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Ousmane Sonko engage le front turc
Publié le vendredi 30 aout 2019  |  Enquête Plus
Ousmane
© aDakar.com par SB
Ousmane Sonko a animé une conférence de presse
Dakar, le 28 août 2019 - Le leader de Pastef, les patriotes Ousmane Sonko a animé, mercredi, une conférence de presse pour se prononcer sur le dossier du fer de la Falémé.
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Alors qu’on l’attendait sur le dossier des 94 milliards l’opposant à Mamour Diallo, le leader de Pastef-les-patriotes, en conférence de presse hier, a fait des révélations sur la convention conclue, ce mardi, entre le Turc Tosyali Holding et l’Etat du Sénégal, concernant le minerai de fer de la Falémé.

Alors que les braises de l’affaire Petro-Tim sont toujours incandescentes entre les mains du gouvernement, Ousmane Sonko vient d’allumer un autre brasier dans un autre champ dont ‘’EnQuête’’ avait déjà soulevé quelques incohérences, dans sa livraison du 16 octobre 2018. Les révélations du leader du Pastef sont pour le moins abracadabrantes. Des exonérations aux libéralités accordées à Tosyali Holding, les fustigations de Sonko ont tellement été nombreuses qu’elles se sont finalisées par une mise en garde pour le moins osée au chef de l’Etat Macky Sall. ‘‘Si vous signez ce décret d’approbation, je vous poursuivrai personnellement. Je ne vous souhaite aucun mal, mais c’est un crime innommable, inquantifiable contre le peuple sénégalais’’, a-t-il déclaré hier en conférence de presse.

Mais de quel décret d’approbation de quelle affaire s’agit-il donc ? Du fameux dossier du fer de la Falémé pour lequel tous les gouvernements successifs, depuis 2000, se sont littéralement cassé les dents, enchainant succès et insuccès dans des procédures judiciaires qu’ils ont intentées ou qu’on leur a intentées. Le leader de Pastef-les-patriotes s’est insurgé contre les largesses qui ont été convenues dans le MoU (protocole d’accord) entre l’Etat du Sénégal et le groupe métallurgique turc Tosyali Holding, le 9 octobre 2018 à Istanbul.

C’est d’abord ce qu’il qualifie ‘‘d’empressement’’ à signer à peine à un trimestre de la Présidentielle de 2019 qui intrigue le président de Pastef. Mais ce sont les largesses financières accordées au Turc qui enragent Sonko. L’accord, selon Sonko, prévoyait que les Turcs s’assurent du développement du financement et de la mise en place d’un complexe minier dont la construction se ferait en deux phases et impliquerait une première injection financière de 120 millions de dollars (60 milliards de F Cfa). Une condition qui ne parait pas être respectée, selon lui. ‘‘Les Turcs sont venus au Sénégal sans argent, car ils cherchent à lever 50 milliards de F Cfa auprès des banques sénégalaises. Vous savez quoi ? Même si c’était 500 milliards qu’ils voulaient, il le leur serait accordé’’, dénonce-t-il d’emblée. Mais c’est le montant ‘‘dérisoire’’ de 510 milliards de F Cfa représentant l’investissement intégral turc pour ce fer de la Falémé que déplore Sonko, alors que le potentiel global de ce gisement équivaut à ‘‘33 mille milliards de F Cfa pour le Sénégal’’.

Pour le projet concerné, la cession est sur un quart de siècle et Sonko s’inquiète qu’avec cette goutte d’eau dans la mer, ‘‘Tosyali va gagner 10 mille 185 milliards sur le dos des Sénégalais’’.

Bain turc

Une donne qui lui parait d’autant plus inacceptable que sous le régime précédent, en 2006, le double de l’investissement turc a été envisagé par l’indien Arcelor Mittal (1 100 milliards F Cfa) dans un accord qui est finalement tombé à l’eau et pour lequel l’Etat du Sénégal, sous Wade, avait intenté une procédure devant le tribunal arbitral de Paris qui avait condamné le leader mondial de la métallurgie à verser ‘‘250 milliards de F Cfa au Sénégal’’.

A l’avènement de la deuxième alternance, l’Etat sénégalais optera pour une solution concertée avec Mittal pour finalement encaisser 75 milliards. La convention avec Mittal prévoyait également qu’un chemin de fer, une aciérie et un port minéralier devaient être construits par le contractant indien, selon Sonko.

Mais pour la nouvelle entente avec le groupe turc, c’est plutôt l’Etat du Sénégal qui prend en charge le financement et la construction de ces installations, explique l’opposant. Pêle-mêle, Ousmane Sonko dénonce ‘‘le couloir vert de dédouanement sur les exportations turques’’, ‘‘l’exonération d’impôts pour une décennie’’, ‘‘la suppression de la part de l’Etat dans le gaz, l’électricité et l’eau utilisés par Tosyali’’, ‘‘la prise en charge de la sécurité sociale des employés du groupe’’. Il s’insurge également contre ‘‘la garantie, donnée par l’Etat sénégalais, que 50 % du personnel sera turc sur les 10 premières années d’exploitation’’, ‘‘la licence de récupération exclusive de ferraille au Sénégal accordée au Turc’’, ‘‘la couverture des frais de raccordements en eau, électricité à la charge de l’Etat du Sénégal’’.

D’après le leader de Pastef toujours, c’est le Sénégal qui va contribuer à payer les frais bancaires de Tosyali qui, de son côté, s’engage à une production annuelle de 1 million 200 mille tonnes de fer. Sonko, qui dit ne pas garder rancune contre les Turcs, s’étonne toutefois des facilités qu’obtiennent les investisseurs du pays d’Erdogan, comme ça a été le cas pour la finition de l’aéroport Blaise Diagne, le Cicad, Dakar Arena ou même la fermeture d’écoles. Sonko est d’avis même que cette option de la cession du fer est incohérente, alors que le pays a découvert des ressources minérales importantes. ‘‘Quand on a du pétrole et du gaz, on ne brade pas son fer’’.

La convention signée ce mardi à l’Apix

Des avantages qui feront également que ces nouveaux partenaires européens ‘‘vont bénéficier de la zone économique spéciale (Zes)’’, fustige l’opposant qui avait à ses côtés Guy Marius Sagna et d’autres figures de la société civile active. Malgré l’énumération de cette longue liste de largesses, Ousmane Sonko estime que ce n’est pas encore perdu. ‘‘Ni le contrat ni décret n’ont été signés’’, a-t-il avancé, détaillant que le MoU devra déboucher sur une convention entre l’Etat du Sénégal et Tosyali avant que le président de la République ne signe finalement le décret d’approbation. Ce qui est imminent, ‘‘puisque les Turcs sont à Dakar’’, assure-t-il.

La convention a été signée avant-hier mardi dans les locaux de l’Agence nationale de promotion des investissements et des grands travaux (Apix), fait savoir son Dg dans une intervention télévisée à la Rts hier (voir encadré). A peine une semaine après la signature du MoU à Istanbul du 9 octobre 2018, Sophie Gladima a annoncé la signature d’un accord de convention d’exploitation des minerais de fer avec le holding turc. ‘‘L’accord final sera signé, d’ici le 22 octobre (2018). Entre-temps, un comité de pilotage, qui regroupe tous les ministères en charge de la question, a été mis sur pied. Il aura pour mission de discuter sur tous les points, histoire de voir les conditions financières (...) Tout sera disponible et transparent. Le coût financier sera connu, dans quelques mois’’, avait alors déclaré la ministre des Mines et de la Géologie.

Mais, à l’heure de la paraphe, c’est plutôt une levée de boucliers de onze candidats à la candidature pour la Présidentielle de 2019, via un communiqué, qui a fait reculer le gouvernement sénégalais. ‘‘En notre qualité de simples citoyens, mais aussi de candidats pour l’élection présidentielle de février 2019, nous vous adressons cette pétition pour vous demander de renoncer à la signature de ladite convention’’, avaient alors signé dans un communiqué Boubacar Camara, Mamadou Lamine Diallo, Pape Diop, Bougane Dany Guèye, Pierre Atépa Goudiaby, Moustapha Guirassy, Abdoul Mbaye, El Hadj Issa Sall, Samuel Sarr, Cheikh Adjibou Soumaré et Mansour Jamil Sy.

En décembre 2018, la ministre des Mines et de la Géologie, Sophie Gladima, avait été confrontée à ces questions devant la représentation nationale par les députés de l’opposition (Mamba Guirassy et Serigne Cheikh Mbacké) et même de la majorité. Elle avait juste confirmé la signature du MoU, sans plus. ‘‘Une fois qu’on aura signé le contrat, tous les Sénégalais pourront le voir sur notre site web’’, avait-elle rétorqué.

Inscrite dans les 27 projets prioritaires du Pse, la relance du projet des mines de fer de la Falémé s’articule initialement autour de 4 volets : minier, ferroviaire, portuaire et sidérurgique. Les impacts, sur le plan socio-économique, étaient d’industrialiser le sud-est du Sénégal, mais aussi Bargny, qui devait abriter le port. Le début d’exploitation était fixé à 2020. L’affaire connaissait donc des évolutions souterraines jusqu’hier et la sortie de Sonko. Ce dernier de mettre la société civile, la jeunesse sénégalaise et le secteur privé devant leurs responsabilités. ‘‘Pour l’affaire Petro-Tim, on a réagi après la signature, bien que nous ne renonçons toujours pas. Mais si Macky Sall signe ce décret, ce sera de la haute trahison. Et si on mène la bataille, dès à présent, nous pouvons le faire reculer’’, se console le leader de Pastef.

MOUNTAGA SY, DG APIX

‘‘Il n’en est rien...’’

‘‘Le sujet a été abordé sur un angle totalement déformant. La réalité est que l’Etat du Sénégal a cédé une assiette foncière en zone économique spéciale (Zes). Elle va porter un investissement pour aller vers une unité de fabrication de fer à béton et de fil machine à partir de billettes de fer en produits semi-finis par la société Tosyali. Il n’a jamais été question que le Sénégal prenne en charge le financement ou participe à rembourser le prêt relatif au financement de cette unité (...).

Il faut travailler sur des documents qui sont à jour. Le 9 juillet 2019, un comité de négociations s’est réuni pour se pencher sur la mise à disposition et l’alignement de ce que l’Etat va proposer et accepter pour la société Tosyali. C’est en ce sens que ce comité a statué sur ce qu’on peut appeler une convention promoteur-développeur signé entre l’administrateur des zones et Tosyali. Il s’agit, pour Tosyali, comme son nom l’indique en statut de promoteur développeur, de faire la promotion de la zone pour développer la chaine de valeur dans le domaine de l’unité de fabrication sidérurgique (...)

La convention a été signée hier avec la société Tosyali qui part de l’analyse de ce qui est accepté, ce qui est conforme, ce qui représente valablement les engagements de l’Etat. Le montant de l’investissement dans sa première phase - je parle d’une unité de fabrication - est de 120 millions de dollars. Cette phase va générer 400 emplois directs et 800 indirects, sur un horizon de 18 mois. Ce financement sera supporté entièrement par le promoteur-développeur (...) On demande au promoteur-développeur qu’il s’engage à employer au moins 65 % de la main-d’œuvre constituée de nationaux avec une évolution allant jusqu’à 80 % dans les 5 ans à venir.

Cette règle s’applique pour chaque extension de l’investissement. On impose aussi, dans la convention, l’engagement de privilégier les jeunes et les femmes dans sa politique de recrutement dans un délai de deux ans. D’avoir recours aux entreprises locales pour la sous-traitance par les Pme et Pmi locales ; négocier des propositions formulées en transfert de compétences, de formation et transfert de technologie à travers la technologie de la Zes de Tosyali dans des zones d’incubation, de pôles technologiques, de centres de formation (...) Les parties conviennent la participation d’investisseurs privés nationaux à hauteur de 20 % dans le capital de la société ad hoc créée (...) Il n’en est rien sur la possibilité ou l’engagement de l’Etat du Sénégal à financer ou à prendre en charge ou supporter les frais liés à ce financement.

D’autre part, il n’est pas question de donner un permis à cette société pour acheter l’exclusivité de la ferraille au Sénégal.’’

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