Outre les bouchons qu’ils génèrent à tous les coins de rue de Dakar, les nombreux véhicules en circulation dans la capitale sénégalaise ont favorisé l’expansion d’un travail informel : laveur de voitures.
Ils sont nombreux les jeunes venus de l’intérieur du pays à s’y adonner, de même que certains étrangers comme les Guinéens.
Armés d’un morceau de tissu, d’un seau d’eau et de détergents, ils s’établissent aux abords des principales voies de communication, guettant le chauffeur qui voudrait bien leur confier son véhicule.
D’autres, plus audacieux, profitent du moindre feu rouge pour se faufiler entre les voitures et proposer un nettoyage express de pare-brises et autres vitres. Certains laveurs forcent la main aux chauffeurs en se mettant au boulot sans les consulter. A leurs frais ; quelquefois, car bien des conducteurs leur demandent d’arrêter ou les laissent faire avant de démarrer dès le feu vert, sans le moindre paiement.
Keita Traoré, 34 ans, ne fréquente pas les feux rouges. Chaque matin, il quitte la banlieue dakaroise des Parcelles assainies pour le centre-ville où se trouve son lieu de nettoyage. Depuis neuf ans, il fait luire les carrosseries des voitures qu’on lui confie et avec ça, assure-t-il, il parvient à nourrir sa famille. Marié et père de deux enfants, Keita est aussi monteur d’antenne de télévision, mais ce boulot, à l’en croire, ne lui rapporte pas autant que celui de laveur de voitures.
Pour le travail, il lui arrive souvent d’aller de parking en parking pour offrir ses services, moyennant 500 FCFA pour les petites voitures contre 1000 FCFA pour les 4x4.
Le conducteur peut payer cash comme il peut, en accord avec le laveur, souscrire à un abonnement payable à la fin du mois. Avec la première formule, Keita Traoré assure qu’il lui arrive de faire des recettes de 8000 FCFA par jour.
Pour l’abonnement, il perçoit par véhicule des fixes allant de 10000 à 15000 FCFA. Tout dépend du type de véhicule et de la capacité de négociation des deux parties.
Venu de sa Guinée natale, Mouhamadou Seydou Bâ, 41 ans, reconnait comme Keita Traoré, le côté rémunérateur du lavage de voitures qu’il pratique depuis 10 ans, tout comme Aliou Ngom.
Agé de 27 ans, ce jeune homme est originaire de Diaoulé, un village situé à 145 km de Dakar.
Outre l’agent gagné, ces trois laveurs ont, comme c’est généralement le cas dans ce milieu, profité des voitures qu’on leur confie pour apprendre à conduire.
‘’Raxas ba am permis’’ (du wolof, nettoyer jusqu’à se procurer un permis de conduire), c’est sur ce slogan très en vogue chez les laveurs que se sont appuyés Traoré, Seydou Bâ et Ngom pour se familiariser au volant, passer rapidement à une auto-école et décrocher ensuite le permis de conduire.
Si avec ce document en poche, le jeune guinéen continue de nettoyer des voitures en attendant d’avoir un métier de chauffeur plus rémunérateur, il en est autrement des deux Sénégalais qui ne cachent pas leur rêve d’être derrière un volant.
Tout le contraire de Diap Sarr, étudiant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, et… laveur de voitures en dehors de ses heures de cours. « Je ne fais pas ce travail pour obtenir un permis de conduire comme la plupart des jeunes laveurs, mais plutôt pour juste avoir de quoi me nourrir», s’empresse de préciser ce jeune originaire de Diourbel (centre).
Hormis le temps que lui prennent ses cours, Diap Sarr se plaint de l’attitude de certains conducteurs qui, soit ne sont jamais contents du nettoyage de leurs véhicules, soit trainent les pieds quand il s’agit de payer.
Du côté des chauffeurs, les plaintes fusent aussi. Et portent généralement sur des vols d’argent et d’objets. Ainsi, Lamine Ndiaye qui a commis un jour l’imprudence d’avoir confié pour nettoyage les clés de sa voiture à deux jeunes qui lui avaient proposé leurs services, signale avoir perdu un million de FCFA laissé dans un sac à l’arrière du véhicule.
Mamadou Sarr, un jeune commerçant, assure, lui, avoir perdu dans les mêmes conditions, une enveloppe de 50. 000 FCFA et un téléphone portable qu’il voulait offrir à sa mère.
Fataliste, Mamadou Sarr qui n’a pas porté plainte auprès de la police s’est désormais tourné vers les stations-services pour le nettoyage de son véhicule là où Lamine Ndiaye, bien que tirant un trait sur les laveurs, a déposé une plainte contre X. Elle n’a rien donné jusqu’ici…
« Ce genre d’enquête est très difficile à mener, car le client ne connait pas le laveur ou ne sait pas où il réside», reconnait le commissaire Elhadji Dramé, chef de la Sureté Urbaine du commissariat central de Dakar.
Tout en reconnaissant la recrudescence de ces cas de vol -- il cite même une plainte portant sur la disparition d’une arme à feu, subtilisée par un laveur--, El Hadji Dramé préconise la formalisation par les autorités du travail de laveur et conseille aux conducteurs de confier leurs véhicules à des gens qu’ils connaissent bien.