Du fond de sa cellule, Guy Marius Sagna a adressée, hier, une lettre au directeur de la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss. Dans la lettre aux allures de plaidoyer qu’’’EnQuête’’ publie d’ailleurs in extenso, l’activiste membre de Frapp/France dégage dénonce les conditions inhumaines de détention. Aussi, révèle-t-il les conditions de travail précaires des gardes pénitentiaires.
Monsieur le Directeur,
Recevez d'abord mes salutations, et au-delà de votre personne, toutes les forces de défense et de sécurité. Je vous présente à tous mes condoléances suite à l'assassinat du gendarme Tamsir Sané à Koupentoum. Cet assassinat montre à nouveau que le Frapp a raison de dénoncer les conditions de dénuement dans lesquelles policiers, gendarmes, militaires, agents des eaux et forêts, sapeurs-pompiers, etc., travaillent. Et ces conditions scandaleuses sont le résultat du pillage par l'impérialisme et son valet le président Macky Sall, du Sénégal. Ce même pillage impose des conditions de travail inacceptables à l'Administration pénitentiaire : sous-effectif, salaires dérisoires, lieux de détention surpeuplés, etc.
Ce même pillage est une véritable machine qui crée l'analphabétisme, la pauvreté et ses conséquences que sont le banditisme et le crime.
Voilà pourquoi, Monsieur le Directeur, agents de l'Administration pénitentiaire et "jailman" ne doivent pas être ennemis, mais comprendre qu'ils sont des frères et des sœurs opprimés d'un même système néocolonial.
Je viens, par cette présente lettre, protester énergiquement contre le traitement inhumain et dégradant infligé aux détenus de Rebeuss.
Le 19 juillet 2019, en entrant à Rebeuss, vos agents m'ont déshabillé, m'ont gardé tout nu pour me fouiller en plein air. Ensuite, ils m'ont contraint de m'accroupir tout nu.
Directeur, comment pouvez-vous accepter qu'en 2019, vos agents traitent ainsi des êtres humains ? Les détenus sénégalais sont-ils des êtres humains et citoyens entièrement à part ?
Monsieur le Directeur, je demande la fin de cette pratique qui, avec les insultes, les violences physiques... ne participent qu'à dégrader, humilier des êtres humains.
Monsieur le Directeur, Rebeuss est gangrenée par les longues détentions. Des détenus sont ici depuis trois, quatre, cinq, six, sept, huit ans sans jugement. L'un d'entre eux vient d'être fraîchement acquitté, après huit ans sans jugement. Cela ne peut plus durer.
En attendant le règlement de ce problème, monsieur le Directeur, les chambres 9, 10, 3, 4, 1, 2, ressemblent à des cales de négriers. Plus de 300 détenus dans une chambre avec une ou deux toilettes !!!
Ces détenus se reconnaissent de loin avec leur odeur nauséabonde et leurs pieds enflés, du fait qu'ils ne se douchent pas et ne se couchent pas. C'est inhumain !!!
Comme si cela ne suffisait pas, les détenus sont volés au télécentre et à la boutique où les prix d'un appel ou des marchandises sont beaucoup plus chers. Les détenus sont opprimés et exploités : Sept minutes de communication (Orange) coûtent 1 000 F Cfa. Et si la communication se coupe après quelques secondes, le détenu perdra toutes ses 7 minutes. Cela doit faire pâlir de jalousie le capitalisme. À l'infirmerie, il n'y a que du paracétamol et des antibiotiques. Cerise sur le gâteau, il y a une cuisine pour les "jailman" et une autre pour vos agents. Avez-vous déjà vu un bol de "jailman" ou goûté à son contenu, Monsieur le Directeur ???
En 2016, les détenus se sont rebellés contre toutes ces graves conditions. Le feu fut ouvert sur les détenus. La bête immonde est encore féconde, Monsieur le Directeur.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur de la Maison d'arrêt de Rebeuss, l'expression de mon plus profond respect.