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Grace de Khalifa Sall : Les bizarreries de la sortie de Macky Sall
Publié le lundi 26 aout 2019  |  IGFM
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© Présidence par LM
Veille du Sommet du G7: Le président Sall à Biarritz
Biarritz, le 24 août 2019 - Le président de la République a arrivé à Biarritz (France) à la veille de l`ouverture du Sommet du G7
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Le Président Macky Sall vient de trancher sur la grâce présidentielle qui pourrait être accordée à Khalifa Sall. «(…). Le jour où j’en aurai la volonté ou le désir, je le ferai comme j’ai eu à le faire (…)». C’est ce qu’il a fait savoir dans une interview accordée à Rfi, en marge du sommet du G7 à Biarritz (France). Avec «L’Obs», des analystes politiques déterrent les maladresses de la communication du Président à l’étranger, qui écornent l’image de la démocratie sénégalaise.

Erreur de communication ou stratégie politique pour mettre un terme aux polémiques sur une éventuelle grâce pour Khalifa Sall ? La sortie du Président Macky Sall sur Rfi, en marge du sommet du G7 à Biarritz (France) sur la grâce à Khalifa Sall fait grincer des dents. Elle suscite moult analyses et commentaires. Certains analystes politiques détectent une «bourde regrettable» dans la communication politique du chef de l’Etat. «(…).La grâce est un pouvoir constitutionnel du président de la République. Ça ne dépend que de lui, et de lui tout seul, et de son appréciation. Donc, je ne peux pas discuter de ce que dit la presse par rapport à la grâce (à Khalifa Sall, Ndr). Le jour où j’en aurai la volonté ou le désir, je le ferai, comme j’ai eu à le faire. (…)», a dit clairement le Président Macky Sall. La messe semble dite pour l’ex maire de Dakar, en prison à Rebeuss depuis mars 2017, pour détournement de deniers publics portant sur 1,8 milliard FCfa dans l’affaire de la Caisse d’avance de la Ville de Dakar. Khalifa Sall devra prendre son mal en patience, en attendant le «bon réveil» du chef de l’Etat.

«Absence de forme dans la communication du Président»

Des analystes politiques trouvent quelque part maladroite la sortie du Président Sall, même s’il est vrai que la Constitution lui donne les prérogatives de gracier qui il veut. Professeur Moussa Diaw, enseignant à l’Université Gaston Berger (Ugb), décrypte la communication du Président Macky : «Sur le plan de la communication purement politique, je trouve qu’il fallait mettre les formes. Quand on est à la tête de l’Etat et qu’on dispose du pouvoir de décider de la grâce ou pas de quelqu’un, il y a des formules plus adaptées au langage institutionnel différentes de celles du citoyen ordinaire.» L’analyste politique trouve urgent pour le président de la République, «d’améliorer sa communication politique», surtout à l’étranger. La sortie du Président Sall laisse «des idées sur la façon dont on gouverne les Etats africains. Tout est laissé à l’appréciation et au bon vouloir du chef de l’Etat», se désole professeur Moussa Diaw. Qui souligne que «même si la Constitution donne au Président certains pouvoirs, il y a une façon de transmettre des messages qui doit relever d’un certain niveau de responsabilité. De manière à éviter des équivoques au niveau de la gouvernance politique».

«Macky Sall trahi par ses sentiments…»

Les analystes politiques pensent que le Président Macky Sall s’est fait trahir par ses sentiments. «Quand on parle de volonté et de désir, cela traduit des émotions, des symboles. Ce n’est pas cela qu’on attend du chef de l’Etat par rapport à la réponse qu’il a servie sur l’affaire de la grâce à Khalifa Sall», confie professeur Moussa Diaw. Qui signale que «c’est décevant de tenir ce langage à un niveau élevé de l’Etat». Le Président Sall, dit-il, aurait pu trouver d’autres mots pour évoquer l’affaire de la grâce à Khalifa Sall. Les analystes politiques pointent les faiblesses dans l’art de communiquer de certains chefs d’Etat africains. Pour eux, la sortie du Président Macky Sall donne une conception africaine du pouvoir qui constitue un écart par rapport à la démocratie. «Dans les discours de nos chefs d’Etat africains, on perçoit souvent la personnalisation, surtout la gestion néo-patrimoniale du pouvoir. Ce sont ces attributs qu’on doit évacuer, quand on fait une communication politique, surtout à l’étranger. La façon dont le Président Sall a parlé de l’affaire de la grâce à Khalifa Sall ne semble pas donner une bonne image de la démocratie sénégalaise. Parce que ça traduit un autre état d’esprit qui ne correspond pas à la conception républicaine du pouvoir. Il faut éviter ces erreurs et bien préparer les discours, quand on fait des entretiens avec des médias étrangers qui ne ménagent pas les chefs d’Etat africains. Ils les poussent souvent à commettre des erreurs en manière de communication», prévient professeur Moussa Diaw. Il est conforté par son collègue, professeur Ibou Sané, sociologue politique : «La presse étrangère a toujours tendance à poser à nos chefs d’Etat des questions qui donnent souvent le tournis. A la place du Président Sall, je n’aurai pas réagi ainsi, parce qu’il y a des questions d’ordre interne qui sont des questions purement sénégalaises qui ne doivent être abordées qu’au Sénégal et pas à l’étranger. Les Européens ne portent jamais leurs affaires à l’étranger», avise Pr Sané.

Les analystes politiques constatent que c’est une erreur monumentale du Président Macky Sall de tenir un tel discours, «comme si on était dans une monarchie» où les décisions relèvent du monarque, selon ses désirs, sa volonté. Professeur Moussa Diaw invite le Président Sall à reconnaître son «erreur» et la corriger le plus vite possible. «Il y a nécessité, pour le Président Macky Sall, d’échanger avec ses chargés de communication. S’ils sont compétents, ils peuvent lui apporter des recommandations, des conseils», souligne Moussa Diaw.

«Macky dans le temps des calculs politiques»

Comme un renard, le Président Sall déroule sa ruse face à ses adversaires politiques. Sa sortie prouve nettement qu’il est en plein dans le temps des calculs politiques. Il veut prouver à ses adversaires qu’il reste le seul maître du jeu. Et que le pouvoir de gestion des affaires de l’Etat relève de sa compétence. «Tout est un problème de calculs, de stratégies. Le Président Sall n’a pas tort totalement, en faisant sa déclaration. Il ne veut pas scier la branche où il est assis», constate professeur Ibou Sané. Le sociologue politique note que «si les gens veulent mettre la pression au Président Macky Sall pour accorder la grâce à Khalifa Sall, cela peut ne pas marcher. Car, on est dans le champ politique qui est différent du champ économique et culturel. Personne ne doit laisser son adversaire l’abattre». Ce que le Président Macky Sall semble avoir bien compris, en essayant de jouer sur le temps pour voir le moment opportun pour gracier Khalifa Sall. «Le Président Sall fait partie des gens qui n’aiment pas la pression. Dès qu’on les presse, ils refusent de céder. Mais, nous pensons qu’il (Macky) a tout intérêt à libérer Khalifa Sall pour ramener la paix sociale, calmer les ardeurs. Le pays est dans l’instabilité parce que les gens continuer à parler. Ce qui n’est pas bon pour le développement», avise Pr Sané.

MATHIEU BACALY
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