Loin de constituer un cadre pour la défense de leurs intérêts communs, les amicales étudiantes sont pourvoyeuses de privilèges pour ceux qui les dirigent, quand on sait par exemple que pendant longtemps elles disposaient d'un quota de chambres qui pouvaient être rétrocédées parfois à des prix exorbitants compris, entre 200.000 et 300. 000 F Cfa. Sans oublier la gestion des fonds de l’amicale dont l’équipe sortante n'a pas encore fait le bilan. Ce sont ces intérêts inavoués qui constituent la principale cause ces bataillés rangées notées entre étudiants.
«A la suite des dépouillements, les enseignants sont menacés par les étudiants qui se rendaient compte qu’ils allaient perdre. Les étudiants se battaient à mort en utilisant des armes blanches ou des armes à feu», a soutenu le Médiateur de l’université de Dakar. Et Mamadou Ndiaye d’ajouter que «cette violence débordée quelquefois sur les matériels de l’université, notamment des fenêtres cassées, des vitres brisées ou d’ailleurs même le corps professoral. Tout ça pour des élections».
Ces scènes de violence sont loin d’être justifiées par des questions de société, mais sont plutôt motivées par des raisons économique. Les délégués des amicales n’arrivent pas à dissocier leurs poches des caisses de l’amicale, installant ainsi un malaise au sein même du bureau. Et bonjour les bagarres !
En lieu et place des arguments, les potaches font usage de coupes-coupes couteaux, bref tout objet capable de faire mal aux autres. «Les étudiants confiaient en général certains postes de responsabilités à leurs camarades qui étaient déjà en année de sortie. Ils emportaient facilement la caisse. Il n’y avait ni bilan, ni compte rendu», persiste le Médiateur.
Une réalité palpable que ce responsable de la Faculté des Lettres ne démentira pas. Sous le couvert de l’anonymat, il avance que les «les élections des amicales recouvrent des enjeux matériels en lieu et place de l’intérêt commun des étudiants. Cette nouvelle génération estudiantine est beaucoup plus intéressée par le matériel plutôt que l’aspect pédagogique». Notre source reste convaincue que «les partis politiques sont impliqués lors des élections des amicales. C’est pour dire que l’enjeu est hors du campus».
Le Médiateur de l’Université embouche la même trompette en expliquant que ce phénomène peut s’expliquer dans la mesure où les «amicales sont souvent parrainées par des politiques. La preuve est que les partis au pouvoir forment des mouvements». Il poursuit en soulignant que «c’était le cas des étudiants socialistes et libéraux. Cette fois ci, ce sont les étudiants de l’Apr. Tous les grands partis sans compter ceux de gauche, ont des mouvements de soutien». «Le politique est là tout comme le religieux avec les différentes confréries. Tout ce monde essaie tirer de son côté ou de manipuler. Ce qui fait qu’on se retrouve dans une situation très complexe», a-t-il ajouté.
L’administration partagée
S’il y a bien quelqu’un qui n’est pas d’accord pour le retour des Amicales dans la sphère universitaire, c’est bien ce responsable de la Faculté des Lettres. Lui, il soutient mordicus que l’administration est plus efficace sans les délégués des étudiants qui sont mus, selon lui, par des intérêts particuliers.
«L’organisation des élections dépendra de cette assemblée présidée par le Doyen de la faculté. Et depuis je puis vous dire que nous fonctionnons normalement, sans problème contrairement avec une amicale», a-t-il laissé entendre. Cette position radicale est loin d’être partagée par un autre responsable de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques. Il explique que les «gens sont contre les amicales dans la mesure où elles continuent à faire des actes de vandalisme. Maintenant tout le monde s’accorde sur l’installation des amicales si elles reprennent leurs missions originelles». Avant de poursuivre : «ce n’est pas parce que tu es élu délégué que l’étudiant croit avoir toutes les prérogatives. Il faut redéfinir toutes les missions assujetties aux amicales. L’administration est là pour tout le monde». Pour certains, les élections constituent toujours le principal blocage de l’installation des amicales dans la faculté. Elles se terminent toujours par des scènes de violences, des batailles rangées. Alors que, disent-ils, l’université ne rime pas avec la violence.
«On peut avoir un argument d’idée, un débat d’opinion mais pas un débat avec des armes blanches. Cela doit être banni dans l’espace universitaire», affirme-t-il.
L’urgence de toiletter les textes
Pourtant dans le rapport de la journée d’études sur la « participation des étudiants à la gouvernance universitaire et sociale » initiée par le facilitateur, il ressort l’urgence de revoir les modalités de désignation des dirigeants.
Au-delà de la gestion douteuse des fonds alloués aux amicales, il a été constaté par les participants l’obsolescence des textes et les violences lors des renouvellements des mandats des délégués. Il urge selon les séminaristes de passer au toilettage des textes, la limitation du mandat entre 1 et 2 ans. A cela s’ajoutent la nécessité de lever les équivoques sur la dissolution des amicales par les Assemblées des amicales, de créer une structure chargée de l’audit des bureaux sortants et enfin de mettre sur pied un organigramme du type d’amicale. «Là où on a des problèmes, c’est l’application des textes de lois qui sont obsolètes. Avec le vote manuel, les étudiants s’arrangent toujours à prendre les cartes d’étudiants des autres pour aller voter à la place de leurs camarades. Par conséquent, les gens se sont réunis pour dire qu’il y a des insuffisances», insiste le facilitateur. Non sans avoir ajouté : « nous sommes entrain de nous atteler à proposer de nouveaux textes de fonctionnement des amicales».
Pourtant le décret no 68-860 du 24 juillet 1968 relatif aux associations d’étudiants de l’Enseignement supérieur, rappelons-le, dispose dans son article 4 que l’association de chaque faculté a pour objet exclusif la défense des intérêts matériels et moraux des étudiants auprès de la faculté ou de l’école, et éventuellement l’entraide sociale ou l’organisation d’activités culturelles ou éducatives à leurs bénéfices. Cette disposition rappelle aux étudiants leur mission première en vue de pacifier l’espace universitaire. L’ancien doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l’Ucad, dira en parlant de crise universitaire : «il y avait une volonté des étudiants de s’organiser. C’est en voulant encadrer cette volonté qu’on a créé la première amicale de la faculté de droit et des sciences économiques ». Ibrahima Fall pense que «ceci doit se perpétuer, mais attention, parce que j’ai vécu ces 10 dernières années, une dégénérescence de la conception des amicales».
Le vote électronique ?
L’instauration du vote électronique fait débat au sein de l’université. Même s'il a des partisans, ce mode de vote numérisé est accusé d’être peu fiable. Il est loin de faire l’unanimité. Il suscite de nombreuses inquiétudes de la part des étudiants qui ont généralement perdu les élections. «Nous avons eu des problèmes au niveau de la faculté de Droit parce que les étudiants contestaient les résultats du vote électronique. Les étudiants se sont battus entre eux », explique notre source. Pour éviter des heurts entre les étudiants, le Rectorat a initié le vote électronique qui est supervisé par la Direction des systèmes d’information de l’université qui centralise toutes les données des étudiants. Ainsi le vote est secret. L’étudiant détient un code secret et individuel.
«Ce vote est idéal pour ce genre d’élections. C’est plus apaisé parce que les enseignants refusaient de superviser l’ancien système de vote », a fait savoir le responsable de la Faculté des droits. Par conséquent, le vote électronique, indique le responsable, permet d’avoir un taux record de participation à hauteur de 50% avec une transparence dans le déroulement.