Né le 25 février 1999 à Ziguinchor, Krépin Diatta, le plus jeune de la liste des 23 concoctée par le sélectionneur national Aliou Cissé, s’apprête à vivre sa première Coupe d’Afrique des nations (Can) sénior avec les Lions. Entre le foot et Krépin, c’est comme un mari et son épouse unis devant Dieu et les hommes, pour le meilleur et le pire. A l’orée de la grand-messe du football africain, ‘’EnQuête’’ vous fait découvrir le ‘’Thiate’’ (le benjamin) de la sélection nationale. L’enfant de Boukitingho (dans la commune d’Oukout, département d’Oussouye, dans la région de Ziguinchor) est un joueur doué, inspiré, à l’aise dans son jeu et qui a pris du plaisir à jouer au football, dès son jeune âge.
‘’Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années’’, écrit Corneille dans le Cid. Une citation passée à la postérité, devenue un adage que le l’international sénégalais, Krépin Diatta, incarne à merveille. Il a choisi, depuis son jeune âge, de faire carrière dans le football. Il y a cru, s’est donné les moyens et s’est tracé son propre chemin. Son ambition était claire. Pour lui, il était hors de question d’abandonner un rêve aussi cher. Pour le foot, Krépin est capable de déplacer des montagnes. D’ailleurs, il a dû écourter ses études pour se concentrer exclusivement sur sa carrière footballistique.
Très jeune, son talent s’est révélé immense. D’abord, il en a fait étalage dans son village de Boukitingho, situé dans la commune d’Oukout (département d’Oussouye, dans la région de Ziguinchor) avant de se révéler au grand public du stade municipal de Saré Demba, à Oussouye. Au village, lors des matches entre générations, Krépin, qui quittait la commune de Ziguinchor pour y passer quelques jours de vacances, a mis tout le monde d’accord sur son intelligence, sa technicité, sa vivacité, mais aussi et surtout son talent de dribbleur.
A Boukitingho, il drainait déjà des foules. Vieux, adultes et jeunes de sa génération le voyaient briller au-delà des terrains sablonneux de sa bourgade. Lors des rencontres, tous les villageois prenaient du plaisir à le regarder jouer, même sous la pluie. Evoluant au poste d’excentré, il était l’espoir de sa génération dénommée ‘’Djibokaramba’’ (traduisez littéralement les sauveurs de la forêt). L’essentiel, pour bon nombre de ses admirateurs, c’était de profiter du spectacle que leur offrait l’enfant du quartier de Kalémouna. Au village, il suffit juste de mentionner le nom de Krépin et tout le monde évoque systématiquement le fameux dribble qu’il avait infligé à l’infortuné Judicaël Diatta, un défenseur d’une des Asc de Boukitingho, lors de la saison hivernale 2008-2009. Ce jour-là, plus que jamais, les villageois avaient placé leur confiance en leur jeune prodige. Ceux qui étaient présents n’oublieront pas de sitôt cet instant magique. Par ses dribbles, Krépin a tourné en bourrique celui qui est devenu aujourd’hui élève-policier. Ayant perdu ses appuis, le malheureux défenseur s’est affalé et, spontanément, toute la foule massée autour du petit terrain du village est entré en liesse. Krépin n’avait même pas 15 ans, à l’époque.
La conquête perdue du titre en ‘’Navétanes’’
Après avoir fait ses preuves au village, Krépin se lance, en 2011, avec ses coéquipiers, à la chasse au titre de champion départemental d’Oussouye, dans la catégorie cadette du championnat populaire communément appelé ‘’Navétanes’’. Une compétition très animée dans cette partie du sud du Sénégal, il fut un temps. L’enfant de Boukitingho, qui n’était pas qualifié au début du tournoi, va finalement rejoindre ses coéquipiers en demi-finales. Et c’était contre l’Asc Cap Skirring d’un certain Jean-Jacques Ndecky, devenu plus tard sociétaire du Casa Sport, évoluant aujourd’hui au club allemand de Düsseldorf. Cette demi-finale âprement disputée s’était soldée par un match nul (2-2). Mais l’Association sportive et culturelle de Djilessibo de Boukitingho va finir par s’imposer, lors de la séance des tirs au but. Grand artisan de cette précieuse victoire, Krépin Diatta avait aussi séduit le département d’Oussouye au stade municipal de Saré Demba. D’ailleurs, un des supporteurs de l’équipe adverse, charmé par ses dribbles splendides, l’avait surnommé ‘’Ronaldinho’’.
Au terme de la rencontre, tout le monde évoquait avec fierté les gestes techniques du jeune excentré. ‘’Krépin a été trop bon ce jour-là. Quand il est arrivé pour le match contre Cap Skirring, on savait qu’on allait remporter le match. Sur le plan technique, il nous a beaucoup apporté’’, relate son coéquipier à l’époque, Abel Diédhiou. Avec cette génération dorée, il atteignit la finale départementale des cadets contre l’Asc Wendaye. Seulement, Krépin devait s’absenter pour honorer son engagement avec une autre Asc à Ziguinchor. Son absence installa le doute chez ses coéquipiers. Mais il fallait essayer de remporter le trophée sans l’élément clé de l’équipe.
‘’Nous avons joué la finale sans Krépin. A la fin du temps réglementaire, le score était d’un but partout. Malheureusement, nous avons perdu cette finale à la séance des tirs au but’’, se remémore-t-il.
Avec le recul, Abel soutient que rien n’a pratiquement changé dans la façon de jouer de l’ancien joueur de l’Académie Oslo qui, très tôt, a démontré qu’il est un leader technique, malgré son jeune âge. ‘’Il faisait déjà la différence’’. Pour Abel Diédhiou, Krépin a gagné en maturité, depuis qu’il a rejoint l’équipe nationale.
Révélation et consécration d’un prodige
C’est en 2017, lors des campagnes U20 en Coupe d’Afrique des nations en Zambie et au Mondial sud-coréen, que le jeune Krépin s’est révélé au Sénégal, à l’Afrique et au reste du monde. Élément clé et meneur de jeu dans le dispositif du sélectionneur Joseph Koto, le sociétaire du Fc Bruges (Belgique) et les siens ont réalisé des performances remarquables en Zambie, où le Sénégal a été vice-champion d’Afrique, et en Corée du Sud (les Lionceaux avaient été éliminés en 8es de finale).
En équipe nationale des moins de 20 ans, Krépin Diatta, du haut de son mètre et 75 cm, alliait souvent vitesse, percussion et technique au milieu de terrain. La même année, il a gagné des galons dans son club d’antan, Sarpsborg, en Norvège, où il a aussi fait parler de lui. Au terme de la saison, la pépite sénégalaise avait été désignée Meilleur jeune joueur de l’élite norvégienne.
Cette montée en puissance de l’ancien joueur du Santhiaba Fc (club de Ziguinchor évoluant en 3e division) est saluée par ses concitoyens dont certains commençaient déjà à réclamer sa convocation en équipe nationale A du Sénégal. Les années passent, les statistiques du gosse parlent d’elles-mêmes et les Sénégalais continuent de réclamer son nom dans la liste d’Aliou Cissé. Mais celui-ci faisait toujours durer le suspense, en soutenant que le joueur doit progresser encore.
C’est finalement en février dernier que l’ancien capitaine des Lions décide, enfin, d’inscrire pour la première fois le nom de Krépin Diatta sur une liste élargie de 25 joueurs, en vue du match de la 6e et dernière journée des éliminatoires de la Can-2019, contre Madagascar, et la rencontre amicale face au Mali, respectivement les 23 et 26 mars 2019. Titulaire au milieu de terrain aux côtés de Pape Alioune Ndiaye et Idrissa Gana Guèye, l’ex-pensionnaire d’Oslo Académie a été convaincant dans l’animation du jeu des Lions. Timide au début du coup d’envoi jusqu’à la demi-heure de jeu, Krépin Diatta a fini par prendre ses marques dans l’entrejeu de l’équipe, au grand bonheur du public du stade Lat-Dior de Thiès. Il est impliqué dans les deux buts de Mbaye Niang, lors de la victoire des Lions (2-1) face à la sélection malgache coachée par Nicolas Dupuis.
Quatre jours après ce succès à Thiès, il joue un grand rôle lors de la victoire du Sénégal face au Mali de Moussa Maréga, en amical, au stade Léopold Sédar Senghor. Entré en seconde période, Krépin sert Sadio Mané qui égalise pour le Sénégal (87e), avant que l’attaquant d’Amiens, Moussa Konaté (90+4) ne scelle le sort du match. Et récemment aussi en amical face au Nigeria, le natif de Djiringho (Ziguinchor) a permis au joueur d’Everton, Idrissa Gana Guèye, de marquer l’unique but de la rencontre.
Avec de telles performances, sa sélection en équipe nationale était devenue une demande sociale. Journaliste et consultant, Moustapha Sadio a récemment confié à nos confrères de ‘’Wiwsport’’ que Krépin ‘’est un profil unique dans cette sélection. Un joueur capable d’accélérer le jeu par la passe, grâce à sa justesse technique et sa clairvoyance. Mais aussi par sa percussion balle au pied et son explosivité. Un joueur qui ferait un bon lien dans la transition milieu-attaque des Lions, pour sa relation technique naissante avec Sadio Mané’’. Aujourd’hui, Aliou Cissé, qui avait déclaré, au terme de l’amical contre le Mali, que ‘’Krépin a apporté de la créativité dans le jeu’’, lui a donné la chance de briller au plan continental.
Krépin Diatta sera donc très attendu au Caire avec ses coéquipiers Sadio Mané, Gana Guèye, Kalidou Coulibaly, Mbaye Niang…
Joseph Diatta, son père : ‘’Krépin, c’est comme un don de Dieu’’
Fils du premier fonctionnaire et premier diplômé du village de Boukitingho, Krépin Diatta a étudié jusqu’en classe de Terminale. L’année où il allait passer son Baccalauréat, série L2, coïncida avec le démarrage de sa carrière professionnelle. L’heure avait sonné. Il fallait faire un choix. Il opta alors pour sa passion : le football. Krépin est aidé en cela par un père qui l’a toujours soutenu. Ce dernier, féru de ballon rond, a aussi joué les ‘’Navétanes’’ dans sa jeunesse, mais n’a pas bénéficié du soutien de ses parents qui étaient très exigeants sur les études.
Aujourd’hui, il se dit fier des réalisations de son fils. ‘’Krépin, c’est comme un don de Dieu’’, confie avec fierté Joseph Diatta. Son plus grand souhait, c’est de voir son fils évoluer en Premier League anglaise. Il prie aussi pour que ses deux autres garçons, Yvon et Cédric, tous aussi talentueux que Krépin, connaissent la même réussite que leur frère.
L’amour du football est la chose la mieux partagée, chez les Diatta. Joint par ‘’EnQuête’’, le père de Krépin se rappelle encore l’attachement prématuré de son enfant au ballon rond. ‘’Je me souviens qu’un jour, alors qui ne savait même pas marcher, un jeune garçon est entré dans mon salon avec son ballon. Non loin de moi, il s’est assis à côté de la balle. Avec ses mains, il la touchait. Au moment de partir, le gosse voulait récupérer son ballon, mais Krépin ne voulait pas. Il avait versé de chaudes larmes’’, se remèmore Joe Diatta.
C’est à Lyndiane, dans la commune de Ziguinchor, où vivent actuellement ses parents, que Krépin Diatta a fait ses premiers pas dans le football. Son papa renseigne d’ailleurs que dans le quartier, tout le monde voulait l’avoir dans son équipe. ‘’Je le suivais avec ses camarades. Grâce au foot, il était connu presque partout à Ziguinchor, à Nyassia et au Cap Skirring’’.
Mais les choses n’étaient pas aussi simples qu’ils n’y paraissent, en ce moment-là. Lorsqu’il évoluait à Santhiaba Fc, Krépin marchait pour se rendre aux entrainements. Son père confie même qu’il voulait, à un moment, laisser tomber. ‘’Je l’en ai dissuadé. Quelques mois après, un recruteur l’a rencontré. C’est lui qui l’a amené à l’Académie Oslo’’.
Aujourd’hui, Joseph Diatta se dit ‘’fier’’ des réalisations de son fils. A son avis, Krépin ‘’a beaucoup évolué’’ sur le plan du jeu. ‘’J’ai suivi ses premiers pas en équipe nationale. Je suis honoré comme tout père’’, indique-t-il. Selon lui, l’international sénégalais ‘’est surtout à l’aise en position de n°10 et qu’il est aussi un très bon tireur de coups francs’’.
Tout comme son papa, sa tante maternelle, Martha Diatta, le soutient et trouve du plaisir à regarder jouer son neveu, même si elle est souvent stressée. ‘’Pour sa première Can, je croise les doigts et prie pour lui’’, ajoute Martha Diatta.