Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Gestion scandale BBC : Couacs d’une com’ de crise gouvernementale
Publié le samedi 15 juin 2019  |  Enquête Plus
Déclaration
© aDakar.com par SB
Déclaration de Macky Sall à l`issue de la Présidentielle
Dakar, le 5 mars 2019 - Le président de la République nouvellement réélu Macky Sall a fait sa première déclaration officielle au palais de la République après la proclamation des résultats officiels définitifs.
Comment


S’il y a une carence que traine le président Macky Sall depuis son accession au pouvoir, c’est sa communication. Surpris par le scandale révélé par la Bbc, spin-doctors du Palais, du gouvernement et de l’Apr alignent les cafouillages.

‘‘C’est quelqu’un qui vient d’effectuer la Oumra (petit pèlerinage). Je ne sais comment quelqu’un qui revient des lieux saints de l’Islam peut s’adonner à une pratique aussi vile que la corruption’’. C’est le Garde des sceaux, ministre de la Justice, Me Malick Sall, qui au lendemain de la diffusion tellurique du documentaire de la chaîne britannique Bbc lavait Aliou Sall à grande eau. Une apologie sanctificatrice qui en a estomaqué plus d’un et a nourri les appréhensions les plus tenaces sur la véritable volonté des autorités à faire la lumière sur le scandale de corruption et de conflit d’intérêts dans lequel est cité Aliou Sall, frère du président de la République Macky Sall. Devant le tollé et moqueries des internautes, le Garde des Sceaux se rétracte le jour de la korité, en garantissant l’objectivité des juridictions en cas d’éventuelles poursuites, non sans continuer à trouver des circonstances atténuantes à M. Sall contre la journaliste de la Bbc ‘‘qui peut être manipulée’’.

Quelques instants plus tôt, c’est le président de la République Macky Sall qui dans une envolée filiale et une rhétorique conspirationniste a pris la défense de son ‘‘rakk’’, son ‘‘petit-frère’’, allant même jusqu’à en perdre sa bienséance langagière. Le gouvernement comptait décidément sur les grâces de la fin du ramadan pour accumuler des sorties non articulées, puisque le même jour, la porte-parole du gouvernement, Ndèye Tické Ndiaye, pour sa prise de parole inaugurale a annoncé une conférence de presse. La presse s’est vue servir un monologue fastidieux de la chronologie de la cession des contrats à Petro-Tim. La dame prête le flanc et fait regretter même son prédécesseur à ce poste, Seydou Guèye. ‘‘Il était très offensif avec un verbe accessible pour l’opinion et pour les médias, autant en français qu’en wolof. Il était dynamique et ça donnait envie de l’écouter. Quand le porte-parole sait capter l’attention et susciter des attentes, on peut dire qu’il a le profil de l’emploi. Ndèye Tické Ndiaye risque de souffrir de la comparaison’’, analysait le directeur des hautes études en information et communication (Heic), Momar Thiam sous la plume de notre consœur Aicha Fall, dans l’Observateur de mardi dernier.

L’affaire semble être comprise en haut lieu, puisque la porte-parole a disparu des radars, depuis son baptême du feu médiatique, alors qu’elle devait être en principe la figure la plus médiatisée du camp présidentiel par les temps qui courent. D’ailleurs le chargé de communication du Palais, El Hadji Kassé a partagé sur twitter une contribution pro-Aliou Sall parue dans le site français ‘‘Médiapart’’ et amalgamée comme article écrit par cette rédaction. Un autre article d’opinion dans la ‘‘Lettre du Continent’’ pronostiquant une suite tranquille pour le maire de Guédiawaye a essaimé également dans la toile, démontrant que la riposte gouvernementale refuse de se laisser accabler.

Absence du pare-feu Mahammed Dionne

L’affaire est initialement une catastrophe pour la communication gouvernementale qui a aligné beaucoup d’erreurs, dont celle très élémentaire en communication de crise de ne jamais mettre en première ligne (ou de laisser faire) le grand manitou, dès l’éclatement d’une crise. ‘‘Le président de la République est maintenant exposé, d’autant plus que lui-même a pris en charge cette affaire pour s’exprimer dans ce contexte qui n’était pas du tout approprié et ça a créé un tollé (...) Il n’a plus de structure qui lui sert d’écran’’, regrette l’enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Ugb, Pr Moussa Diaw. Dans ce cafouillis verbal, impossible d’identifier le principal interlocuteur côté gouvernement. Un cafouillage qui s’explique en partie par l’absence du soldat le plus fidèle de son camp. Mahammed Dionne, ci-devant Premier ministre, n’est plus là pour faire ce qu’il a su faire de mieux, depuis 2014 : servir de bouclier au président de la République.

Comme un mauvais karma, il est évacué à l’étranger pour des soins médicaux concomitamment à l’éclatement de cette affaire. Il n’est pas sûr que sa présence eût toutefois changé grand-chose sur le plan de la légitimité, puisque le poste de Premier ministre a été récemment supprimé de l’architecture institutionnelle et sa prise de parole n’aurait pas été justifiée. Mais sa grande expérience de baroudeur, sa connaissance du dossier, son verbe facile quoique taciturne en apparence manquent cruellement. Le chef de l’Etat paie-t-il les premières conséquences de cette inconséquence politique ? Oui, de l’avis du professeur Moussa Diaw. ‘‘Le président est maintenant en première ligne et ça va le fragiliser, parce qu’il n’y a plus de structure qui lui sert d’écran. C’est ça l’intérêt du poste de Pm. Ça a été une erreur de le supprimer et maintenant il en ressent les contrecoups’’, lançait-il dans notre édition d’avant-hier.

Dans pareils cas, un ou plusieurs porte-paroles doivent être choisis et connus du grand public pour être l’unique canal de communication afin d'éviter la multiplication du message. Le patron interviendra comme dernière cartouche quand tous les autres fusibles auront grillé, pour confirmer ou infirmer éventuellement et livrer la bonne version. Pour parer au plus pressé, il fallait d’abord ‘‘faire un communiqué écrit avant une conférence de presse’’, assure le directeur des études du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), Dr Mamadou Ndiaye. Deux violations basiques qui sont peut-être le fruit de la dernière initiative de Macky Sall. Deux signes encourageants à cette communication sont à noter : les ‘‘accusés’’ ne se sont pas emmurés dans le silence et n’ont pas déserté les réseaux sociaux non plus.

Rapport Ige, Conférence presse parquet, BP...le ‘‘projet latéral’’ parfait

‘‘Dans le cadre de la gestion d’une crise, la stratégie de la reconnaissance est la plus efficace, si la responsabilité de l’organisation ou de ses membres est engagée. Mais elle est plus difficile à obtenir. Et pourtant, faute avouée est à moitié pardonnée, dit-on’’, rapporte le Dr Mamadou Ndiaye. Le gouvernement a plutôt opté pour un condensé des deux autres options restantes (le projet latéral et le refus), c’est-à-dire une sorte d’esquive, de défausse sur des éléments extérieurs. Le professeur au Cesti d’ajouter que ‘‘dans le processus de gestion d’une crise, la communication est très importante (80%), mais elle ne suffit pas. Il faut agir sur d’autres leviers (20%) pour arriver à reprendre la main (...) Bien gérée, une crise, aussi aiguë soit elle, peut devenir une opportunité pour l’organisation et offrir un retour formateur. Mal gérée, elle devient une menace pour la survie même de l'organisation.’’

Ce dont semble s’être rendu compte la communication de l’équipe gouvernementale. En dépit des cafouillages du début, le camp présidentiel semble avoir pris la mesure. Une alternative de crédibilité a été essayée en la personne d’Aymérou Gningue. Quoique mis en difficulté sur le plateau du talk-show de la Tfm ‘‘Jakarloo’’, vendredi dernier, par les remarques des animateurs, le président du groupe parlementaire de Bby a changé de fusil d’épaule, après avoir tenté de jeter le doute sur l’existence du rapport de l’Ige. L’argument étant contreproductif, il a aussitôt opté pour la stratégie du ‘‘projet latéral’’ en se déchargeant sur British Petroleum (Bp) dont on ne parle pas assez à son gout et qui est pourtant le sujet principal de l’enquête de Mayeni Jones. Le défendeur d’Aliou Sall lâche même dans la foulée une information de taille qui est passée dans l’épaisseur du trait concernant le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta) dont il est question dans ce scandale.

‘‘Le champ du bloc de Saint-Louis profond les revenus nets sont estimés pour ce projet, qu’on a en commun avec la Mauritanie, à 35 milliards de dollars sur les trente ans que va durer l’exploitation. L’Etat du Sénégal et Petrosen vont capter 24 milliards. Bp et Kosmos vont se partager les 12 restants dont 8 milliards pour Bp (sic)’’, a-t-il lancé. L’évitement sur l’implication centrale d’Aliou Sall a été tenté en jetant l’anathème sur les techniques journalistiques de la Bbc. Ayant peu prospéré pour discréditer le documentaire, c’est la question périphérique du rapport de l’Inspection générale d’état (Ige), et de sa fuite qui ont cristallisé les débats. Au point que ce moyen qui a servi à établir des faits dans le documentaire devient subrepticement la finalité.

L’annonce de la judiciarisation de l’affaire par le président de la République et l’entrée en scène très remarquée du procureur Serigne Bassirou Guèye, leur font reprendre la main et contrôler l’agenda médiatique, tout en mettant à distance le sujet principal. Les autorités se donnent du répit et sont en train de s’accorder du temps pour la préparation d’une stratégie de com’ digne de ce nom. Plus digne que ce qu’on a vu jusque-là, en tout cas.
Commentaires