Les conflits découlant du découpage, dans le cadre de l’aménagement du territoire, n’ont pas encore connu un début de solution dans certaines collectivités locales. A quelques mois de l’application de la réforme entreprise par l’Etat du Sénégal, relative à l’Acte 3 de la décentralisation, les acteurs à la base sont interpelés pour la création d’un cadre de concertation entre les Collectivités locales concernées afin de favoriser un développement local harmonieux. La plupart des maires et présidents de conseil rural ne s’entendent pas sur les délimitations actuelles qu’ils jugent superficielles, car n’étant pas claires sur les tracés déterminés pour chaque collectivité locale.
A l’entrée des communes de Saly, Ngaparou et Somone, des plaques font signes de démarcation entre ces différentes collectivités locales. Chaque commune y indique, comme bon lui semble, la limite de son territoire. Mais ces repères ne sont pas pris en considération à cause de la contestation des frontières qui séparent ces terroirs locaux. Ainsi, comme partout dans le pays, ces délimitations entre les différentes collectivités locales posent problème. La tension est perceptible dans les activités de chaque commune ou communauté rurale qui conçoit sa propre superficie géographique relevant de ses compétences. Du coup, des tiraillements sont notés un peu partout, dans les départements de Mbour et de Rufisque où nous avons effectué notre reportage, en écoutant les élus locaux sur ces réformes à venir. Un tracé artificiel délimitant leurs frontières crée des querelles entre élus locaux qui s’accusent mutuellement. Ces querelles épousent les lignes de démarcation politique dans certaines collectivités locales. Lors de la création, en 2008, de 43 collectivités locales, l’ancien chef d’Etat, Me Wade, avait, dans son décret indiqué, les limites de chaque entité. Il n’y a pas d’entente entre les différents acteurs sur le terrain qui rivalisent sur des zones d’extension de leur terroir. Certains même vont jusqu’à remettre en cause les décrets présidentiels fixant les aires géographiques des collectivités locales. C’est le cas entre Ngaparou et Somone qui sont deux communes riveraines issues de la communauté rurale de Sindia et qui ne parviennent pas à trouver un point de convergence, sur leur différend frontalier. Somone et la Communauté rurale de Sindia disputent une bande de terre qui a officiellement délimité cette commune et celle de Nguékokh dans sa partie Nord. Malgré une commission commise dans ce cadre pour juguler ces mésententes, la tension règne entre les deux parties. Selon la maire de la commune de Somone, Bocar Sadji, avec la création de ces nouvelles communes du département de Mbour, les limites ont été très imprécises. Ce qui suscite de nombreux problèmes pour les reconnaître. « Car, à l’en croire, si l’on ne donne pas de repères, on peut comprendre les difficultés qu’on peut avoir par la suite à connaître les limites». C’est le cas pour ce qui concerne la commune de Somone tant convoitée et qui enregistre un fort flux migratoire occasionnant une démographie galopante. « Jusqu’au moment où je vous parle, cette question n’a pas été encore vidée. Le travail de délimitation entre Somone et Ngaparou n’a jamais été finalisé », avise M. Sadji qui apprécie l’arrivée de l’Acte III de la décentralisation dans sa rubrique à mettre aux normes les « incohérences territoriales ». Ce qui leur donnera la possibilité de réformer ou de corriger tout ce qui est fait ou qui est en train d’être fait dans l’incohérence du découpage. Ousmane Lo, le président du conseil rural de Sindia se dit favorable pour une solution à l’amiable. Il soutient avoir demandé que la commission régionale envoie sur le terrain des gens pour procéder à la délimitation. « Je suis prêt à céder Ngeurigne qui crée le problème de frontière », a-t-il dit au téléphone, depuis Mbour.
Seulement, il accuse l’ancien président Abdoulaye Wade d’avoir créé cette situation avec Somone où il avait une maison. Mais disons, c’est comme si tous les élus locaux issus des rangs de Bennoo bokk Yaakaar en veulent à leur collègue libéral qui gère les destinées de la Somone.
Somone-Ngaparou-Sindia, un voisinage difficile
La matérialisation des limites des communes est très attendue par les populations dans l’application de l’Acte III de la décentralisation. Le hic, ces manquements ne favorisent pas la convivialité entre collectivités locale. Il y a là donc une tension latente, si l’on en croit Bocar Sadji qui veut éviter les conflits entre collectivités locales. Le maire de Somone demande un véritable arbitrage sur la délimitation entre Ngaparou et Somone. Car le voisinage des deux communes est en souffrance depuis leur érection en villes. L’Acte III de la décentralisation qui, très attendu sur cette question, réglerait définitivement les litiges fonciers. Dans la zone de Mbour, chaque commune fait son tracé en fonction de ce qui lui convient. Ce qui ne cesse de provoquer des mouvements d’humeur des populations que les maires sensibilisent sur la question de ces limites territoriales. La commune de Somone est coincée au Sud par l’Océan, par la Lagune à l’Ouest, la réserve, à l’Est, la commune de Guéréo, Ngeurigne au Nord dans la communauté rurale de Sindia. Mais le décret de 2008 notifie que son extension la délimitait aux confins Nord avec la Commune de Nguékokh. Seulement, le président de la Cr de Sindia, Ousmane Lo, traînerait le pied quant au règlement pour convenir à la délimitation de leur périmètre commune. Selon Bocar Sadji, « au moment où la question n’a pas encore connu un début de solution, on est en train de procéder à la spéculation foncière et au bradage des terres ». Il estime que tous ces problèmes sont amenés par le décret pas si clair, ni concis et ni précis, dans le département de Mbour alors que dans d’autres localités, le décret fixant leur périmètre administratif ne souffre d’aucune ambiguïté. « Chacun interprète à sa manière, car si le décret était parfait, il n’y aurait pas cette zone d’ombre, mais si par concertation, on arrive à tomber d’accord sur un point de délimitation, ça réglerait le problème. Or dans cet état, on n’est pas sorti de l’auberge, puisque les discussions n’ont about à rien», concède l’édile de Somone. Selon l’adjoint au maire de Ngaparou, un consensus sur leur litige avec Somone a été trouvé. Une commission était descendue sur le terrain pour faire le travail de délimitation. D’après Gorgui Faye, il y a eu une deuxième consultation réunissant les Pcr, les sous-préfets, tous les maires des collectivités locales et le préfet de Mbour pour en discuter. « On a jeté du lest pour se retrouver sur le terrain », dit-il. Mais ajoute l’adjoint au maire de Ngaparou, il n’y a rien à discuter sur la délimitation avec Somone. « Nous allons garder la limite convenue de tous entre Ngaparou et Somone quoiqu’il arrive », a battu en brèche l’édile adjoint qui, ne souhaitant plus parler de litige avec sa voisine, ajoute qu’il n’y a plus de dialogue d’autant que le litige est tranché. «Nous n’avons pas de litiges avec qui que ce soit. Alors s’il n’est pas content de ce qui a été fait, ce n’est pas notre problème », renchérit Gorgui Faye. Le maire de Nguékokh parle d’un problème tripartite. Selon Abou Ndiaye, « dans le décret qui crée la commune de Somone, il est bien indiqué que la limite Est de celle-ci est la Commune de Nguékokh. Ils peuvent contester cela, mais en ce qui me concerne, je me réfère au décret », souligne Abou Ndiaye. Pour lui, il y a une bande que Sindia ne veut pas quitter, mais cette bande appartient à la Somone. Selon l’édile de Nguékokh, il faut que les populations sentent cette réforme, car la décentralisation permet de rapprocher les administrés de leur administration. C’est pourquoi il prône ces rectificatifs, car la réforme doit rendre heureuses les populations. « La réforme sur l’Acte III est bonne, si l’on rate son application, ça peut nous coûter très cher », a poursuivi M. Ndiaye soulignant qu’il faut un certain niveau pour discerner les problèmes qui assaillent les collectivités locales. Pour lui, la démocratie n’est pas l’anarchie et il demande à l’administration d’aider les populations à choisir leurs élus locaux capables de gérer leurs préoccupations.
Boulimie foncière
Les actes sur le foncier n’existent nullement dans la plupart des collectivités locales. C’est la rivalité entre celles-là pour conserver le maximum de réserve foncière. Ce qui explique la tension qui couve au niveau de ces terroirs et qui nécessite une réglementation judicieuse du partage de leur champ de compétence administratif. Le bureau départemental du cadastre de Mbour se trouve dans des difficultés pour trancher les litiges entre collectivités locales, mais aussi entre acquéreurs de terrain. Les responsables chargés de vérifier l’authenticité des actes soutiennent que ce sont souvent des copies présentées en lieu et place des originaux. Le bureau du cadastre de Mbour dit manquer de toutes archives sur les baux et autres titres fonciers. Il soutient ne pas disposer de délimitation entre les différentes collectivités locales et à plus forte raison la liste des attributaires. « On a recourt aux communautés rurales, mais qui nous font des photocopies », nous dit-on au Bdc. L’administration cadastrale n’est au courant d’aucun programme de lotissement dans ces collectivités locales. Pour dire que la loi du domaine national leur confère le pouvoir d’affecter et de désaffecter. Les élus locaux créent beaucoup de situations litigieuses entre acquéreurs, surtout dans la zone de Saly-Portudal. Le transfert des potentialités de la communauté rurale de Malicounda à Saly, devenue commune, n’est pas pour arranger les choses. Le bureau du cadastre de Mbour parle de ventes déguisées qui se font sans la session de la commission d’attribution du conseil communal et conseil rural. Tellement qu’il y a eu de transactions non transparentes en ce qui concerne le foncier que les litiges fonciers sont monnaie courante.
Les conflits du foncier sont partout perceptibles dans la Petite Côte, surtout entre Mbour et Malicounda. Selon Mamadou Diarra, la ville de Mbour ne peut, en aucun cas, grignoter les terres de Malicounda, puisque sa communauté rurale a déjà procédé à une ceinture pour éviter tous contentieux dans ce sens. La Cr de Malicounda a procédé aux lotissements de ses villages frontaliers avec la ville capitale départementale notamment Mbaling, Warang, Sinthiou, Pointe Sarène et Ross. Mais pour cet ancien militaire à la retraite, membre de la commission domaniale de Malicounda, il n’y a pas de problème relatif aux litiges fonciers avec une autre collectivité locale, sachant que l’avenir, c’est dans leur terroir.
L’interprétation des délimitations comme principales causes
Dans le département de Mbour, le bradage des terres est la chose la plus partagée dans toutes les collectivités locales. Le cadastre de ladite localité souligne l’absence de concertation entre les différents acteurs. Les élus locaux refusent de faire connaître leurs activités sur le domaine national à l’administration du Cadastre. Ils créent des situations conflictuelles pendantes devant le tribunal départemental de Mbour. Le bureau du cadastre nous a même montré un dossier dont il est saisi, pour arbitrage, entre un propriétaire qui a déjà construit un bâtiment avec étage. L’ancien affectataire, un administrateur civil à la retraite, demande au tribunal de le faire quitter avec sa famille et de démolir son immeuble. Difficile de concevoir de tels agissements, selon le cadastre qui ne pense pas aller dans ce sens. Ce sont des cas de litiges fonciers similaires innombrables qui attendent de connaître leur sort au tribunal départemental de Mbour.
Le bureau du cadastre de Mbour soutient également que les collectivités locales procèdent à des lotissements sans le saisir. C’est le cas dans les zones litigieuses entre Somone et Sindia. Une situation complexe qui permet à Bocar Sadji d’alerter tous les services départementaux du domaine national sur l’irrégularité de ces lotissements et ventes de terrains. « Les gens sont en train de procéder aux lotissements irréguliers dans ces zones litigieuses de Somone, notamment au Nord, à la frontière avec Nguékokh, que Sindia refuse de céder. Ces lotissements ne sont donc pas intégrés dans aucun plan d’urbanisation », fait remarquer le maire, selon qui, « ni les autorités administratives, ni les services de l’urbanisme et du cadastre ne sont au courant de ces activités ». Selon Bocar Sadji, il se passe une boulimie foncière dans la zone de Somone au Nord à la frontière avec Nguékokh. Une situation inacceptable, si l’on en croit l’édile qui relève que cela se fait avant qu’on ne vienne à la délimitation, c’est-t-à dire qu’il y a une spéculation déjà existante ». Pour le maire de Somone, il y a une volonté de mettre fin à la spéculation foncière de sa commune depuis qu’il a obtenu l’autonomie de gestion. Une sommation a d’abord été notifiée pour l’arrêt de ces lotissements, mais après, elle a été levée permettant la poursuite des activités. Ce qui irrite l’édile de Somone qui n’entend pas baisser les bras. Dans le département de Mbour, on évoque l’occupation anarchique de l’espace et du domaine national. Pour preuve, le tracé de l’autoroute Mbour-Diass souffre de cette situation, non réglementaire, d’attribution du foncier par les collectivités locales. Le chef du cadastre de Mbour avertit qu’un litige foncier peut être rattrapé même cinquante ans après. Aucune localité n’est épargnée dans la Petite Côte sur les nombreux litiges fonciers. Le bureau du cadastre demande aux autorités de se rapprocher des services techniques pour le traçage délimitant les différentes collectivités locales pour éviter les interprétations en fonction des intérêts personnels ou politiques, sources de conflits. C’est parce que les textes sont imprécis, d’après les spécialistes du cadastre de Mbour, que chaque collectivité locale les interprète à sa manière.
Remises en cause de la délimitation
Mais aujourd’hui, ces limites sont remises en cause. Ce sont des dénonciations qui fusent de partout sur le bradage du foncier sur ces terres litigieuses. On parle de limites non clairement identifiées, absence de réserves foncières dans les communes, découpage souvent influencé par des soubassements politiques, défaut de communication entre administration locale et administrés, enclavement de certaines localités par rapport au chef-lieu de la collectivité locale, lenteurs dans les approbations des projets de lotissement, priorisation de l’intérêt individuel ou zonal sur celui collectif et absence de cadastre rural. Ce qui a installé une controverse au détriment des populations qui ne savent plus à quel élu se fier. Ainsi, dans leur cohabitation, les élus locaux se regardent en chien de faïence même au cours de leurs rencontres au chef de lieu du département de Mbour. Les conséquences de cette situation sont aussi de la même ampleur avec les multiples conflits fonciers entre collectivités locales et au sein d’une même entité locale. Les élus du département relèvent l’occupation anarchique de l’espace conduisant souvent à l’obstruction des voies publiques ou d’eau. Face à ces manquements, l’Etat a du pain sur la planche notamment dans le département de Mbour où il existe une véritable spéculation foncière mettant en conflit les différentes collectivités locales. Et une commune ne doit pas disputer de terres à une communauté rurale, selon une circulaire étatique. Parlant du découpage, Mamadou Diarra, membre de la commission domaniale à Malicounda, soutient que les communautés rurales n’existent qu’au Sénégal. Même s’il exprime son approbation sur la communalisation intégrale devant effacer ces entités exclusives à notre pays. M. Diarra précise que cette initiative a des avantages et des inconvénients. Pour l’instant, à l’en croire, le président de la République a précisé qu’il n’y aura pas de redécoupages des délimitations actuelles des collectivités locales. Ainsi, selon lui, le jour où l’on reprendrait des découpages, il y aura forcément des grincements de dents avec des collectivités lésées par rapport aux autres. « Nous attendons de voir ce que cela va donner et j’estime qu’il y aura beaucoup de tiraillements, au sein même des populations de certains villages qui voudraient aller rejoindre telle ou telle commune au moment où la correction les verse quelque part », relève-t-il, estimant que dans sa communauté rurale, le sentiment est qu’il n’y aura pas de découpages à l’avenir.
Des découpages politiques dans la banlieue de Dakar
Les politiques sont très indexés dans leur immixtion sur les découpages entrepris par l’ancien régime du président Wade. Depuis mai 2011, l’ancienne communauté rurale de Sangalcam, dans le département de Rufisque, a été partagée en quatre collectivités locales toutes administrées par des délégations spéciales. Il y a les communes de Sangalcam, Diakhaye, les communautés rurales de Bambilor et de Tivaouane Peulh. Pour les responsables, les litiges relatifs au découpage administratif sont dépassés, même si pour se développer, il faut disposer d’un espace viable. A la commune de Sangalcam et comme à la communauté rurale de Bambilor, dans la lointaine banlieue dakaroise, on vit plutôt dans des difficultés à cause des découpages opérés par l’ancien régime. Comme partout ailleurs à travers le pays, les collectivités locales soutiennent que les administrateurs civils se sont mêlés à la danse pour donner leur propre cartographie en lieu et place des techniciens. Et cela, malgré les objections des techniciens sur le terrain, rien n’a été pris en compte par les régimes successifs. Ce sont souvent des sessions houleuses entre élus locaux et techniciens contre les administrateurs territoriaux que l’on accuse de connivence motivée par des intérêts non avoués. Pour le président de délégation spéciale de la communauté rurale de Bambilor, l’ancienne communauté rurale de Sangalcam ne devrait pas être découpée en quatre collectivités locales. Selon Ndiagne Diop, ce n’est pas responsable de faire de celle-ci une commune à trois villages. A l’en croire, le découpage nécessite des études préalables de terrain. « Seulement, ce n’était pas des découpages concertés, mais politiques. Et cela a conduit à des incohérences dans les communes d’arrondissement comme c’est le cas à Rufisque », précise-t-il. Ajoutant ainsi : « ce ne sont pas des découpages qui nous permettent, aujourd’hui, d’en parler objectivement, parce que cela n’a pas été fait dans les règles de l’art ». Le président de la délégation spéciale de Sangalcam abonde dans le même sens, martelant lui aussi, que « cette scission n’a pas été faite dans les règles de l’art, c’est-à-dire en tenant compte de l’avis des populations et celui de l’ancien conseil rural ». Car selon Oumar Guèye Junior, il y a des disparités incompréhensibles qui ne militent pas en faveur du rapprochement entre populations et administration. Il clame que des situations litigieuses sont entraînées par des politiques dans les découpages de certaines localités mises dans une posture enclavée de leur zone d’administration. « On quitte Kounoune, puis Keur Ndiaye Lô pour ensuite traverser toute la commune de Sangalcam pour entrer encore dans la communauté rurale de Bambilor, située de l’autre côté. Ne serait-ce que sur ce plan, ça a été mal fait », a dit le maire délégué de Sangalcam. Le président de la délégation spéciale soutient qu’il n’y a pas de tracés lisibles délimitant chaque collectivité locale. « Il y a toujours des conflits relatifs à la délimitation et il n’y a pas de commission pour trancher », note-t-il, ajoutant qu’« il y a évidemment parfois des conflits avec nos voisins et en tant que président de la délégation spéciale de la commune, je ne suis pas en mesure de dire exactement où se limite ma commune, entourée de part et d’autre par la communauté rurale de Bambilor ». Ainsi, avec deux petits villages, en plus de Sangalcam, la commune se sent lésée par ce découpage. « Nous avons des problèmes pour trouver le juste équilibre financier de notre fonctionnement », relève Oumar Guèye Junior. C’est pourquoi il parle de disproportion sur le plan population et superficie dans ces quatre collectivités locales. Un sentiment partagé par le président Ndiagne Diop de Bambilor qui soutient que ces collectivités pourraient être regroupées en deux entités. La conséquence de cette situation sur les collectivités locales, ce sont des difficultés pour survivre et s’en sortir, faute de ressources adéquates et disponibles. « C’est dans les grands ensembles qu’on peut réussir notre développement pour un Sénégal émergent », concède-t-il, évoquant l’ère de la mondialisation qui, pour lui, est la seule alternative des grands bonds en avant.
Correction des incohérences attendue sur l’Acte III
L’aménagement du territoire a laissé beaucoup d’incohérences si bien que les élus locaux ne savent plus à quelles populations se vouer dans leurs initiatives. Une situation que les responsables locaux décrient et ne cessent de dénoncer en y voyant des intérêts partisans. « Il faut rectifier ces incohérences qui ne favorisent pas le développement humain », ajoute Oumar Guèye Junior. Partout sur le territoire national, le phénomène est identique. Les pauvres populations sont obligées de voyager pour chercher un acte administratif et parfois sans moyens de transport pour se rendre dans ces localités. Ceci étant, ce sont les politiciens qui ont travaillé sur les découpages en lieu et place des techniciens de l’aménagement du territoire. « Nous attendons beaucoup de l’entrée en vigueur de l’Acte III de la décentralisation pour apporter ces corrections notamment sur les délimitations », soutient Bocar Sadji, le maire de Somone. Mais pour la plupart des maires et élus locaux de Mbour, il faut laisser les techniciens de l’administration procéder à la délimitation des découpages des collectivités locales et non des gens non qualifiés en la matière. Quiconque peut venir dire, voilà, cette commune s’arrête là, en fonction de son bon vouloir. Dans la même foulée, le maire de la commune de Somone ajoute que « notre pays pourrait aller de l’avant, si l’on a une administration forte, c’est-à-dire, qui puisse recadrer les uns et les autres, dans le seul intérêt général et non particulier ». Ainsi pour le maire de la Somone, les propositions fusaient en faveur d’une fusion des communes Somone et Ngaparou en une seule entité communale. Mais elles ont été vite balayées par les conseillers et puis par les populations de ces deux collectivités locales. Ce qui constituerait, aux yeux des acteurs, un recul et qui n’arrangerait pas les populations de ces deux localités qui veulent avoir leurs villes respectives. C’est pourquoi, la commission régionale sur l’Acte III de la décentralisation a demandé l’application stricte, conformément au décret de 2008. Le maire adjoint de la commune de Ngaparou limitrophe, de part et d’autre, de Saly-Portudal et de la Somone soutient que les réformes sur la décentralisation sont précipitées. Selon Gorgui Faye, cela devrait nécessiter des discussions d’abord avant de passer à l’Acte III. « Il fallait que les parties prenantes puissent s’asseoir et discuter sérieusement pour ne pas rater le coche comme ce fut le cas des autres Actes du processus de décentralisation », retient-il, convaincu qu’il fallait le temps nécessaire pour discuter des réformes à venir. Mais là, le temps presse et le Sénégal a besoin de rattraper son retard dans ce domaine, malgré les nombreuses incohérences décriées dans la plupart des collectivités locales. Si l’on prend comme exemple la communauté rurale de Sindia, d’abord non seulement elle est très vaste, mais elle comporte des incohérences comme celle de Malicounda. Elle fait l’objet de polémiques avec les communes érigées qui dépendaient d’elle. Le village de Gandigal est situé derrière Nguékokh qui est une commune.
Les villages de Ngary, Ndioro, Sinthiane, qui sont à trois voire cinq kilomètres de Ngaparou et qui sont rattachés à Sindia, alors qu’ils sont très loin du chef-lieu de la communauté rurale. Gorgui Faye clame haut et fort, dans une démarche inclusive que, dans ces villages, il fallait organiser des débats pour écouter les populations. « Il est plus cohérent, plausible et plus intelligent que ces gens se réveillent dans leur village pour aller faire un acte administratif à Nguékokh que de se rendre à Sindia en parcourant plusieurs kilomètres », dit l’édile adjoint qui insiste sur le fait que les gens ne sont pas informés du contenu des prochaines réformes. C’est pourquoi, il déclare que cette information précipitée n’est pas partagée pour déceler la quintessence. « Ce sont les chefs de village et les maires qui ont été consultés, qui ont donné leurs avis sans ceux des populations », souligne M. Faye.
L’Acte III très apprécié par les collectivités locales
L’idée du président de la République de créer des pôles économiques est très appréciée par les responsables locaux. Comme il en a fait pour la Casamance, ils pensent que cela doit s’accélérer pour l’ensemble du territoire pour uniformiser le développement au lieu de laisser des écarts entre localités, comme le pays en connaît. Selon le président de la délégation spéciale de la communauté rurale de Bambilor, le pôle Dakar pourrait aller jusqu’à Thiès et aussi faire revenir les anciennes appellations comme Sine-Saloum. Ndiagne Diop déclare que « tout le mal qu’on est en train de vivre, est dû à l’héritage du président Wade ».
Toutefois, la phase de l’Acte III n’a pas été suffisamment expliquée aux populations. L’adjoint au maire de Ngaparou souligne que sa commune n’a pas les moyens de ses ambitions dans l’Acte III de la décentralisation. Ce qui n’est pas sans conséquence dans l’exécution de ce programme. Gorgui Faye suggère la tenue des forums pour mieux informer les populations pour que chacun puisse prendre sa responsabilité et ses décisions en toute connaissance de cause. Pour Abdoulaye Ndione, adjoint au président du conseil rural (Pcr) de Ndiass, cette étape est un processus supplémentaire de la décentralisation. « Ça doit être une évolution dans la mesure où l’Acte III consiste en la communalisation universelle et permet de réparer les inégalités entre communes et communautés rurales », explique-t-il. L’Acte III a pour mission de recadrer le développement territorial. Selon lui, le président Sall, en lançant ces réformes, a non seulement approfondi cette touche, mais apporte sa touche révolutionnaire. La communalisation intégrale va briser les clivages entre ruraux et urbains. Ainsi à Ndiass, il y a eu une perception très tôt des opportunités offertes par l’Acte III. M. Ndione saisit l’occasion pour féliciter les populations qui l’ont compris, de manière spontanée, ces réformes, en y adhérant. L’adjoint au Pcr de Ndiass rend un vibrant hommage à l’Etat pour cette orientation. D’autant plus que l’environnement de son terroir change avec l’implantation des entreprises de toutes sortes qui constituent un pôle d’attraction économique pour tout le pays. L’aéroport international Blaise Diagne explique cet enjeu national et international de regroupement de toutes sortes d’activités. Ndiass est alors sur orbite et est à la croisée des chemins comme le souligne son Pcr adjoint qui soutient que sa localité est en phase de devenir le pôle de désengorgement de Dakar. Ce qui fait que la demande sur le foncier monte crescendo.
La contestation du décret d’extension de l’Aibd
La communauté rurale de Diass n’a pas de conflit avec ses voisins, puisque les conseillers ruraux appellent cela des observations faites par-ci et par-là. En effet, sur la base d’une délibération par la commission, un périmètre devrait être reversé par-là, alors qu’il est intégré dans l’autre côté, ce sont des conflits très minimes qui ont été réglés. Ceux-là minimisent ces litiges les concernant. « Par exemple, entre Diass et la communauté rurale de Keur Moussa, puis avec Yenne et Popenguine qui nous a été défalquée en 2008, puis avec Sindia, ce sont des situations qui sont circonscrites et réglées par entente directe et même par l’acceptation entre collectivités locales. A Diass, on soutient qu’il peut y avoir des arrangements, mais aussi le bon voisinage fait que celles-là peuvent faciliter la tâche à l’Etat qui va s’atteler à des réformes majeures. Ceci dit, la communauté rurale de Diass n’a pas de litige territoriale avec une autre collectivité locale voisine, mais bien avec l’Etat. Même si, selon l’adjoint au Pcr, « on ne conteste pas un décret présidentiel, mais il y a des délais pour son application avec son vote à l’Assemblée et sa promulgation au journal officiel».
En revanche, Diass conteste et se demande comment remettre en cause le décret d’extension de l’aéroport international Blaise Diagne. Le conseil rural pense que la superficie occupée est énorme. Puisque pour Abdoulaye Ndione, le conseil rural ne connait, pas jusqu’à présent, les limites de l’aéroport qui restent très floues. « On ne dort pas tranquille. On veut être sécurisé », dit-il. Après la délibération du conseil rural, affectant une partie de ses terres à celui-ci, il y a eu cet acte présidentiel qui fait jaser les populations de cette collectivité locale non contente de perdre leurs terres cultivables. Selon Fatou Ndione, conseillère et agente du développement rural, seul le conseil est habilité à affecter des terres. Mais le décret d’extension est venu hypothéquer leurs terres au grand dam des populations qui ne savent plus où pratiquer leurs activités agricoles. « Par le jeu des décrets, Diass a perdu presque toutes ses terres », décrie-t-elle, s’interrogeant sur un acte pareil qui peut affecter des terres du domaine national en lieu et place de son conseil habilité à délibérer en étant dans ses prérogatives.
Elle cite également la zone économique votée par l’Assemblée nationale se trouvant dans leur périmètre rural. Il s’agit, pour les conseillers de la communauté rurale de Diass, d’une problématique litigieuse que leur a léguée l’ancien régime libéral. « Nous sommes parvenus à harmoniser nos différends concernant les délimitations frontalières avec les collectivités locales voisines, mais nous avions un conflit avec les décisions de l’ancien pouvoir qui avait déclassé les forêts pour les occuper. « Cela me touche terriblement », a indiqué Fatou Ndione.
L’inquiétude demeure dans les esprits des conseillers ruraux qui soulignent la création d’une haute autorité de la zone économique. Un pouvoir qu’ils estiment poser des problèmes sur le foncier et les conséquences sur la pollution industrielle. Le conseil rural suggère ainsi un plateau urbain à Diass avec un type d’industries adapté à la cohabitation avec les populations.
Toutefois, pour l’adjoint du Pcr de Diass, des arguments ont été avancés pour que le décret soit revu et corrigé. Il demande plus de réflexions sur cette situation pour l’avenir de la collectivité locale qui redoute d’être rayée de la carte nationale.
En attendant, les collectivités requièrent la mise en route d’une large concertation pour trouver le juste équilibre territorial en mesure d’offrir à chaque entité les moyens de sa politique socioéconomique, au bénéfice des populations.
Par Cheikh Malick COLY (textes) et Ndèye Seyni SAMB (photos)