PolitiqueEl hadj Kassé confirme le paiement à Agritrans : ’’cette somme a été virée… pour le paiement d’une mission de consultation dans le secteur agricole’’
Le ministre-conseiller en charge de la communication, El Hadj Hamidou Kassé, s’est exprimé dans une vidéo postée hier par le service numérique de Tv5, en début d’après-midi. S'il a maintenu la ligne de défense du gouvernement sur les accusations de corruption présumée dans la signature de contrats pétrolier et gazier, il a par contre confirmé le paiement le paiement des 146 millions FCfa (250.000 $) à Agritrans.
El Hadj Hamidou Kassé était l’invité du Journal international de Tv5. Une interview de 10 minutes postée par la chaîne YouTube de TV5Monde Info qu’’’EnQuête’’ a pu consulter en ligne. Le ministre conseiller a été interpellé sur les sommes perçues par le frère du président de la République via Agritrans ainsi que son salaire. Le moins qu'on puisse dire c'est que les deux versions ne convergent point. ''Je n'ai jamais reçu directement ou indirectement un quelconque paiement de Timis Corp., à travers AgriTrans'', avait lancé Aliou Sall en conférence de presse.
C'était d'ailleurs le 6e et dernier point d'une série de démentis que M. Sall avait apporté au documentaire de la Bbc, au lendemain de la diffusion de l'élément. Sur le plateau de TV5, El Hadji Kassé a quant à lui a confirmé ce paiement. ''Je crois qu’il y a de l’amalgame. D’après les informations que j’ai, cette somme a été virée dans une société Agi-Trans (sic) de M. Sall, pour le paiement d’une mission de consultation dans le secteur agricole. Donc, ça c’est de l’amalgame. Ça n’a strictement rien à voir’’, a-t-il répondu à la question de la journaliste de savoir si cet argent ne devait pas être versé au Trésor public sénégalais. ‘’Alors ça, c’est votre explication ?’’, a-t-elle relancé. ‘‘Non, ce n’est pas une explication, c’est de l’information ! C’est de l’information. Comme je disais, c’est d’ailleurs une question tout à fait de l’ordre du privé. M. Sall s’est défendu et on doit prendre en compte les arguments qu’il a développés. Il a montré que c’est une somme virée dans ce compte, suite à une mission de consultation et qui n’a rien à voir avec des taxes ou des impôts’’, a renchéri le chargé de communication.
Quant au salaire de 25 000 dollars mensuels que percevait Aliou Sall chez Timis Corp., M. Kassé ne s’est pas avancé et a invoqué ‘‘un contrat entre son employeur et son employé’’. Il a également demandé qu’on laisse le temps à la justice de dérouler pour éclaircir le fait que M. Sall qui, en 2012, était un haut fonctionnaire de l’Etat (conseiller technique ambassade Sénégal en Chine), ait créé une entreprise privée. Ce qui est interdit par la loi. ‘‘Il faut prendre acte de la décision du président de la République de laisser libre cours à la justice (...) Dans cette perspective-là, toutes les personnes concernées par cette affaire, de près ou de loin, directement ou indirectement, répondront devant la justice, apporteront des témoignages et ensuite…’’.
''Ce fameux rapport de l'Ige, le président ne l'a jamais reçu''
Auparavant, M. Kassé a précisé que les chiffres avancés dans l’enquête de l’émission ‘’Panorama’’ de la Bbc n’étaient jusque-là pas confirmés. ''D’abord, je dois souligner que les seuls chiffres dûment établis sont les 250 millions découlant de la transaction entre Timis et Bp’’, a-t-il déclaré d’emblée, pour reprendre la présentatrice qui, dans sa présentation liminaire, a parlé des 9 à 12 milliards que Bp va donner à Frank Timis sur les 40 ans de concession. ‘‘Deuxième chiffre dûment établi, c’est la part du Sénégal dans le brut, dans la phase d’exploitation, entre 40 et 56 %. Tous les autres chiffres relèvent, jusqu’ici, de spéculations. D’autant plus que ni Bp ni Timis n’ont confirmé les chiffres astronomiques de 9 à 12 milliards de dollars’’, s’est-il défendu.
En ce qui concerne le rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) que le président a commandité à son arrivée au pouvoir en 2012, M. Kassé a été plus péremptoire qu’il ne l’a été jusque-là. Il a clairement nié la réception d’un tel document par le président Macky Sall. ‘‘D’abord, ce fameux rapport de l’Ige, le président de la République ne l’a jamais reçu. Aujourd’hui encore, au moment où je vous parle’’. ‘‘Comment est-ce possible ?’’, relance la présentatrice. ‘‘C’est ce que je suis en train d’expliquer. Comment ça se passe, comment ça s’est passé ? L’enquête va nous le dire de façon précise. Nous avons découvert ce rapport de l’Ige dans les réseaux sociaux. Comment il a fuité ? Ça, c’est une question sur laquelle nous aurons des informations précises avec l’enquête. Ensuite, les rapports sont une source d’informations, entre autres sources d’informations. Même si, par ailleurs, l’Ige est une institution très prestigieuse en matière de contrôle des finances publiques dans notre pays. Mais le président peut avoir d’autres sources d’infos qui lui permettent de prendre des décisions’’, a-t-il avancé.
En tout cas, tout laisse croire que le pays ne va pas revenir sur ce qui a déjà été signé. En effet, le chargé de la communication du palais a fait savoir que des précédents en matière de rupture de contrats ont eu des conséquences négatives pour le Sénégal. ‘‘Je rappelle qu’en matière de contrats, le Sénégal a été victime de résiliations qui lui ont coûté excessivement cher, avec deux compagnies que je ne nommerais pas pour leur faire de la publicité. Et donc nous sommes partis, le président est parti de ces expériences désastreuses pour ne pas se précipiter dans la résiliation d’un contrat qui nous aurait coûté excessivement cher’’.
Démission Aliou Sall : ‘‘C’est à lui de décider de ce qu’il devrait faire.’’
Après la vague de contestations provoquée par le documentaire et impliquant le frère du président de la République dans cette affaire de corruption présumée, la démission de M. Sall a été exigée par une partie de l’opinion. El Hadj Kassé ‘‘pense qu’on est en train d’instruire un débat très, très vicieux. Il n’est jamais dit, dans une constitution au monde, qu’un proche du président de la République, que ce soit au Sénégal, en France ou ailleurs, ne peut pas occuper de fonctions publiques’’. Le ministre-conseiller estime que, même pour des raisons pratiques, c’est une décision qui est du ressort exclusif du principal intéressé.
‘‘M. Sall est un responsable politique. C’est à lui de décider de ce qu’il devrait faire. Encore une fois, je ne peux pas intervenir sur des questions d’ordre privé, dans ce débat. Toujours est-il que, chez nous, il y a eu des proches des présidents de la République dans le gouvernement. Sous Abdou Diouf, il y avait Magatte Diouf...’’. La présentatrice de relancer sur les postes de responsabilité occupés par la famille présidentielle. D’après M. Kassé, cela ne trahit pas le principe de bonne gouvernance sur lequel s’est inscrit Macky Sall. ‘‘L’essentiel, c’est que, depuis 2012, nous œuvrons à ce que la famille ne s’implique pas directement dans les processus de prise de décision. Ce qui s’est passé avant l’avènement du président Macky Sall au pouvoir, c’est vrai que c’est un traumatisme que les Sénégalais ont vécu et donc nous avons mis des garde-fous’’.
Interdiction marche
Vendredi dernier, la plateforme Aar Li Nu Bokk s’est vue interdire un rassemblement pacifique à la place de la Nation, pour risque de troubles à l’ordre public. M. Kassé est d’avis que le Sénégal est une ‘‘vieille démocratie’’ et que cette interdiction répondait plus à des exigences sécuritaires qu’à un désir de restreindre les libertés. ‘‘C’est banal justement, car nous sommes une très vieille démocratie. Mais, elle doit être forcément encadrée, car le chaos remet en cause les libertés. Si des manifestants proclament ouvertement des troubles à l’ordre public (...) Lorsqu’il y a risque de troubles à l’ordre public, c’est du devoir de l’autorité de prendre les devants pour que le chaos ne n’installe pas. Sinon, la liberté d’expression n’a jamais été aussi intense chez nous’’, a-t-il défendu.