un autre habitant de Mbao manifeste la même impuissance. La trentaine, ce jeune tient la mairie responsable de la situation. "Le constat est là. Et la mairie se trouve tout près. On ne peut pas dire que le maire n’est pas au courant de ce qui se passe. Nous n’avons pas de poubelles et les camions de ramassage des déchets se font rare dans cette zone", a-t-il soutenu.

Grand Yoff, un cas d’école
A Pack-Nadio, près du marché Castors, le constat est le même. Ici, les riverains cohabitent avec les déchets. Niché au cœur de la commune de Dieuppeul-Derklé, cet espace est envahi par les ordures et les eaux usées. Ce qui n’empêche guère les marchands de vaquer à leurs occupations.

A Grand-Yoff, le décor était le même… jusqu’à ce que la mairie décide d’agir. Il y a quelques mois, les deux voix qui relient la Vdn au rond-point Liberté 6 était une suite de tas d’ordures et de gravats. Aujourd’hui, on y respire mieux, grâce à la volonté de la municipalité.

"On était obligé de mettre un gardien sur place pour éviter que les gens viennent y déposer leurs déchets", explique El. Omar Guèye, Chef de la division des services techniques de la commune de Grand-Yoff.

Mais à entendre monsieur Guèye, les possibilités de l’équipe municipale se limitent à ce point. "Nous ne faisons que sensibiliser la population sur les conduites à tenir par rapport aux questions d’hygiène. Mais sur certains plans, nous ne pouvons qu’accompagner l’Ucg pour lui permettre de trouver des solutions à cette question d’insalubrité. Parce que c’est elle qui est habilitée à prendre en charge cette question", précise-t-il.

"C’est comme si les ordures étaient un phénomène lié à la pauvreté"
Pour, le maire de Dieuppeul-Derkhlé, il y a un problème de mentalité qui se pose. Et il doit être réglé définitivement. "On ne peut pas se permettre de déposer les ordures n’importe où. Il y a eu des points de dépôts sauvages que l’Ucg a essayé d’identifier, afin d’y mettre parfois même des piquets humains pour éradiquer ce phénomène. Mais hélas, cela revient tous les jours", regrette Cheikh Guèye.

Ce dernier semble même surpris par la quantité industrielle de déchets produite par les Sénégalais. "Si on fait le ratio par personne, nous nous rendons compte que même dans les pays développés, il n’y a pas autant d’ordures. C’est comme si les ordures étaient un phénomène lié à la pauvreté ou au sous-développement".

Le maire plaide ainsi pour le renforcement de la sensibilisation, la communication et l’information "pour que les uns et les autres prennent conscience de la nécessité de vivre sans ordure".

Cheikh Guèye pense même que le Sénégal doit aller plus loin en triant les ordures. Ce qui permettrait d’isoler les déchets biodégradables de ceux plastiques ou organiques. "On ne peut pas mettre toutes les ordures dans un même sac. Il faut qu’on en arrive à les classer, à les séparer et à en faire une exploitation ultérieure utile", recommande-t-il.

Plus de 2 400 tonnes par jour
Du côté de l’Ucg, on pointe également un doigt accusateur sur la population. Madany Sy est le secrétaire général du Syndicat des travailleurs du nettoiement (Stn). "On ne peut pas nettoyer sans l’apport des populations. Ce sont elles qui produisent les ordures. Elles ne cessent de dégrader le cadre de vie chaque jour. Déjà, nous collectons plus de 2 400 tonnes d’ordures par jour et si nous restons une journée sans en ramasser, Dakar va devenir une poudrière", s’indigne-t-il.

Pour lui, quelle que soit la volonté affichée des techniciens de surface, si les populations ne suivent pas, si elles n’essaient pas de maintenir le cadre de vie propre, il y aura toujours des problèmes. Madany pense finalement que le problème traduit une absence de culture environnementale à laquelle il faut s’attaquer.

Embouchant la même trompette que les municipalités, il affirme que l’une des causes de ce phénomène est liée au manque de moyens financier et humains des collectivités locales. De son point de vue, il faut une synergie d’actions, sous-tendue par l’accompagnement de l’Etat, pour arriver à bout de ce spectacle.

Un point de vue partagé par Abdou Touré, l’un des fondateurs du Challenge clean-up. Selon lui, seule une gestion holistique peut garantir l’efficacité dans l’intervention. "Une telle stratégie engloberait plusieurs méthodes se complétant mutuellement. L’objectif final sera de prévenir le maximum possible la production, le recyclage et la récupération des déchets avant leur élimination par des méthodes écologiquement rationnelles".

En attendant que toutes ces bonnes idées soient concrétisées, Dakar reste cette capitale sale, jonchée d’ordures, avec des dépôts sauvages dans chaque coin de rue. Un spectacle qui, au-delà d’être gênant, est dangereux pour la santé et l’environnement, en plus d’être un obstacle à certaines activités économiques tel que le tourisme.
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