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Vote loi finances rectificatives (Lfr) 2019: Tribulations d’une baisse annoncée
Publié le mardi 2 juillet 2019  |  Enquête Plus
Christine
© aDakar.com
Christine Lagarde a tenu un discours devant la Représentation Nationale
Dakar, le 30 Janvier 2015 - La Directrice Générale du Fonds Monétaire International s`est adressée aux députés Sénégalais. Christine Lagarde a été reçue à l`Assemblée nationale par le président Moustapha Niass.
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Les députés ont adopté hier le projet de loi N°10/2019 portant loi de finances rectificative dont les ressources et charges baissent de 83 milliards par rapport à la Loi de finances initiale. La dernière séance de la session ordinaire unique a été tumultueuse.

‘‘Deal bi foofu leu, vote sans débat’’, ironise le député de l'opposition Nango Seck dans un rire contenu avec un de ses camarades. Quelques minutes plus tôt, le président du groupe parlementaire Bby, Aymérou Gningue, avait invoqué l'article 63 du règlement intérieur pour requérir une suspension de séance et permettre à son groupe de se retirer pour une concertation. Des rumeurs sur un probable vote sans débat agitent les couloirs de l'Assemblée pour avaliser la loi des finances rectificative (Lfr). D'autant plus que le poil-à-gratter sur les questions budgétaires, le député de l'opposition Ousmane Sonko, signait son retour dans les travées de l'Hémicycle. D'ailleurs, le député Yaya Sow qui a ouvert les débats a attaqué derechef le leader de Pastef en des termes peu engageants. Finalement les députés regagnent leur place à 13h05. Il n'était pas question d'un vote sans débat, mais d'un boycott pour le temps de parole de leader de Pastef, en guise de réciprocité de sa défiance envers le Parlement.

''Je crois qu'on me facilite la tâche, parce que je n'étais pas venu parler à une majorité transparente qui ne comprends rien des enjeux. Je viens m'adresser au peuple, ainsi qu'au gouvernement, à travers son ministre. L'air est moins polluant, quand nous avons une salle dépouillée d'une majorité qui ne comprend rien à ces enjeux'', a lancé Ousmane Sonko. Des piques en-veux-tu-en-voilà qui ont émaillé la journée d'hier marquant le dernier jour de la session ordinaire à l'Assemblée. Sonko, qui a quitté après son discours, n'a pas boudé son plaisir de taper sur le ministre des Finances, du Budget et du Plan.

Les ressources et les charges de la Lfr ont chuté par rapport à la Lfi, puisqu'elles passent de 4071,77 à 3988,63 milliards soit 83 milliards de moins. Une baisse des prévisions budgétaires qui avaient été annoncé par l'ancien inspecteur des Impôts. ''Il y a deux semaines, j'ai fait une conférence de presse pour annoncer un gap de 100 milliards sur les recettes fiscales, vous aviez fait un communiqué pour démentir. Aujourd'hui, vous venez confirmer, en mettant dans votre Lfr une réduction de 100 milliards. C'est extraordinaire ! Vous projetez même que cela pourrait dépasser les 300 milliards, si aucune mesure corrective n'est prise. Ce que vous ne ferez pas, à cause de la politisation excessive d'une administration fiscale qui ne travaille plus'', s'est défoulé Ousmane Sonko, titillant littéralement ADD.

Un resserrement budgétaire que le ministère et la majorité ont expliqué par les tensions géopolitiques au Proche Orient où le conflit larvé entre les Usa et l'Iran, la guerre commerciale entre Usa et Chine, posent les jalons d'un futur choc pétrolier, potentiellement redoutable pour notre économie encore dépendante des énergies fossiles. Là également les pouvoirs publics ont donné le bâton pour se faire battre. ''Les raisons que vous avez avancées pour justifier la Lfr sont fallacieuses. Vous invoquez la conjoncture internationale. Ça fait longtemps qu'on vous dit que la croissance est conjoncturelle et non structurelle et qu'il suffit que le baril du pétrole hausse pour que vous vous en rendiez compte. On en est là'', renchérit Sonko.

La réponse du ministre des Finances tombera sèche. ‘‘La croissance n'est pas conjoncturelle. Elle ne peut l'être, car pendant 6 ans, elle est à +6% et nous parler de conjoncture. Si ça avait été 2% une année, 5% l'année suivante et 3% l'année d’après’’, s’explique Abdoulaye Daouda Diallo.

‘‘Aucune autre révision de prix n'a été autorisée par le Président’’

Mais le président du Pastef n'a pas été le seul désagrément pour la majorité pour qui la question du pétrole et du gaz a naturellement interféré dans les débats. Déthié Fall est d'avis que la ‘‘désertion édictée par Macky Sall lui-même à ses directeurs généraux de s'impliquer dans la campagne électorale’’ est pour quelques chose dans ce gap budgétaire. ''Dites au président de la République que les Sénégalais souffrent de ses errements'', explique-t-il. Aida Mbodji estime, avec la hausse des prix d’hydrocarbures, que le ''gouvernement a eu la main trop lourde pour les Sénégalais''. Woré Sarr, Aminata Kanté (non inscrite), Mor Kane n'en ont pas mené large.

La hausse étant déjà actée, ces parlementaires ont exigé une garantie pour la stabilisation des prix des denrées de première nécessité, des mesures d'atténuation pour les pêcheurs et les agriculteurs qui se familiarisent petit à petit avec l'électricité. ''On ne va pas vers la pauvreté, mais l’extrême pauvreté, si rien n'est fait'', pronostique Aida Mbodji. Une prévision pessimiste que Daouda Diallo a dissipée, avec l’annonce de mesures d’accompagnement. Pour montrer que ces mesures ne toucheront pas que le consommateur, des mesures sur le téléphone et le carburant des administrations devraient bientôt entrer en vigueur.

Les prix du sucre, le gaz butane, l’huile, le lait en poudre, la farine, la tomate, subventionnés depuis 2012, devraient être stabilisés à leur niveau actuel. ADD estime même que la hausse de prix sur le carburant n'a pas été appliquée dans son intégralité, sans compter que le fuel pour les pirogues n’est pas concerné. ‘‘Aucune autre révision de prix n'a été autorisée par le Président Sall (...) Le chef de l'Etat est soucieux de préserver le pouvoir d'achat. On est encore très loin du prix du marché, malgré cette hausse’’, a-t-il défendu. Aminata Kanté, non inscrite, ne comprend pas que l’Etat ne tape pas assez fort sur certaines niches comme la Sonatel ou Senac ; ou une taxe sur l'alcool et le tabac, alors que le consommateur est soumis régulièrement à la pression fiscale qui est intenable.

Les autres députés de l’opposition se sont également demandé où sont passé les 7356 milliards du groupe consultatif de Paris. ‘‘En réalité vous avez perdu le crédit et la confiance des bailleurs, à cause de deux choses : d'abord l'endettement chronique qui était de 2741 milliards en 2012, soit 40% du Pib, aujourd'hui, vous avez dépassé 6000 milliards, soit 61%. Sans compter que les performances économiques dont vous vous vantez sont surfaites’’, fait remarquer Sonko. Daouda Diallo estime, au contraire, que c’est un signal de la bonne signature du Sénégal qui a plutôt reçu 7700 milliards.

La Présidence en hausse, l’Assemblée aussi.

Comme il fallait s'y attendre les tensions ont entrecoupé la séance venant de la majorité, notamment troublant la motion préjudicielle du chef de la majorité de l'opposition qui dénonçait la pression fiscale qui écrase les imposables. Serigne Cheikh Mbacké de proposer l'ajournement des débats, à cause du délai court ''de trois jours'' pour la consultation des documents. D’après lui, si la Lfr revu à la baisse les prévisions de Lfi, elle a grossi pour la présidence passant ainsi à ‘‘10 milliards 299 millions, alors qu'elle était initialement de 4 milliards’’. Une somme astronomique qu’a rejeté le ministre. Daouda Diallo n’a pas répondu spécifiquement sur les fonds alloués à la Présidence et à l’Assemblée. Tout juste a-t-il consenti à dire qu’il y a une baisse de 309 millions annuels, depuis 2012 par rapport aux 90 milliards 750 millions du régime libéral. Mais dans le projet de loi, cette augmentation du budget pour les deux institutions est bien répertoriée sans le montant.

L’Autorité de régulation des télécommunications et postes (Artp) et les projets de l'ex-primature passés sous la tutelle de la Présidence sont à l'origine de cette hausse. ''Les explications du ministre sont bancales. Peut-être que c'est dû au fait qu'il n'y sait rien, car il vient juste d'arriver, qu'il n'a pas le temps de se familiariser avec les dossiers'', ironise le président du groupe parlementaire libéral, Serigne Cheikh Mbacké, dans sa motion préjudicielle. Il doute de la volonté de l'Exécutif à vraiment vouloir collecter les fonds perdus sur des dossiers comme Petro-tim, Prodac et Arcelor Mital, puisque les demandes d'enquête parlementaire concernant ces cas sont systématiquement rejetées.

Sur l’affaire Mittal, toutefois, le ministre de des Finances lui fera remarquer que le régime libéral à fait perdre 102 milliards de Fcfa en actes de frais et contentieux, alors que l’actuelle équipe a recouvré 153 milliards de quatre sociétés dont Arcelor Mittal, Dpw, le reprise de Sonacos, et Millicom.

‘‘Le programme d’ajustement structurel, c’est terminé !’’

Les rêves d’émergence seront-ils mis en veilleuse, avec le pouvoir d'achat menacé ? Se dirige-t-on vers un déficit public plus accru et éventuellement vers un ajustement structurel ? ‘‘C'est de l'histoire ancienne, puisque ça date des années 1980 et 1990 et que le Sénégal est aujourd'hui loin de cette situation'', explique l’argentier de l'Etat. Pour ADD, il n'y a pas le feu, puisque les projections de l'encours de la dette, pour la fin décembre 2019, représente 51,5% contre une norme communautaire fixée à 70%. D’après M. Diallo, tous les agrégats qui peuvent mener à cet extrême sont loin de voir rouge. Le taux de croissance est passé de 1,8 à 7%, en sept ans et continue d'augmenter ; le déficit budgétaire est à 3% ; l'inflation est aux alentours de 2% ; et le Sénégal fait partie des 5 pays de 55 pays de l'UA à risque de surendettement faible.

‘‘Le programme d'ajustement structurel c'est terminé ! Il faut extirper cela de votre vocabulaire’’, a-t-il lancé à l’endroit du chef du groupe parlementaire Libéraux et Démocrates qui lui savonnait la planche sur cette question. Mais ces projections optimistes sont balayées d’un revers de la main par Sonko, suivant la nouvelle nomination à la Cdc. ''L’administration fiscale enchaine deux, trois années de gap à 100 milliards et on nomme le responsable à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, après l'avoir donnée au petit-frère qui a fait n'importe quoi''. Une position contre laquelle ADD estime le jugement du député hâtif. ‘‘Les performances de l'administration fiscale méritent des félicitations, il faut reconnaitre le grand bond de ces services. On ne peut pas à faire du budget à partir des actes réglementaires’’, a-t-il répondu.
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