La succession ouverte d’Ousmane Tanor Dieng, avec son décès survenu il y a deux semaines, installe le Parti socialiste dans une situation peu confortable. Dans cette guerre de succession, les bannis semblent d’ores et déjà être écartés de toute prétention. Selon Mamadou Mbodj Diouf, membre du Bureau politique du Ps, Khalifa Sall et ses lieutenants ne peuvent, en aucune manière, être concernés par la succession du défunt leader socialiste. Dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, le directeur du Projet d’appui à la modernisation des Daaras s’en prend violemment à Barthélemy Dias qui, selon lui, est très mal placé pour jouer le rôle de médiateur dans la réunification de la famille socialiste.
Comment avez-vous vécu la disparition d’Ousmane Tanor Dieng, en tant que responsable socialiste ?
Un événement ne m’a jamais autant ébranlé que cette lourde perte. Il laisse un vide qui sera difficile à combler, tant notre secrétaire général, feu Ousmane Tanor Dieng, était la clé de voûte de notre organisation. Tout partait de lui et tout aboutissait aussi à lui, par son omniprésence dans toute l’échelle hiérarchique du Parti socialiste. Il entretenait des relations de proximité et des rapports humains exceptionnels avec tous les responsables, jusqu’au plus bas niveau de cette échelle. Naturellement, un sentiment de dénûment et de vacuité nous a unanimement envahis, à l’annonce de cette triste nouvelle qui nous a tous pris de court.
Personnellement, je dirais que le secrétaire général nous a faussés compagnie au pire moment, notamment avec le processus des renouvellements de nos instances déjà très avancé.
Justement, où en êtes-vous dans les renouvellements qui ont été mis en veilleuse, à la veille de la Présidentielle de 2019 ?
Le processus des renouvellements des instances est en cours, avec la vente des cartes qui est bien avancée. Certaines coordinations ont déjà atteint le pourcentage requis de 65 % et sont autorisées à renouveler. D’autres continuent leur vente des cartes et espèrent bientôt être autorisées à leur tour. On n’aura pas besoin d’attendre certains grands retardataires pour arriver au congrès qui va se tenir avec ou sans eux. C’est aussi une jurisprudence en matière de renouvellements des instances du parti.
Sa disparition ouvre sa succession. Selon vous, comment le Ps devrait-il s’y prendre ?
Je tiens à préciser que le deuil que nous traversons m’empêche de m’étendre sur cette question de la succession. Il est un temps que nous nous assignons, nous sa famille éplorée au sens élargi du terme, pour respecter une période de deuil de quarante jours. Toutefois, il faut dire qu’aucune succession ne sera ouverte en tant que tel, dès lors que nous savons que la suppléance sera assurée immédiatement par la première secrétaire générale adjointe Aminata Mbengue Ndiaye, tel que le prévoit l’article 18 du règlement intérieur.
Justement, l’article 18 du règlement intérieur du Ps dit qu’en cas d’absence ou d’empêchement, le Sg est remplacé par les secrétaires généraux adjoints que sont Aminata Mbengue Ndiaye, Birahim Diagne et Cheikh Abdou Khadre Cissokho. Pourquoi, dans ce cas, penser que c’est la première nommée qui doit suppléer OTD ?
Il faut savoir que tous les secrétaires généraux (Sg) d’instance sont élus par les commissions administratives (Ca) de leurs instances. Les Sg des sections, coordinations et unions régionales sont élus respectivement par les Ca de section, de coordination et d’union régionale. Il en est de même du Sg du parti élu par les Ca des coordinations au niveau national, à l’issue du congrès. La vraie question à se poser est l’utilité de la numérotation et l’ordre d’appel qui ne sauraient être intervertis. La pratique courante veut que, naturellement qu’en toutes circonstances, la suppléance ou l’intérim est automatiquement assuré par le premier d’entre les Sga. Pourquoi cette présente situation devrait-elle faire exception ? Je pense que c’est encore le lieu de fustiger l’attitude de ces sorciers et autres lampistes qui cherchent à créer le trouble partout. Les Sga Abdou Khadre Cissokho et Birahim Diagne sont parmi les illustres aînés de feu Ousmane Tanor Dieng qui pouvaient occuper des sièges à l’Assemblée nationale, au Cese où au Hcct, mais ont préféré décliner, parce qu’ils n’ont plus rien à prouver. Ce n’est pas aujourd’hui qu’ils vont se disputer une suppléance qu’ils savent déjà dévolue naturellement à la camarade Aminata Mbengue Ndiaye.
Etant donné qu’il n’y a aucune hiérarchisation entre les secrétaires généraux adjoints, ne trouvez-vous pas plus judicieux que la suppléance soit collégiale entre les trois ?
Je précise encore que dans toutes les instances, les adjoints aux secrétaires généraux d’instances sont bel et bien hiérarchisés. D’ailleurs, la première adjointe au Sg tenait déjà bien les rênes, alors que le SG Ousmane Tanor Dieng était alité à Paris, en convoquant et présidant les réunions du Secrétariat exécutif national (Sen) et du Bureau politique en sessions ordinaires. La collégialité ne saurait être de mise, sinon ce serait un déni de notre pratique du fonctionnement et de l’organisation du parti.
Certains socialistes pensent que c’est le Comité central qui, entre deux congrès, gère le parti jusqu’au prochain congrès. Qu’en pensez-vous ?
Cette tentative d’installer une polémique autour de cette question est vraiment malsaine et de l’œuvre de sorciers cherchant à provoquer une guerre fratricide. La présidente Aminata Mbengue Ndiaye assure la suppléance. Il faut voir que la jurisprudence en matière de succession, lors des départs de la tête du parti des présidents Senghor et Diouf, en leur qualité de secrétaire général, est très révélatrice dans cette optique. Diouf a remplacé Senghor, ainsi que Ousmane Tanor Dieng après Diouf, du fait de cette suppléance qui court jusqu’au congrès suivant.
Par ailleurs, il est arrivé, à plusieurs reprises, qu’une situation similaire se produise dans des coordinations ou sections et, en aucune façon, on ne pense à autre procédure que la suppléance immédiate et automatique par le premier Secrétaire général adjoint de la coordination ou de la section. Même si l’interprétation de l’esprit ou de la lettre des textes n’apportait pas la solution unanime, la pratique courante ferait jurisprudence. C’est l’unique alternative dans l’immédiat, car de vacance, il ne peut en être question.
Par ailleurs, le Comité central ne dispose d’aucune prérogative pour élire le secrétaire général du parti, encore moins diriger le parti de quelque façon que cela puisse être imaginé. C’est impossible ! Un premier adjoint au secrétaire général est désigné pour suppléer le titulaire en cas d’absence ou d’empêchement (même définitif) selon l’article 18 du règlement intérieur. Le substantif ‘’premier’’ qui confirme le rang du secrétaire général adjoint n’est pas fortuit, dès lors qu’il en existe un deuxième puis un troisième en ce qui concerne la suppléance.
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, peut-il être écarté de la succession de Tanor ?
Je pense que Khalifa Ababacar Sall a déjà choisi une autre voie qui lui a valu son exclusion, dès lors qu’il avait refusé de suivre les directives et orientations du parti. Ce n’est pas parce que Ousmane Tanor Dieng n’est plus là que toutes les décisions prises jusque-là devraient être caduques. Il ne peut nullement être envisagé de compter Khalifa Sall dans une quelconque compétition dans le parti, dans l’immédiat, parce qu’il n’est plus un militant du Ps.
Ne pensez-vous pas que c’est le moment de rappeler les bannis et de laver le linge sale en famille ?
Pourquoi pas ? Toutefois, ce serait très difficile, dans l’immédiat. La machine Ps ne s’est jamais arrêtée, et on ne peut remettre tout à plat pour juste contenter des bannis qui nous ont causé tant de tort. Les renouvellements sont déjà bien avancés et remettre tout à plat pourrait exposer le parti à des guerres fratricides au niveau des instances de base. La raison en serait que ces exclus auront des prétentions impossibles à satisfaire pour le moment. Il est possible d’envisager de nous retrouver avec d’autres entités bien constituées, dans le cadre d’alliances électorales ou de coalitions.
Dans un autre registre, nous sommes dans Benno Bokk Yaakaar et avec la majorité présidentielle. Ces exclus dont vous faites allusion ne pourront jamais partager avec nous ces options prises par le parti depuis 2012. C’est un obstacle insurmontable pour le moment. Dans tous les cas, envisager des retrouvailles avec quelque bord d’obédience socialiste que ce soit demande un processus qui va nécessiter beaucoup de temps et d’efforts. Ce n’est vraiment pas demain la veille !
Le décès d’OTD survient dans un contexte complexe au sein du Ps, avec les remous qu’a connu le parti, notamment la fronde dirigée par Khalifa Sall et ses lieutenants, qui a occasionné leur exclusion. Sera-t-il, selon vous, facile d’assurer, dans ces conditions, sa succession ?
Les dissidents exclus ne peuvent être concernés par une quelconque succession. Ils ne sont plus des militants. On règle d’abord nos affaires internes avant de s’ouvrir à d’autres, sinon cela ne fera que rajouter des difficultés supplémentaires à celles qui existent déjà comme dans toutes les formations politiques. Ce cas étant écarté, les renouvellements des instances puis le congrès y pourvoiront aisément.
Ne redoutez-vous pas une implosion du parti, au vu des positions déjà affichées par les uns et les autres ?
Le Ps est un grand parti, de surcroît très bien organisé. Il existe toujours des ressorts sur lesquels agir pour retrouver notre fonctionnement normal. Tout cela finira par s’estomper.
Comment, selon vous, apaiser la tension et amener tout le monde à la raison ?
La secrétaire générale Aminata Mbengue Ndiaye va bientôt relancer les activités et, naturellement, tous ceux qui ne sont mus que par de bonnes et nobles intentions vont s’inscrire dans la logique de l’accompagner pour bien assumer ses nouvelles charges à la tête du parti.
Comment appréciez-vous la posture de Barthélemy Dias qui est allé à la Maison du parti pour présenter ses condoléances ?
Je suppose qu’il y est allé comme l’aurait fait tout Sénégalais qui voudrait rendre un ultime hommage à notre illustre Sg, en allant signer le livre de condoléances ouvert à la Maison du parti.
Il dit ne pas être intéressé par quoi que ce soit.
Je crois que ce sont juste des déclarations d’intention qui ne peuvent aucunement constituer un sauf-conduit ! Barthélémy Dias est dans le lot des exclus pour cause d’insubordination et de non respect des directives du parti.
Le maire de Mermoz-Sacré-Cœur, qui se réclame toujours du Ps, entend rencontrer les différents responsables socialistes pour discuter avec eux, non seulement de la succession de Tanor, mais aussi de la réunification de la grande famille socialiste. Qu’en pensez-vous ?
Il peut rencontrer qui il veut, c’est son droit. Le fait est que leur exclusion a été prononcée par une instance, en l’occurrence le Bureau politique, et c’est une instance et non une personne qui décidera ou non d’un retour selon des procédures qui prendront le temps nécessaire.
Barthélemy Dias, qui dit que la réunification de la famille socialiste était la dernière volonté de Tanor, s’engage à œuvrer dans ce sens. Quelle appréciation en faites-vous ?
Il s’agit plutôt de la famille socialiste au sens large, donc de la gauche d’obédience socialiste. Je pense que Barthélémy Dias est très mal placé pour s’arroger le rôle de médiateur. S’il en est des responsables de cette césure que nous avons vécue, je crois qu’il y trône en bonne place.
Quel est, selon vous, l’avenir du Ps ?
L’avenir est très verdoyant. L’attrait du parti est resté intact. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ces remous nous ont valu plusieurs intentions d’adhésion au parti. Nous sommes très sereins.
Quel avenir dans son compagnonnage avec la coalition Benno Bokk Yaakaar ?
Le Parti socialiste est encore et demeure dans Bby et la coalition de la majorité présidentielle. Au passage, je remercie le président Macky Sall pour la solidarité dont il a fait montre pour partager avec nous la douleur de la perte de notre cher président Ousmane Tanor Dieng. Le dernier message que notre défunt Sg lui a envoyé nous exhorte à poursuivre notre collaboration.