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Ces faits qui hantent le sommeil des éleveurs
Publié le lundi 29 juillet 2019  |  Enquête Plus
Kaffrine
© Autre presse par DR
Kaffrine face aux inondations
Kaffrine, le 25 Juillet 2016 - La ville de Kaffrine a été envahie par les eaux de pluies. De nombreuses concessions ont été submergées par les eaux.
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Si, à Dakar et dans la plupart des grandes villes, l’hivernage rime avec inondations et déplacements de populations sinistrées, dans la campagne sénégalaise, la saison des pluies fait le bonheur des populations. Son retard est, de facto, source d’angoisse pour les paysans et les éleveurs. ‘’EnQuête’’ a fait une immersion dans la zone sylvopastorale et fait le constat de l’angoisse des éleveurs, face au retard de l’hivernage et à la flambée des prix de l’aliment de bétail.

La zone sylvopastorale vit difficilement le retard de l’hivernage. La saison passée n’étant pas très favorable dans la zone, le pâturage a vite fini, obligeant les éleveurs à transhumer. Des éleveurs et responsables du département de Linguère décrivent une situation précaire pour les bêtes et même pour ces populations rurales.

En effet, le retard de la saison des pluies allonge la période de soudure et plonge la région dans une disette totale. La plupart des éleveurs ont transhumé vers l’est ou le sud du Sénégal où l’hivernage s’est déjà installé, à la recherche d’herbes vertes et nourrissantes pour les bêtes.

Dans les localités de Linguère et environs où l’élevage est la principale occupation des autochtones, l’absence de pluie, en cette période de l’année, est synonyme de soudure infernale pour les populations locales.

Une menace pour la fourniture en moutons de Tabaski

La situation précaire qui prévaut dans ces zones risque d’impacter sur le bon déroulement de la Tabaski qui se profile à l’horizon. A défaut de promouvoir l’importation, les Sénégalais risquent de vivre une Tabaski plus chère que d’habitude, en termes d’achat de moutons. En tout cas, de l’avis des éleveurs, la situation est devenue catastrophique et le retard de l’hivernage n’est plus rattrapable. L’impact négatif sur la fête est évident. Selon eux, il se pose, d’abord, un problème de transport des animaux affaiblis par le manque de pâtures.

Ensuite, celui des moyens financiers pour les éleveurs qui ont tout dépensé dans l’achat d’aliment de bétail. Le convoyage à pied est presque impossible, selon ces derniers. Conséquence : on risque d’assister à une Tabaski sans les ‘’coggal’’ (les moutons à bas prix). Ce qui va rendre les prix des bêtes plus élevés et non accessibles aux Sénégalais avec de faibles revenus.

‘’Je ne sais pas les moutons qui vont nous venir de l’extérieur, mais ceux qui sont ici sont très maigres. Ils n’ont pas été bien nourris, car il n’y a pas de pâtures. Et même si la saison débutait maintenant, on ne peut plus rattraper le temps perdu. En plus, les éleveurs ont dépensé tous leurs revenus dans les aliments de bétail. Ce qui fait qu’il est, aujourd’hui, impossible de trouver des moyens financiers pour convoyer un troupeau de moutons dans les grandes villes. Il faut aussi savoir que les bêtes sont très affaiblies. Elles ne peuvent pas parcourir certaines distances’’, déclare, catégorique, l’éleveur Samba Demba Ka.

Abondant dans le même sens, Samba Mamadou Sow, Président de l’Association pour le développement intègre de Dahra (Adid) qui assiste les éleveurs dans la résilience, pense qu’il est impossible d’avoir des moutons à des prix abordables pour cette Tabaski.

‘‘Pour l’opération Tabaski, ce sera très compliqué. En effet, avec cette situation, les éleveurs ne peuvent pas laisser les vaches pour aller à Dakar ou dans les grandes villes. En plus, le convoyage à pied est impossible, avec la maigreur du bétail. Les gens seront obligés de transporter les bêtes par voiture et cela va évidemment se répercuter sur les prix’’, estime-t-il.

Flambée des prix de l’aliment de bétail

La situation des éleveurs empire avec la cherté de l’aliment de bétail devenu très prisé, avec l’absence de pâturage. En effet, le tapis herbacé est très pauvre en ressources pour nourrir les animaux, à cause de l’amenuisement des fourrages. Les éleveurs sont ainsi obligés de se rabattre sur les aliments de bétail artificiels pour sauver leurs bêtes. Ce qui a augmenté la demande en produits alimentaires, occasionnant, du coup, la flambée de leurs prix.

Pour illustrer la situation, Amadou Fary Ba, grand éleveur, fait l’éventaire de ses dépenses en aliment de bétail. ‘’Actuellement, presque chaque trois jours, on dépense en aliment de bétail le prix d’une vache. En ce qui me concerne, j’utilise chaque jour 8 sacs d’aliment pour nourrir mon troupeau. Le prix est de 7 500 F Cfa le sac, à Dahra. Mais dans les zones les plus enclavées où se trouvent la plupart des transhumants, les prix vont jusqu’à 10 000 F Cfa’’, explique-t-il.

Une situation qui a poussé certains éleveurs à adopter des méthodes néfastes à la préservation de l’environnement pour faire survivre les bêtes. ‘’Certains ont commencé à couper les branches d’arbres pour nourrir le bétail. Ce qui, loin de solutionner le problème, viole la nature. Il faut savoir que population est aussi fatiguée. Elle est dans l’attente angoissante d’une pluie incertaine. Les gens ont fini par remettre tout entre les mains de Dieu, car aujourd’hui, seule la solution divine peut sauver ce secteur’’, estime un éleveur.

Ministère de l’Elevage en soutien aux éleveurs

Face à cette situation qui devient de plus en plus difficile pour les éleveurs, le ministère de tutelle a décidé d’apporter une aide, par une subvention de l’aliment de bétail.

A cet effet, 1 000 tonnes d’aliments ont été subventionnées pour être revendues aux éleveurs à 5 200 F Cfa le sac. Cette mesure concerne la zone sylvopastorale de Linguère et environs. ‘’Pour le département de Linguère, on a commandé 1 500 tonnes d’aliments de bétail. Les 1 000 tonnes ont déjà été réceptionnées et distribuées aux éleveurs. On attend les 500 tonnes d’un moment à l’autre, c’est-à-dire d’ici demain même (aujourd’hui). Il faut savoir qu’avant la pluie d’hier, la situation pastorale était très précaire, parce qu’il n’y a plus de pâturages. D’ailleurs, la plupart des éleveurs sont encore en transhumance’’, informe Mamadou Moustapha Cissé, Inspecteur de l’élevage à Linguère.

De leur côté, les éleveurs ont certes apprécié la décision de l’Etat de subventionner les aliments de bétail, mais jugent insuffisante cette mesure pour régler leur situation. ‘’L’ancienne ministre aidait beaucoup les éleveurs et faisait en sorte que les aliments soient disponibles à temps. Le nouveau a aussi abondé dans le même sens, mais il a commencé tard, car l’année passée, l’hivernage n’était pas des meilleures et au moment où le ministre Samba Ndiobène Ka prenait fonction, les éleveurs étaient déjà dans la disette. Ce qui a fait que sa réaction est venue de manière un peu tardive. Il faut aussi savoir que la subvention ne fait pas grand-chose, car elle est minime par rapport à nos besoins’’, estime l’éleveur Samba Ka.

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