L’affaire de la drogue de Saly qui tient en haleine l’opinion, depuis un an, a été jugée hier en audience spéciale par le tribunal correctionnel de Dakar. Si le prévenu vedette de l’affaire, Luc Nicolaï, a clamé son innocence, il a été enfoncé par son ami Djibrine Diop, le seul à reconnaître les faits.
Après 13 mois de détention préventive, Luc Nicolaï a enfin comparu hier devant le tribunal correctionnel de Dakar. Le promoteur de lutte avec frappe et ses coïnculpés, le douanier Abdou Khadir Kébé et deux employés de l’hôtel Lamantin Beach Mamadou Lamine Mbaye et Djibrine Diop, ont été jugés en audience spéciale. Le procès a démarré aux environs de 12h 30mn, après plusieurs heures de valse des avocats dans les différentes salles d’audience, avant que la salle numéro 4, réservée aux audiences de Cour d’assises et aux cérémonies, ne soit finalement retenue.
‘’Je jure sur le Saint Coran, je n’ai jamais vu de drogue’’
Durant plusieurs tours d’horloge, Luc Nicolaï a fait une immersion dans le passé. Star de ce procès, le patron de Luc and Co n’a pas été très prolixe. Car, il s'est dit innocent et totalement étranger aux faits relatifs à la drogue découverte le 26 septembre 2012, dans le bureau de Bertrand Touly, Président directeur général de l’hôtel Lamantin Beach. ‘’Je peux jurer sur le Saint Coran que je n’ai jamais vu de drogue’’, a d’emblée déclaré Luc Nicolaï. ‘’Je ne peux pas dire grand-chose sur cette affaire.
Je l’ai apprise à travers la presse’’, a-t-il soutenu. Ces précisions faites, le promoteur de lutte a fait une petite digression pour revenir sur son voyage effectuée en Gambie, après que son nom a été cité dans l’affaire par la presse. Il a nié avoir fui, en expliquant qu’il était en Gambie pour ficeler un combat : ‘’Modou Lô contre X’’. Devant cette digression, le président Moustapha Bâ lui a demandé de s’en limiter aux faits. ‘’J’aurais bien aimé vous éclairer davantage, mais je ne connais rien de cette affaire dont je ne suis mêlé, ni de près, ni de loin’’, a rétorqué Luc Nicolaï qui a craqué durant la suspension d’audience.
Djibrine Diop mouille Luc Nicolaï
Toutefois, la déposition de Djibrine Diop est venue remettre en cause les propos du promoteur de la Petite Côte. ‘’Luc m’a appelé en me disant : ‘’Boy est-ce que ''am nga bu weex bi’’ (cocaïne, dans le jargon) ? Ensuite, il m’a fait savoir qu’il avait une mission à me confier’’, a narré le skipper de l’hôtel Lamantin Beach. Celle-ci consistait à introduire une enveloppe dans le bureau de Bertrand Touly. ‘’Luc m’avait dit qu’il s’agissait de gri-gris, car il voulait que ses relations avec Touly soient huilées.
C’est le lendemain qu’il m’a confié que l’enveloppe contenait plutôt de la drogue’’, a déclaré Djibrine Diop qui assure avoir été aidé dans son entreprise par l’électrotechnicien Mamadou Lamine Mbaye. Celui-ci a tenté de dégager sa responsabilité. ‘’Je l’ai aidé, a-t-il dit, car il m’avait fait croire qu’il devait voyager et qu’il lui fallait un cachet sur sa lettre de garantie’’. L’électrotechnicien a ajouté qu’il a eu des soupçons, une fois dans le bureau, car, selon ses dires, Djibrine Diop détenait plutôt des feuilles vierges. ‘’Je l’ai chassé du bureau’’, a-t-il ajouté.
Abdou Khadir Kébé : ‘’J’aurais dû interpeller Éric Philibert pour complicité’’
Dernier à être entendu parmi les prévenus, le douanier Abdou Khadir Kébé a aussi contesté les faits de tentative d’extorsion de fonds. ‘’Deux semaines avant, un informateur m’a appelé en me demandant si j'étais prêt à casser le réseau de trafic de drogue à Saly.’’ L’ex-chef de la brigade des douanes de Mbour d'ajouter : ‘’Le 26 septembre 2012, mon informateur m’a rappelé et m'a dit que le dealer avait ravitaillé le Dg de l’hôtel.
Il m’a aussi indiqué le bureau et le meuble sous lequel était dissimulée la drogue’’. A l'en croire, lorsqu’il a interpellé Bertrand Touly sur sa découverte, le DG a appelé son adjoint Éric Philibert. Ce dernier lui aurait proposé un arrangement. ‘’Est-ce que vous le connaissez ? Son père est milliardaire, donc essayons de régler l’affaire, car cette drogue-là n’est pas pour le gosse’’.
Le soldat de l’Économie dit avoir décliné la proposition d'Éric. Il a effectué une seconde perquisition, parce que son informateur lui avait confié qu’il restait encore de la drogue dans le bureau de Touly, car la quantité livrée était en réalité 500 grammes. Seulement, s’est désolé Abdou Khadir Kébé, au cours de la seconde perquisition, Touly s’est évadé, en se réfugiant à l’Ambassade de France à Dakar. Pour attester de sa bonne foi, le douanier a déclaré avoir regretté de n’avoir pas appréhendé Éric Philibert. ‘’Après réflexion, je me suis dit que je devais l’arrêter pour complicité, puisqu’il est intervenu en faveur de Touly.
Mais j’étais obnubilé par le reste de la drogue’’, a confié le prévenu. Sur l’identité de son informateur, il a laissé entendre qu’il l’ignore jusqu’à présent. Tout ce dont il se rappelle, c'est qu'il ''a un accent occidentalisé et parle un français académique’’. Or à la gendarmerie, le douanier avait reconnu que son informateur n’était personne d’autre que Luc Nicolaï. À la barre, Abdou Khadir Kébé a réfuté tout lien avec le promoteur, alors que le relevé téléphonique a révélé l’existence de 26 communications entre eux.
Déclarations contradictoires
Outre les relevés téléphoniques, Abdou Khadir Kébé a été enfoncé par la partie civile Bertrand Touly, mais aussi par le témoin Eric Philibert. Le plaignant a soutenu qu’il ne s’est jamais évadé et que le douanier lui a réclamé la somme de 100 millions de francs Cfa. ‘’Après avoir interpellé Touly, il nous a demandé de réfléchir pour trouver un arrangement. C’est aux environs de 18h qu’il m’a réclamé les 100 millions, afin d’étouffer l’affaire’’, a confirmé Eric Philibert, avant de nier avoir proposé de l’argent à quiconque.
Tout en confirmant l’évasion de Touly, le douanier Pape Massiré Guèye Thiam s’est inscrit en faux contre la seconde perquisition. Non seulement, il a nié avoir participé à cette seconde perquisition, mais il a laissé entendre qu’Éric Philibert était avec eux dans le véhicule de la douane. Or, Abdou Khadir Kébé avait soutenu qu'il se trouvait dans un autre véhicule, en compagnie de Touly. ‘’Vous avez prêté serment, mais votre témoignage me laisse sur ma faim, car il y a des divergences entre votre déclaration et celle de votre supérieur’’, lui a fait remarquer le juge Bâ qui s’est passé d’entendre la plupart de la dizaine de témoins présents.
Il a ensuite renvoyé le procès au mercredi 11 décembre pour le réquisitoire du parquet et les plaidoiries des avocats de la partie civile, mais aussi des prévenus.