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Colonel Alioune Ndiaye : « Poster un vieux ‘Jambar’ avec un petit gourdin devant la porte d’un magasin, ce n’est pas la sécurité »
Publié le vendredi 9 aout 2019  |  Seneweb.com
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© Autre presse par DR
Colonel Alioune Ndiaye
Le colonel Alioune Ndiaye, ancien porte-parole de la police à la retraite
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Le cambriolage de la bijouterie Ngalam survenu quelques jours après le meurtre du commandant Sané à Koumpentoum dans les mêmes circonstances, relance le débat sur la sécurisation des personnes et des biens au Sénégal. Dans cet entretien accordé à Seneweb, le colonel Alioune Ndiaye estime que des magasins comme Ngalam avec des millions de marchandises devraient investir dans un système de sécurité privé.

Ces derniers jours, il est noté une série de cambriolages. Apparemment la police n’est plus dans la prévention mais dans la réaction. Qu’est-ce qui explique cela ?

Ce n’est pas parce qu’il y a deux ou trois cambriolages qu’on peut dire que la police n’est plus en mesure de prévenir les délits et crimes. Combien de tentatives de cambriolages la Police a déjoué ? On ne peut pas compter. Quand un voleur renonce à son acte parce qu’il a vu la police sillonner dans les quartiers, ou parce qu’il a vu la police stationner quelque part, ça on ne peut pas le savoir.

Là c’est l’action de la police qui a fait que ce voleur là a renoncé à son acte. Maintenant sur plusieurs tentatives de cambriolage, s’il y en a un qui réussit, c’est dans l’ordre normal des choses. La police ne peut pas empêcher tous les délinquants de commettre leurs forfaits.

Mais on peut quand-même parler de recrudescence…

Ce n’est pas parce qu’il y a un cambriolage retentissant (bijouterie Ngalam) qu’on doit parler de recrudescence.

En moins deux mois on a eu un cambriolage avec mort d’homme à Thiaroye, le meurtre de commandant Sané à Koumpentum et le cambriolage de la bijouterie…

Oui, mais c’est entre Dakar et Koumpentoum. Géographiquement il y a une distance, dans le temps également. Ce n’est pas dans la même journée et ce n’est pas dans la même semaine. La délinquance évolue dans le temps et dans l’espace. Ça évolue par moment et régresse par moment. Mais c’est vrai que l’opinion publique ne comptabilise que ce qui a réussi comme méfait.

Quand on tue quelqu’un, tout le monde est ému. C’est comme si on avait tué tous les jours. C’est cela malheureusement, le décompte que l’on oppose à l’action de prévention des forces de sécurité et de défense pour dire ‘ils n’ont pas réussi’. Alors qu’ils ont réussi à déjouer pas mal de tentatives. Maintenant, malheureusement il y en a qui réussissent.

On a aussi constaté que les malfaiteurs sont de plus en plus armés et ont développé des méthodes sophistiquées. Est-ce que les forces de défense tiennent compte de cette évolution pour mieux les contrecarrer ?

Les malfaiteurs sont des éléments de la société. Ils évoluent dans la société et avec la société. C’est leur métier. Ils ont besoin de progresser dans leur métier malheureusement. Ils savent que le monde d’aujourd’hui est de plus en plus sophistiqué, ils créent eux aussi un système de commission d’infraction avec des moyens sophistiqués.

Aujourd’hui vous allez dans les magasins, la sécurité est beaucoup plus assurée qu’auparavant. Il y a des systèmes de vidéosurveillance, des gardiens devant les magasins… Donc, les délinquants eux aussi sont en train de mieux s’armer, de mieux s’équiper et de mieux élaborer leurs forfaits. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, il difficile de voir un cambrioleur évoluer en solitaire. Nous sommes à l’ère de l’association des malfaiteurs.

Ils ont beaucoup plus accès aux armes…

Justement à ce propos, existe-t-il une politique de lutte contre la prolifération des armes qui sont vendues comme des petits-pains sur le marché noir ?

Là je pense qu’il faut nuancer. En Afrique de l’Ouest nous avons connu beaucoup de trafics d’armes du fait des foyers de tension qui ont existé ça et là. On peut citer le cas de la Guinée Bissau qui a connu une période de guerre civile avec des armes qui se sont volatilisées dans la nature. Vous avez les cas du Liberia, de la Sierra Léone, de la Côte d’Ivoire, du Mali et en Casamance.

Ces des foyers de tension qui ont existé et les armes qui étaient utilisées n’ont pas été récupérées. Donc on est forcément dans un espace où il y a circulation d’armes incontrôlée. Ce sont c’est armes que l’ont retrouve ça et là ! Heureusement que les services de sécurité luttent beaucoup contre ce trafic d’arme. Récemment un homme a été arrêté avec un sac rempli de P.A (pistolet automatique) qu’il avait l’intention de convoyer au Burkina Faso.

A cela s’ajoute la fabrication artisanale d’armes au Sénégal ou des bijoutiers vous font facilement un pistolet, une arme de poing.

Quelles sont les actions qui sont menées pour mettre fin à cela ?

On fait des actions pour mettre fin à beaucoup de choses mais vous savez, la clandestinité, on n’y peut rien. Si vous allez dans les commissariats de police, on vous montrera beaucoup d’armes artisanales (qui on été saisies) fabriquées par des forgerons de la place et qui tirent des munitions de chasse. Donc c’est vrai qu’il y a une circulation incontrôlée d’armes dans la sous-région et il y a un marché noir contre lequel les services de sécurité lutte constamment au niveau des postes frontaliers avec la Douane et à l’intérieur du pays avec des patrouilles, des contrôle et autre.

Mais encore une fois, un pays de liberté où on assure la libre circulation des personnes et des biens, il y a sont corollaire c’est-à-dire des armes, de la drogue…beaucoup de délits et de crimes qui se commettent à la lisière de ces libertés là. Mais si les services de sécurité ne faisaient pas leur travail, on serait dans une jungle où chaque jour c’est des morts d’hommes, des braquages…C’est malheureux quand-même pour un pays de voir qu’il y a encore des délinquants qui réussissent ces genres de coups.

Les populations ont-elles leur rôle à jouer ?

C’est la question qu’il faut se poser. Est-ce que tout le monde joue le jeu en matière de sécurisation ? Parce que l’Etat qui a ce rôle régalien de sécuriser les personnes et les biens, le fait en établissant une police, une gendarmerie, en les équipant et en mettant en place un arsenal juridique (des tribunaux pour juger). Mais les citoyens individuellement, qu’est-ce qu’ils font pour assurer leur sécurité ?

Vous voyez des stations d’essence qui se font cambrioler, des bijouteries qui se font cambrioler… système de sécurité et de défense néant, zéro ! Ils n’investissent pas dans leur propre sécurité. C’est ça aussi ! L’Etat à son rôle à jouer et les citoyens ont le leur.

Quand vous avez une bijouterie avec plusieurs millions de francs à l’intérieur, vous devez avoir un système de sécurité individuel et privé pour vous prémunir de ces genres de scénario. Maintenant, la police ou la gendarmerie vient en appoint pour mieux assurer la sécurité. On ne peut pas mettre devant chaque magasin, chaque maison, chaque citoyen, un policier ou un gendarme. Ce n’est pas possible.

Vous voyez que l’Etat du Sénégal a délégué une partie de la mission de sécurité au privé. Il y a des sociétés de gardiennage. C’est justement pour permettre à chacun de se doter d'un bon système de sécurité privé. Mais quand vous demandez à un bijoutier ou à d’autre type de magasins, qui ont plusieurs millions de francs de marchandises, de se trouver un système de sécurité privé, souvent, ils vont chercher un vieux garnement là, un ‘’Jambar’’, à qui on donne un petit gourdin (cambriolage mortel à Thiaroye en juin dernier, le gardien tué avait 75 ans, Ndlr). Ça, ce n’est pas la sécurité ! C’est pourquoi d’ailleurs les cambrioleurs sachant que ceux qui assurent la sécurité dans certains magasins sont seuls et pas bien armés, ils n’hésitent pas à passer à l’acte.
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