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Dr Cheikh Tidiane Dièye, membre de “Aar Li Ñu Bokk“: ‘’Le peuple ira chercher la justice partout dans le monde s’il ne la trouve pas au Sénégal’’
Publié le vendredi 28 juin 2019  |  Enquête Plus
Rencontre
© aDakar.com par SB
Rencontre sur les enjeux et implications de la zone de libre-échange africaine pour la CEDEAO
Jeudi 26 juillet 2018. Dakar. Une rencontre sur les enjeux et implications de la zone de libre-échange africaine pour la CEDEAO s`est tenue, en deux jours, à Dakar. Photo: Dr Cheikh Tidiane Dièye, Directeur exécutif de “Enda CACID“
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Figure emblématique de la plateforme Aar li nu bokk, le Dr Cheikh Tidiane Dièye s’illustre depuis l’éclatement du scandale à 10 milliards de dollars impliquant le frère du président de la République, à travers ses prises de position. Dans cet entretien accordé à EnQuête hier, il revient sur les contours de cette bataille engagée pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Il n’a pas manqué d’avertir les autorités étatiques sur leur ferme volonté d’aller chercher la justice partout où ils peuvent la trouver pour qu’enfin, les ressources naturelles du pays, puissent bénéficier aux générations présentes et à venir.

La plateforme Aar li nu bokk a décidé de venir en renfort le G7 dans sa marche de demain vendredi. Pourquoi ?

Nombre de ces organisations ont adhéré à la plateforme Aar Li Nu Bokk. C'est pourquoi nous avons choisi de mutualiser toutes les forces pour une marche historique. Le combat est le même. Si nous reprenons nos milliers de milliards volés, on ne parlera plus de problèmes dans l'éducation, dans la santé ou dans d'autres secteurs. Nous irons répondre à l'invitation des forces sociales qui regroupent des syndicats de travailleurs et plusieurs forces vives qui marcheront le vendredi 28 juin sur l’Avenue Bourguiba. Nous avons lancé un appel à une grande mobilisation de tout le peuple pour prendre part, avec nous, à cette marche.

Une contre-manifestation d’une plateforme regroupant des jeunes de Guédiawaye est en gestation. Ne redoutez-vous pas des échauffourées ?

S'il y en a, elle ne viendra pas de nous. Nous avons donné la preuve de notre capacité à gérer nos manifestations et à leur donner un caractère pacifique. Pour le reste chacun est libre de créer son organisation et de manifester pour ceci ou cela.

Le frère du président de la République, Aliou Sall a rendu lundi sa démission de la Caisse des dépôts et consignations, suite à la publication du scandale à 10 milliards de dollars diffusé par la BBC. Quelle lecture faites-vous de cette démission ?

Je précise que la chaine britannique n'a d'ailleurs fait que reprendre et confirmer ce que de nombreux Sénégalais avaient dit pendant des années. Elle a rajouté des éléments nouveaux au scandale, en donnent plus d'épaisseur à la spoliation des ressources du Sénégal et en jetant une lumière crue sur des actes de corruption qui pourraient avoir été commis. Nous avons pris acte de la démission de l'un des protagonistes de cette affaire. Il reste maintenant à la justice de faire son travail avec diligence et en respectant scrupuleusement toutes les lois de la République. Il faut que chacun sache que nul ne peut être au dessus de nos lois et que la proximité familiale ou politique avec le Président de la République ne sera plus une garantie d'impunité. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour que ce Sénégal là soit renvoyé à l'histoire.

Selon vous, qu’est-ce que cela peut changer dans la situation actuelle où la pression est maintenue sur le régime ?

Il ne s'agit pas de pression à mettre sur le régime ou sur quelconque de ses acteurs. Il y a seulement que, des citoyens qui refusent de se rendre complice, par leur inaction, de la corruption qui gangrène leur pays, de la déchéance morale de leurs leaders et de la spoliation de leurs richesses, se sont levés pour dire stop! Si la mobilisation du peuple, qui ira sans doute crescendo, peut amener les autorités impliquées dans ces sombres affaires à comprendre qu'elles n'ont aucune autre issue que de rendre la justice et de faire éclater la vérité, alors ainsi soit-il.

Cette démission peut-elle participer à desserrer l’étau autour du président de la République, Macky Sall, qui semble acculé, depuis l’éclatement de ce scandale ?

Le président de la République verra lui-même, s'il y a un étau autour de lui et, le cas échéant, si cette démission pourrait le desserrer. Nous lui posons seulement des questions simples dont nous sommes sûrs qu'il a les réponses : livrer tous ceux qui sont cités dans ces affaires à la justice, renégocier les contrats léonins signés, puisqu'il a dit lui-même, lors de la campagne électorale, que les contrats seront renégociés, et recouvrer les milliers de milliards volés au peuple sénégalais. Il lui suffit d'ailleurs, pour cela, de déclassifier le rapport de l'Inspection générale d'Etat, de suivre à la lettre les recommandations qui y sont formulées et de demander à son Procureur d'exploiter des rapports que l'OFNAC lui a transmis, depuis plusieurs années, et sur lesquels il semble s'être endormi.

Cette démission fait suite à la sortie du ministre en charge de la communication du président de la République, El Hadji Hamidou Kassé sur Tv5. Le régime ne cherche-t-il pas à couler le frère du président de la République pour se libérer de ce scandale ?

Si c'est le cas, cela serait une preuve de plus du manque de sérieux dans lequel les institutions de l'Etat sont tenues. Un régime sérieux ne devrait pas chercher à couler quelqu'un en utilisant de tels procédés. Il suffit tout juste de laisser la justice travailler librement sans entraves pour que la vérité éclate. C'est d'ailleurs un procédé totalement contreproductif, puisque la personne que l'on chercherait à couler n'est qu'un maillon sur une longue chaine de responsabilités qu'il faudra forcément assumer. Ce scandale est un amalgame de faits qui pourraient être constitutifs de délits comme la corruption, le conflit d'intérêt, le trafic d'influence, le délit d'initié, le népotisme, le faux en écriture publique, etc. C'est un écheveau qu'il faudra démêler. Et seule une justice indépendante pourra faire ça. Le peuple ira chercher cette justice partout dans le monde, s'il ne la trouve pas au Sénégal.

Comment appréciez-vous la communication gouvernementale par rapport à cette affaire ?

Je n'ai pas d'appréciation sur la communication du gouvernement. Je n'attends plus grand-chose de gens avec qui je me suis battu de 2011 à 2012 pour des principes de gouvernement et pour une certaine éthique de la République, mais qui aujourd'hui trahissent tout ce à quoi ils donnaient l'impression de croire. Je n'attends rien d'eux.

Pensez-vous que cette démission puisse libérer Aliou Sall des attaques dirigées contre lui depuis l’éclatement de cette affaire ?

Je ne saurai parler pour les autres. Mais pour ma part, et pour celle de la plateforme ‘’Aar Li Nu Bokk’’, il n'y a jamais eu d'attaques personnelles contre lui. Nous ne le citons même pas dans nos écrits. Notre combat porte plus sur les principes que sur les personnes.

Finalement, est-ce que la pression populaire exercée sur le régime, sur le président de la République et sur sa famille n’est pas en train de faire ses effets ?

J'ai déjà dit que nous ne cherchons à mettre la pression sur personne. Nous agissons pour que nos lois et règlements soient respectés et appliqués, dans une impartialité complète et qu'aucun Sénégalais ne puisse se croire au dessus des lois, fut-il frère, beau-frère, ami ou proche d'un Président. Nous devons nous battre pour que la République soit restaurée dans toute sa plénitude. Rien ne justifie l'invasion de l'espace de la République par la famille du Président. Il n'y a qu'en Afrique qu’on retrouve encore de telles tares. Ceux qui profitent de la parenté pour s'accaparer des ressources publiques doivent se préparer à en payer les conséquences. Le Sénégal ne sera pas réduit en ces Républiques bananières qui font honte à toute l'Afrique.

En démissionnant, le frère du président de la République a juré sur le Saint Coran qu’il n’a reçu aucune commission venant de Timis corporation. Qu’en pensez-vous ?

Je n'ai aucun commentaire là-dessus. Je voudrais tout juste rappeler que nous sommes dans une République et le seul endroit où on devrait jurer, lorsqu'on est accusé d'être trempé dans un scandale de corruption, c'est devant un juge, en levant la main et en jurant de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Vous a-t-il convaincu en jurant la main sur le Coran ?

Je ne me laisse point émouvoir par ce genre de comédie. Je ne me laisse persuader que par mes propres raisons. Pas celles des autres. Et puis s'il suffisait de jurer sur le Coran pour être innocent, il ne resterait plus personne dans les prisons.

Aliou Sall dénonce de fausses accusations et une cabale contre lui simplement, dit-il, parce qu’il est le frère du président de la République. Qu’en pensez-vous ?

Moi, je ne connais pas de frère de Président. Je vois un Sénégalais accusé, qui a certes droit à une défense, mais qui en aucun cas, ne pourrait se déborder en faisant croire à de tels arguments. Il faut arrêter cette victimisation. Si Macky Sall n'était pas devenu Président en 2012, Franck Timis ne l'aurait pas recruté, lui le frère. Il n'en aurait pas vu l'utilité, puisqu'il irait chercher un frère ou un fils de Président. Si Macky Sall n'était pas devenu Président en 2012, je me demande comment il aurait fait pour briguer et gagner la Mairie de Guédiawaye. Pourquoi n'avait-il pas été candidat à Guédiawaye en 2009 ? Il faut sortir de cette posture. Quand on profite du statut d'un parent au pouvoir, il faut se préparer à en assumer les conséquences.

En tant que citoyen sénégalais qui œuvre dans le privé, n’a-t-il pas le droit d’investir dans le pétrole et le gaz ?

Il a le droit d'investir où il veut. Personne ne lui reproche ni ne lui interdit ça. On ne l'interpelle pas sur ce qu'il est, mais sur ce qu'il pourrait avoir fait avec nos deniers. Il y a des milliers de parents de président partout dans le monde dont personne ne parle. Qu’a-t-il fait, lui, pour qu'on parle de lui ?

Cette démission n’est-elle pas une première victoire pour la plateforme Aar li nu bokk dans son combat engagé pour que la lumière soit faite sur cette affaire ?

Nous ne jouons contre personne et ne cherchons pas à collectionner des victoires. Nous souhaitons beaucoup de victoires à nos vaillants lions, actuellement sur les rives du Nil, mais notre action n'est pas un combat ou un jeu. Il y a cependant bien un enjeu : c'est l'avenir de toute notre Nation. Les ressources naturelles bien gérées sortiront définitivement et durablement notre pays de la pauvreté et offriront à nos enfants et petits-enfants des chances que nous n'avons pas eues. Nous voulons faire en sorte que le pétrole et le gaz ne soient pas une malédiction pour le Sénégal comme c'est, hélas, le cas pour beaucoup de pays africains dont les dirigeants, soit, n’ont pas été à la hauteur techniquement et politique, soit, ils ont été corrompus tout simplement.

Jusqu’où comptez-vous aller dans ce combat ?

Aussi loin qu'il le vaudra et aussi longtemps qu'il sera nécessaire, conformément aux objectifs que nous nous sommes assignés.

Finalement, est-ce que tout ce bruit autour du pétrole et du gaz n’augure pas des lendemains incertains dans l’exploitation de ces ressources naturelles ?

En aucune manière. Tout ceci est très bénéfique pour notre pays. Le Sénégal a la chance d'avoir des citoyens qui savent se lever, quand il le faut pour mener des combats d'avant-garde. La grande finalité de ce combat c'est de faire en sorte que plus jamais, personne, ne puisse s'arroger le droit d'agir seul, selon son bon vouloir, pour dire qui exploite notre pétrole et qui y gagne quoi. Nous allons obliger tout le monde à réformer les institutions comme les lois et règlements pour que ces ressources soient l'affaire de tous et non celle d'une minorité. Si nous ne menons pas ces combats aujourd'hui, nos enfants et petits enfants auront à le faire. Nous avons choisi de consentir les sacrifices qu'il faut pour les épargner.

Le Procureur de la République a lancé un appel à témoin dans le cadre de cette affaire. Hier, Aliou Sall, Abdoul Mbaye et Hamidou Kassé ont été entendus par la Division des investigations criminelles. Qu’espérez-vous de cette enquête ouverte par la justice sénégalaise ?

Notre confiance au procureur s'effrite, de jour en jour. Surtout après la sortie de la présidente de l'OFNAC qui montre que plus de 17 dossiers finalisés et ficelés lui ont été transmis, depuis plusieurs années, et qu'il ne fait rien. De plus, plutôt de que chercher d'hypothétiques indices ou preuves en faisant des appels à témoins, il lui suffit tout juste d'ouvrir le rapport de l'IGE et de l'exploiter selon les procédures normales du code de procédures pénales.

Pensez-vous que cette affaire puisse être tirée au clair par la justice sénégalaise ?

Nous l'espérons toujours en dépit des actes déjà posés et qui, pour certains, ne sont pas de nature à rassurer les citoyens.
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