Une affaire de viol a opposé, il y a quelques jours, au tribunal de grande instance de Mbour, deux mineurs qui partagent le même collège. Une affaire qui a donné lieu à une bataille ardue entre avocats des deux parties.
L'histoire a fait grand bruit à Mbour et s’est soldé par la condamnation de M. Faye, élève en classe de Première, à 2 ans de prison ferme. Ce dernier partage le même collège qu'une fille, M. Sylla, 15 ans, en classe de 3e, se trouvant être son accusatrice. L’adolescente serait allée voir M. Faye un jour dans sa classe pour lui dire qu'il lui plaisait bien et qu'elle voulait être son amie. Les deux collégiens ont débuté une belle histoire mouvementée entre amour et amitié. A la fin des cours à midi, M. Sylla préférait passer ses heures de pause chez M. Faye pour reprendre le chemin de l'école, après les repas.
Tout semblait bien aller jusqu'à ce fatidique 19 mars 2019. Une interaction sexuelle survient entre les deux, à la suite de laquelle M. Sylla contracte une grossesse. L'idylle se transforme en cauchemar et atterrit devant la barre du TGI de Mbour où accusations, contre-accusations, et dénégations de viol ont fusé, lors du procès.
Deux versions ont été présentées par les deux collégiens.
A la barre de l'auguste tribunal donc, c'est la future maman, M. Sylla, qui explique que tout s'est passé au domicile de son prétendu violeur. M. Faye l'aurait rejointe dans la chambre de sa propre grande sœur pour abuser d'elle. Elle raconte : ''Ce jour-là, il m'a dit que sa mère voulait que je vienne manger chez eux. Je lui ai dit que je voulais passer la journée au collège, mais, il a insisté. Je suis finalement allée chez lui. J'ai aidé sa grande-sœur à finir le repas. Puis après avoir fini de manger, je suis allée dans la salle de bain de sa grande-sœur pour pisser. Quand, je suis sortie de la chambre, il m'a repoussée à l'intérieur. Il a mis sa main sur ma bouche. Puis, il a soulevé ma jupe et a abusé de moi'', explique M. Sylla d'une voix posée.
Sa version diffère de celle de son camarade de collège M. Faye.
'' On s'est connu au mois de février. Elle m'a trouvé dans ma classe et m'a dit que je lui plaisais. Et qu'elle voulait être mon amie. Elle m'a même offert une montre. Elle m'offrait aussi des beignets et autres. Elle m'a une fois appelé au téléphone pour que je lui passe ma mère. Le jour des faits, elle m'a trouvé devant la porte de l'école pour me dire qu'elle voulait passer la journée chez moi. Je ne l'ai jamais forcée'', raconte M. Faye.
Il poursuit en affirmant : ''Elle m'a trouvé dans la salle de bain de ma grande-sœur. Je m'apprêtais à prendre mon bain, quand j'ai entendu la porte de la salle de bain s'ouvrir. Je me suis retourné et je l'ai vue. Je suis allé refermer la porte. Elle l'a rouverte et m'a suivi dans les toilettes. Je lui ai demandé de sortir. Elle m'a dit : ''tu n'es pas viril''. Je me suis senti touché dans mon orgueil, alors je suis passé à l'acte''.
Salve d'applaudissements
La salle jusque-là très calme, rompt la déposition du jeune homme par une salve d'applaudissements, obligeant le juge à vider la moitié de l'assistance. M. Faye de continuer en avouant ignorer que son amie était aussi audacieuse. ''Elle a commencé à me caresser. Je sais que j'ai fait une erreur. Si je l'avais violée, ma famille l'aurait su. Parce qu'ils se trouvaient là-bas. Mon petit frère et un ami étaient dans la chambre d'à-côté'', raconte Faye.
L'autre point de convergence de leur récit, en dehors du domicile, est qu'après l'acte, M. Sylla est retournée à l'école. M. Faye aussi. Rien de concret par la suite entre les deux collégiens jusqu'au jour où la fille tombe dans les pommes, en classe. Conduite à l'hôpital, le diagnostic du médecin est sans appel : M. Sylla est enceinte de trois semaines. Son père dit s'être rendu chez les parents de M. Faye afin de les informer de ce qui s'était passé entre leurs enfants. ''Je ne sais pas s'il y a eu viol ou pas. Mais quand je me suis rendu chez lui, il a reconnu être l'auteur de la grossesse'', raconte le papa de la victime présumée.
Batailles épiques entre avocats
Au cours de l'audience, des lettres écrites par M. Sylla et des photos ont été présentées. Concernant les lettres, la jeune fille a reconnu les avoir adressées à son ami qu’elle considérait comme son frère. ''Et qui lui a envoyé les photos ?'', a demandé le procureur. La fille de répondre qu'elle ne savait pas. Les avocats de la partie civile comme ceux de la défense se sont beaucoup appesanti sur ces photos.
Voulant en savoir plus sur leur provenance, Me Ndèye Fatou Touré, qui assurait la défense de M. Sylla, a interpellé le collégien. ''Elle t'a envoyé les photos quand ?'', demande l'avocate. Le prévenu lui dit avoir reçu les photos au mois de mars.
Toujours sur les photos, sur l'une d'elles, la fille a écrit le nom d'un certain Keba, sur une partie de son corps. Ce qui a poussé Me Deh, l'un des avocats de M. Faye, a demandé à la fille, qui est ce Keba ? Elle a répondu que c'est son ami. ''Pourquoi tu as écrit son nom sur ton corps ? questionne Me Deh. ‘'Ce n’est pas moi sur la photo'', a-t-elle répondu calmement.
Me Touré de dire, alors que la défense a pris les photos d'une autre personne pour les verser dans le dossier. Et que la fille, qui vit avec son père et sa tante, ne pouvait se douter que M. Faye allait la violer. ''Elle cherchait psychologiquement une personne à qui se confier. Elle prenait M. Faye comme son frère. Il y a eu un viol par surprise et par contrainte. Et il l'a menacée. Les menaces ont eu un effet psychologique. Elle était vulnérable. M. Faye a vidé son cerveau de sa substance. Il en est arrivé, de par sa gentillesse, à détourner cette fille. Il l'a soustraite à l'autorité de ses parents'', a plaidé l'avocate qui a demandé des dommages et intérêts de 5 millions qu'elle justifie par le fait que la grossesse de M. Sylla va nécessiter des frais lourds. Sans compter qu'elle va perdre une bonne partie de sa scolarité.
Pour le procureur, M. Sylla est une victime qui pense être responsable de ce qui lui est arrivée. ''Nous avons tous été élèves et dans les écoles, il y a des élèves considérés comme des leaders. La tendance est de vouloir se lier d'amitié avec ces personnes. Que les faits se soient déroulés dans la chambre, sur le lit ou dans les toilettes n'a pas d'importance. Ce qui est constant, c'est qu'il y a eu un acte sexuel'', a soutenu le procureur. Qui estime que le délit de détournement de mineure est constant, du moment qu'en conduisant M. Sylla chez lui, M. Faye n'a pas reçu l'assentiment des parents de la fille. ''Cela suffit largement pour parler de détournement de mineure'', a dit le procureur qui a requis une peine de 4 ans contre le collégien.
Pour Me Ousseynou Faye, tout élève ramène chez lui ses camarades de classe ou d'école, sans l'assentiment des parents. Et que l'avocate de la défense a sorti des carences d'ordre psychologique. ''Elle lui a lancé un défi. Un défi à son honneur d'homme. On nous dit que c'est un mineur et que son consentement ne pourrait être valable. Ce qui est bizarre, c'est qu'elle a eu un premier rapport aussi violent qu'elle le prétend et, ensuite, elle a laissé la famille de M. Faye, elle est partie en classe faire cours. Après elle est rentrée. Elle n'a eu aucun malaise. Ce n'est pas un délit matériel. Il faut trouver l'intention'', a déclaré Me Faye. Qui a demandé la relaxe de son client et surtout sollicité la clémence du juge qui doit tenir compte, selon lui, de la situation d'écolier de son client.
Pour son collègue, Me Deh, ''c'est une affaire douloureuse qui a été une surprise pour tout le monde. C'est important de savoir que ce n'est pas M. Faye qui est allé à la rencontre de M. Sylla. Il n'a pas cherché la sympathie : c'est le contraire. M. Sylla est ce genre de personne qui ont des carences affectives. Tout le monde n'est pas 'Youssoupha' (le prophète Joseph qui avais repoussé les avances de Zouleykha, la femme du roi Potiphar). Tu t'abstiens et on fait tout pour que tu passes à l'acte. Il y a déjà un enfant qui est là. Il unit les deux parties. M. Sylla au fond n'aimerait pas que le père de son enfant soit mis en prison''.
Au terme des plaidoiries, Me Touré a repris la parole pour déplorer la banalisation de l'acte. Selon elle M. Faye ne mérite pas de circonstances atténuantes. Le procureur a riposté en précisant que l'idée de banaliser ou de désacraliser les faits ne leur avait point effleuré l'esprit.
Finalement, l’élève a été condamné à 2 ans pour détournement de mineure. Le viol ayant été écarté. Mais, cette décision de justice passe mal du côté de leurs camarades élèves qui ont voulu manifester pour réclamer sa libération, il y a quelques jours. Ils en ont été dissuadés. M. Faye, dit-on, est un élève brillant et calme. Ses avocats ont interjeté appel.