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Application règlement N*5 de l’UEMOA: Quand les Opj placent les juges dans l’embarras
Publié le mardi 28 mai 2019  |  Enquête Plus
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© Présidence par DR
Rentrée solennelle des cours et tribunaux
Dakar, le 8 janvier 2019 - La cérémonie officielle de rentrée solennelle des cours et tribunaux s`est déroulée, ce mardi, à la Cour suprême, en présence du chef de l`État et du garde des Sceaux.
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Aujourd’hui au banc des accusés dans ce qu’il convenu de considérer comme une pagaille dans la justice sénégalaise, il faut souligner que, dans cette affaire de l’application du règlement n°5 de l’Uemoa, les juges font les frais des officiers de police judiciaire (commissaires de police, gendarmes et procureurs). Maitre Assane Dioma Ndiaye et un commissaire passent au crible, pour ‘’EnQuête’’, cette disposition polémique.

Avec le règlement n°5 de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), la justice semble comme dans une sorte de capharnaüm où chaque juge y va de sa propre lecture. Mais ce semblant de pagaille, amplifiée dernièrement avec les affaires Khalifa Ababacar Sall et Thione Ballago Seck, est aussi vieux que l’adoption de la disposition susmentionnée.

Joint par téléphone, Maitre Assane Dioma Ndiaye revient sur les péripéties de son adoption à maintenant. Il explique : ‘’Normalement, le règlement est d’application immédiate, dès son entrée en vigueur. Mais la position du Sénégal a été, au début, d’attendre de l’intérioriser dans son ordre juridique interne pour le rendre effectif. Si bien que les officiers de police judiciaire (Opj), au départ, étaient réticents. Comme l’a rappelé le bâtonnier, c’est donc une faute politique’’.

Selon le droit-de-l’hommiste, les choses ont commencé à changer, quand les enquêteurs se sont rendu compte que certains juges ne badinaient plus avec la mesure communautaire. S’ensuivit un séminaire à l’issue duquel le ministère de la Justice avait pris une circulaire pour demander aux Opj de se conformer à cette législation. Depuis lors, souligne l’avocat, beaucoup d’enquêteurs se sont remis à niveau. ‘’Il faut avouer que maintenant, dans l’ensemble, le règlement n°5 est respecté. Il est devenu rare qu’il y ait des Opj qui ne s’en acquittent pas. Car ils savent que la nullité encourue est d’ordre public. En conséquence, ils veillent au moins à faire figurer la mention sur le Pv’’.

L’objectif visé avec cette règle, rappelle-t-il, est que ‘’la personne qui a été avisée de son droit à l’assistance peut garder le silence, tant que son avocat n’est pas là. Il y aurait ainsi moins de risques de torture, d’extorsion d’aveux…’’

Les limites d’une disposition salvatrice

Toutefois, quelle que salutaire qu’elle soit, la disposition communautaire comporte beaucoup d’insuffisances par rapport à son applicabilité. ‘’Elle n’a de sens que dans les circonstances où le justiciable peut jouir de cette présence d’un conseil. Mais dans les contrées où il n’y a pas d’avocat, dans les situations où la personne n’a pas les moyens de se payer un avocat, on retourne à la situation ante. Le règlement va être appliqué, mais à qui ?’’, se demande Assane Dioma, avant d’enchainer : ‘’La plupart des Sénégalais risquent d’en être exclus, parce qu’il y a, d’une part, une concentration d’avocats dans les grandes villes. Aussi, d’autre part, il faut avoir les moyens d’en commettre. Pour que ça soit vraiment efficace, il faut une politique d’aide légale beaucoup plus accrue, car il ne sert à rien de faire une loi qui ne profitera qu’à un groupe de privilégiés’’.

En conséquence, le président de la Ligue sénégalaise des droits humains estime qu’il faut démocratiser le barreau ; que les avocats aillent dans les régions et que l’Etat accompagne cette installation avec des mesures d’incitation en direction des jeunes. Il faut également que l’ordre puisse augmenter le nombre de recrues’’.

Ce commissaire de police, lui, n’y va pas par quatre chemins. A l’en croire, c’est simplement un manque de compétence et de sérieux chez certains officiers de police judiciaire. Le règlement, dit-il, est clair. ‘’Pourquoi certains rechigneraient-ils à l’appliquer ? Avez-vous entendu des récriminations en ce qui concerne le temps de la garde à vue… ? Pourtant, ce sont les mêmes textes qui régissent également ce règlement n°5 repris dans notre Code de procédure pénale’’.

‘’Cette disposition, renchérit-il, prévoit que, dès que vous arrêtez une personne, il faut lui signifier qu’il a le droit de se faire assister par son avocat, sinon tout ce qu’il dira sera retenu contre lui. C’est ce que vous voyez tout le temps dans les films. Il faut noter, à ce niveau, que ceci n’est qu’une reprise en droit communautaire et national de la règle Miranda, originaire des Etats-Unis. D’ailleurs, faut-il le préciser, de ce point de vue, les pays anglo-saxons sont généralement en avance sur nous francophones’’.

Manque de sérieux et de compétence ou question de réflexe

Le commissaire de constater pour le regretter que ‘’certains commissaires, gendarmes et procureurs ont toujours recours à l’ancienne méthode. Peut-être c’est une question de réflexe. Mais cela n’explique pas tout, car il y a eu suffisamment de temps de s’adapter. Il faut même signaler que ce n’est pas le fait de dire ou de ne pas dire au prévenu qu’il a ce droit qui est essentiel, mais au moins que cela puisse figurer dans le Pv. Car le Pv fait foi jusqu’à ce qu’il soit remis en cause par une procédure particulièrement difficile’’.

Mais est-il concevable que certains, sur qui pèsent des infractions extrêmement graves, puissent être élargis de la sorte, simplement parce qu’une telle erreur a été commise ? L’officier affirme avec forces : ‘’Il faut juste savoir que la justice n’est pas la vérité. On peut avoir raison et perdre un procès, tout comme on peut avoir tort et gagner un procès. La justice, ce n’est pas la vérité. C’est juste un ensemble de règles et de procédures qui, mis ensemble, permettent d’arriver à une décision. La police doit respecter la règle, un point c’est tout. Sinon, ces genres de risques sont toujours là. Il faut mettre la mention et lui demander de signer. S’il refuse de signer, là on s’en f...’’

Pour lui, peu importe que le délinquant se nomme Pape Alioune Fall, Thione Seck ou Jean-Pierre Bemba : ‘’Dura lex sed lex. La loi est dure, mais c’est la loi.’’

BABACAR THIOYE BA SUR LE REGLEMENT N°5 DE L’UEMOA

‘’On a l’impression qu’il existe une justice pour Khalifa et une justice pour les autres’’

S’il y a une décision qui donne du poil de la bête aux partisans et sympathisants de Khalifa Ababacar Sall, c’est bien celle rendue par le juge Maguette Diop dans l’affaire des faux billets impliquant l’artiste Thione Ballago Seck. Ces derniers voient en cette décision d’appliquer le règlement n°5 de l’Uemoa une confirmation de la nature politique du procès de leur leader.

La décision du tribunal de grande instance de Dakar d’annuler la procédure contre Thione Ballago Seck n’en finit pas de faire parler d’elle. Directeur de cabinet adjoint de Khalifa Ababacar Sall, Babacar Thioye monte au créneau, d’abord pour se féliciter de la décision qui, pense-t-il, est conforme au droit et aux engagements internationaux du Sénégal.

Toutefois, Thioye Ba dit ne pas comprendre pourquoi ce même droit avait été refusé à son mentor. Au téléphone, il déclare : ‘’Nous pensons que c’est une très bonne décision qui renforce les droits des citoyens. A ce titre, nous nous en réjouissons, parce qu’à chaque fois que le juge consacre le droit et les libertés des citoyens, c’est une victoire pour tout le monde. Vous constaterez juste que c’est le même tribunal qui avait rejeté l’exception de nullité évoquée par Khalifa Ababacar Sall, alors qu’elle était fondée sur le même argument.’’ Se disant convaincu que la jurisprudence Thione Seck est la bonne, il s’interroge : ‘’Comment, en seulement quelques mois, le tribunal a pu évoluer de la sorte dans sa position ?’’

Mais au vu des tournures, la question qui peut aussi être posée, c’est de savoir qu’aurait-il advenu, si le destin de Khalifa était à l’époque confié à Maguette ? Pourtant, on était à deux doigts d’un tel scénario, puisque, dans un premier temps, l’ancien président de l’Union des magistrats sénégalais avait été désigné pour présider ledit tribunal, dans l’affaire de la caisse d’avance de Dakar. Par la suite, il a été remplacé par le président même du tribunal de grande instance. A ceux qui pensent que c’était à cause des critiques contre le juge Diop, Thioye Ba rectifie : ‘’Nous n’avons jamais récusé le juge Maguette Diop. C’est le tribunal qui, de manière souveraine, avait décidé de changer sa composition. Et c’est le président lui-même qui s’était substitué à lui. Peut-être parce que le pouvoir politique, qui était derrière cette affaire de la caisse d’avance, avait pensé que ce dernier pouvait donner raison à Khalifa Sall.’’

Ce qui est le plus désolant, selon lui, ‘’c’est qu’ils ont l’impression qu’on a une justice pour Khalifa Sall et les politiques en général et une autre pour les justiciables lambda. Pour ce qui concerne ces derniers, les juges n’ont aucun problème à dire le droit. Mais quand il s’agit d’un adversaire politique, on a comme l’impression que le droit n’est pas dit’’.

Par ailleurs, fait constater le collaborateur de l’ancien maire de Dakar : ‘’Dans cette affaire Khalifa Sall, il y a une pression politique qui a amené la justice à violer la loi. Cela a fait que les décisions de justice sont maintenant des variables, rendues à la tête du client et c’est inconcevable dans un Etat de droit.’’

Et Thioye Ba de fulminer : ‘’Nous demandons aux magistrats de prendre leurs responsabilités et de rectifier le tir. Ils n’ont qu’à faire revenir le droit dans le prétoire et d’en chasser la politique qui a été au cœur de toute cette procédure. Khalifa Sall est victime d’un complot politique couvert par un semblant de justice. Le verdict est politique, rendu par des juges qui ont accepté d’être sous le diktat des politiques.’’
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