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Le tabagisme féminin, un fléau en expansion au Sénégal
Publié le jeudi 20 juin 2019  |  Agence de Presse Africaine
Tabagisme
© Autre presse par DR
Tabagisme féminin
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Malgré le farouche combat que lui mènent les autorités, le tabagisme fait de la résistance au Sénégal. Et, fait surprenant, il a débordé le cercle des hommes pour s’inviter chez les femmes qui, de plus en plus, usent de la cigarette traditionnelle ou électronique; histoire de faire moderne.

Elles s’adonnent également à la chicha, une pipe orientale trempée dans un vase rempli d’eau et dont la fumée est enivrante.

Selon un rapport publié en 2015 par Global adult tobacco survey (GATS), sur le demi-million d’adultes sénégalais qui usent des produits du tabac, on compte 1,2% de femmes.

En vérité, le tabagisme touche autant les femmes adultes que les jeunes filles sénégalaises. Longtemps confiné dans les cercles de la haute bourgeoisie, il a fini de gagner beaucoup de milieux où les femmes sont de plus en présentes, notamment la presse et l’école. Certes, les raisons poussant à s’adonner au tabac sont diverses, mais la réalité est là, toute crue : beaucoup de Sénégalaises fument.

Agées entre 16 et 19 ans, trois lycéennes ont accepté de parler, avec des noms d’emprunt, de leur vie de fumeuse. Ainsi, Diatou confesse avoir fait connaissance avec le tabac depuis cinq ans et tout est parti, selon elle, d’un profond traumatisme né d’un viol. Pour évacuer son cauchemar, elle a suivi les conseils d’une amie qui l’incitait à fumer et, depuis lors, elle est devenue accro à la cigarette. Surtout, celle aromatisée à la menthe dont elle consomme un paquet par jour.

Sa copine, Fatou, met son vice sur le compte de violentes disputes entre sa mère et son grand-frère, un impénitent drogué. N’en pouvant plus de les supporter et, devant la déchéance de son ainé fréquemment terrassé par la maladie, elle s’est mise à fumer.

Pour Ndèye, les choses sont plus simples. C’est par effet de mode et par souci d’être en phase avec les garçons avec lesquels elle s’accompagne qu’elle fume. Ainsi, elle est passée de la cigarette traditionnelle à la chicha qu’elle prend avec les copains. « Accessoirement, dit-elle dans un sourire, j’utilise la cigarette électronique». Dans un sourire espiègle, elle confie qu’elle chipe de temps en temps les «cigarettes électroniques de papa et il ne sait pas que c’est moi».

Interrogée sur les incessantes rumeurs selon lesquelles les cours de récréation seraient des fumoirs, cette surveillante d’un lycée de Dakar souligne qu’il est formellement interdit aux élèves de fumer dans l’enceinte d’un établissement.

Un tantinet mal à l’aise, elle lâche : « en dehors de l’école, on ne peut pas contrôler les filles». Comme libérée par cet aveu d’impuissance, elle raconte par le menu détail comment des gardiens ont surpris un mercredi après-midi des jeunes filles et garçons en train de fumer …du chanvre indien à l’école. Convoqués, leurs parents ont avoué qu’ils leur donnent 1000 à 1500 FCFA pour leur petit-déjeuner et que c’est sûrement avec cet argent que les potaches se droguent.

Pas du tout surpris par l’ampleur du phénomène, le sociologue Djiby Diakhaté explique qu’on est passé d’une situation d’indifférence à une routinisation d’une pratique avant de finir par sa «légitimation ».

Ainsi les tabous sont tombés et une femme qui fume ne fait plus fuir les hommes, de même que les femmes maures ne sont plus les seules à fumer par tradition, affirme M. Diakhaté, non sans soutenir que « dans une certaine proportion, les filles sont plus allées vers le tabac que les garçons ».

Voyant tout cela d’un mauvais œil, Fatou Bintou Rassoul Mbaye, pneumologue à l’hôpital Fann de Dakar, avertit sur les conséquences fâcheuses du tabac chez les fumeurs, notamment les femmes : problèmes respiratoires, cancer (ovaire, poumon, sein, gorge, etc.) et accidents cardio-vasculaires.

Contrairement à ce que croient beaucoup de fumeuses, toutes les formes de tabagisme favorisent ces maux, affirme la pneumologue, mettant dans le même sac la cigarette traditionnelle, la cigarette électronique, celle dite aromatisée et la chicha.

Les usagers des ces deux tabacs seraient plus exposés que les autres en ce qu’ils ont tendance à aspirer plus que de raison, confortés dans l’idée qu’ils ont affaire à des substances moins nocives, soutient Mme Mbaye qui met en garde également contre le noircissement des lèvres, les rides de la peau, le jaunissement des dents et, surtout, les difficultés d’enfantement.

Autant de mises en garde auxquelles devrait tenir compte Adja Seck. Agée de 35 ans, cette réalisatrice de film dit fumer depuis plus de dix ans des «cigarettes légères, aromatisées au goût de pomme ou à la menthe».

Douce manière de se consumer à petit feu avec une substance dont le joli qualificatif n’a d’égal que l’infaillibilité de son poison…


OKF/cat/APA
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