Avec le Code de l’enfant et la révision des dispositions législatives et règlementaires discriminatoires à l’égard des femmes, l’excision, les mariages d’enfants et le harcèlement sexuel seront interdits. L’avortement médicalisé de la jeune fille sera autorisé, en cas de viol et d’inceste.
La protection des droits des femmes est l’une des préoccupations majeures du gouvernement du pays. Depuis la signature du protocole de Maputo, il y a de cela 16 ans, le Sénégal a adhéré à la presque totalité des instruments internationaux et régionaux de protection et de promotion des droits des femmes.
Vendredi dernier, lors d’un diner-débat organisé par l’Association des femmes juristes sénégalaise (Ajs), le directeur des Droits humains, Moussa Ka, a expliqué que l’État s’engage à modifier toutes les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes. Ce qui explique l’élaboration du projet de Code de l’enfant et la mise en place d’un comité technique de révision des dispositions législatives et règlementaires discriminatoires à l’égard des femmes.
Ledit projet, d’après M. Ka, interdit l’excision, les mariages d’enfants et le harcèlement sexuel. Il autorise l’avortement médicalisé de la jeune fille, en cas de viol et d’inceste. ‘’Le chef de l’Etat a instruit le gouvernement d’évaluer la mise en œuvre de la stratégie nationale de protection de l’enfant, de veiller à l’adoption urgente du projet de loi portant Code de l’enfant. Nous invitons les organisations de la société civile à renforcer la synergie des actions, afin de mener un plaidoyer, pour une adoption des projets de réformes en cours’’, souligne Moustapha Ka.
Mais le directeur adjoint des Affaires criminelles et grâce au ministère de la Justice semble tempérer, en soulignant que le département de la Justice est conscient qu’il reste encore du chemin à faire. Aliou Niokhor Diouf renseigne que les travaux préparatoires de beaucoup de textes sont achevés. Mais les difficiles questions de société posées justifient une continuation des débats, selon lui. C’est pour cela qu’il appelle au maintien des dynamiques actuelles de dialogue et de concertation.
‘’Les différentes composantes de notre société ont besoin de se parler davantage pour l’adoption des différents textes, sans déchirure sociale. L’application effective d’un droit reconnu et juridiquement consacré n’est pas une faveur. Ceux et celles qui s’impatientent ont raison de le faire. La préservation de la cohésion sociale est une nécessité de gouvernance. Elle peut demander du temps. C’est l’équilibre entre ces deux impératifs qu’il nous faut trouver, en légiférant. Et je suis convaincu qu’on n’en est pas loin’’, dit-il.
En effet, le chef de l’Etat a instruit les ministres de la Justice et de la Famille de faire adopter, avant fin octobre, les nouveaux dispositifs législatifs et règlementaires criminalisant le viol et la pédophilie.
Protocole de Maputo, bons et mauvais points
Lors de la rencontre, le directeur des Droits humains est largement revenu sur les avancées du pays concernant le protocole de Maputo. Selon Moussa Ka, le Sénégal a renforcé le dispositif législatif et institutionnel en faveur de la promotion et la protection des Droits de l’homme. Relativement aux articles 2, 3 et 5 du protocole, concernant respectivement l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le droit et la dignité, l’intégrité et la sécurité.
En effet, le cadre légal du pays interdit la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes. La Constitution sénégalaise réaffirme le principe de l’interdiction de toutes les formes de discriminations. ‘’Cette égalité entre l’homme et la femme, devant la loi et en droit, est réaffirmée dans la Constitution. Outre cette reconnaissance constitutionnelle, il existe plusieurs autres textes qui viennent renforcer la protection des droits de la femme, comme le décret sur l’égalité de traitement fiscal permettant aux femmes salariées de prendre en charge leur conjoint ou leurs enfants malades (...). Ces dispositions ont amélioré la situation des femmes au Sénégal’’, liste M. Ka.
Le directeur des Droits humains ajoute que, relativement à la répression des auteurs de la violence à l’égard des femmes énoncée dans le protocole de Maputo, les violences psychologiques et économiques dans la législation interne sont constitutives de délit relevant de la compétence des juridictions correctionnelles. ‘’Relativement à la participation au processus politique et à la prise de décision, la transversalité de la place de la femme dans l’atteinte des Odd est une réalité. En effet, dans le respect de ses engagements internationaux, l’Etat a établi des stratégies pour faciliter l’accès des femmes aux postes de décision, avec la nomination de femmes à des postes de responsabilité. De même que la participation paritaire des femmes dans la vie politique mentionnée à l’article 9 du protocole est une réalité, avec l’adoption de la loi n°2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue homme-femme’’, renseigne Moussa Ka.
Il rappelle que le droit des femmes victimes de violences à un recours effectif est acquis, de même que l’imposition fiscale.
Un enthousiasme que ne partage pas la vice-présidente de l’Ajs qui est aussi chargée des programmes. Car, malgré sa signature par 49 Etats sur 55 et sa ratification par 40 Etats, la question de son effectivité se pose avec acuité presque dans tous les pays. Khadidiatou Kébé Diouf est d’avis que les défis majeurs demeurent, depuis quelques années. C’est l’harmonisation des textes nationaux par rapport aux textes internationaux et régionaux signés et ratifiés par le Sénégal, l’application de ce protocole par les cours et tribunaux et leur prise en compte dans tous les plans, programmes et politiques publiques pour son effectivité.