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Tentative de meutre sur son employeur Camille François Demur : Le jardinier prend 6 ans de prison
Publié le jeudi 16 mai 2019  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
La Justice poursuit son enquête dans l`affaire des violences électorales à Tambacounda
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Ousmane Thiombane a été condamné à 6 ans de prison par la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour. Il est jugé coupable de tentative de meurtre sur son employeur Camille François Demur. Récit d’un procès où les versions s’entrechoquent.



N'eussent été ses appels au secours, Camille François Demur serait certainement en ce moment six pieds sous terre, depuis le 6 juin 2016. Ce jour-là, son employé, Ousmane Thiombane, a essayé d'attenter à sa vie. Des éléments du procès-verbal, il est ressorti que Camille François Demur, de retour d'un dîner, a été surpris par Ousmane Thiombane, son gardien et jardinier. Ce dernier, après lui avoir ouvert le portail de sa maison, lui a tiré deux coups de feu, avec une arme de fabrication artisanale. Le premier coup l'a atteint au dos et le second dans la région du cœur. Le Français s'est engouffré dans sa voiture pour échapper à son bourreau.

Cela n'a pas découragé l'employé, qui a saisi un bâton pour lui asséner des coups. Voulant aller jusqu'au bout de son acte, il a extirpé son patron et essayé de le trainer vers le puits, en tentant de l'y balancer. C'est en ce moment que Camille François Demur a saisi un bout de bâton pour taper de toutes ses forces sur le capot de sa voiture. Afin d'ameuter le voisinage. Heureusement pour lui, ses appels au secours ont été entendus par Jean Noël Noirot et Gérard Romain (absent du Sénégal au moment du procès). L’accusé a réfuté cette version des faits.

Ousmane Thiombane accuse son patron de démence

Hier, devant la barre de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour, Ousmane Thiombane a soutenu que son patron souffre de troubles psychiques et qu'il s'en prenait souvent à lui. Il a ajouté qu’il ramenait des filles à la maison. Des donzelles qui ‘’avaient l'habitude de le voler’’. ‘’Et, chaque fois, poursuit-il, il m'accusait de ces vols. Cette nuit-là, il est arrivé ivre et m'a dit : ‘C'est toi qui appelle ma femme pour lui dire que j'emmène des femmes à la maison.' Il m'a alors menacé. Il détenait l'arme et un couteau''.

Le juge Thierno Niang a voulu savoir pourquoi, après avoir récupéré l'arme et maîtrisé Camille François Demur, il a tiré sur lui. Ousmane Thiombane de répondre : ''J'avais peur. C'est pourquoi j'ai tiré sur lui. J'ai travaillé durant 4 ans pour lui. Il a des accès de colère.''

Appelé à témoigner, Jean Noël Noirot raconte, devant la barre, s'être rendu chez son voisin pour lui apporter son aide. Sur les lieux, Camille Demur leur a crié d'appeler la gendarmerie. ''J'ai entendu une détonation. Je ne savais pas que c'était un coup de feu. Dix minutes après, j’ai entendu un autre coup. J'ai demandé à mon frère de monter sur la terrasse pour voir ce qui se passait. Il m'a dit que Camille avait des problèmes avec son gardien'', raconte le témoin. Jean Noël Noirot poursuit : ''J'ai pris ma voiture et je me suis rendu chez Camille. Je suis monté sur le capot de ma voiture pour demander ce qui se passait. J'ai demandé au gardien d'ouvrir la porte. Il est venu naturellement l'ouvrir. Quand les gendarmes sont arrivés, il s'est présenté à eux. Et ils l'ont emmené.''

Devant le juge d’instruction, Ousmane Thiombane avait expliqué que son employeur lui avait remis l’arme. Ce jour-là, il la lui a réclamée. Dès qu'il lui a remis l'arme, son patron a tenté de lui tirer dessus. Ainsi, le jardinier s'est saisi d'un bâton et lui a assené des coups sur le bras, afin de faire tomber l'arme. Mais Camille François Demur avait battu en brèche cette version. Disant qu’Ousmane lui a tiré dessus à deux reprises, avant de lui assener un coup de brique et de le tirer vers le puits.

Une histoire de magasin

Avant-hier, lors du procès, Me Ayi, avocat de Camille François Demur, a apporté des faits nouveaux. Selon ses dires, Ousmane Thiombane avait vidé le contenu du magasin de son employeur, avant de le fermer avec un cadenas. Alors que la porte était toujours fermée à clé. ''Le jour des faits, mon client a constaté que la porte du magasin, qu'il avait fermé à clé, portait un cadenas. En allant dîner, il a dit à Ousmane que le lendemain, ils allaient ouvrir le magasin pour voir. Il a attendu que mon patron soit dans un moment d'ébriété pour faire son forfait. Il voulait tuer la victime et ne voulait lui donner aucun répit'', explique l'avocat.

Mais Ousmane Thiombane s'est défendu. ''Il a des magasins, mais je ne détiens pas les clés. La seule clé que j'ai en ma possession, c’est celle de ma chambre. Il a lui-même acheté l'arme à 35 000 F. Il est le cinquième Blanc pour qui j'ai travaillé''. Il précise qu'il n'a jamais eu un quelconque problème avec ses anciens employeurs. ''Il m'a longtemps attaqué. Je lui ai donné un coup de pierre sur la tête, mais je ne lui ai pas assené une brique'', s'est défendu l'accusé.

L'avocat de la partie civile l'a interpellé sur le motif de sa première condamnation. Réponse d’Ousmane Thiombane : ''C'était en 2001 ; je gardais la maison d'un Blanc. Des filles, qu'il avait l'habitude de faire venir là-bas, ont ourdi un complot. Elles ont volé l'argent.'' Me Ayi de revenir à la charge : ''Le jour des faits, les deux couteaux, les deux gourdins et l'arme sont sortis d'où ?’’ L'accusé : ''Il les a sortis de sa voiture.'' L’avocat : ''Vous dites que mon client était ivre. Quelqu'un qui est ivre est facilement maîtrisable. Pourquoi ne pas l'avoir maîtrisé ?'' Là, Ousmane Thiombane a resservi la même réponse : ''C'est parce que j'ai pris peur.''

Me Ayi demande la protection des étrangers

Dans sa plaidoirie, Me Ayi a invité à la protection des étrangers. ''Quelqu'un qui a tout laissé pour venir habiter au Sénégal. Il laisse son pays d'origine pour venir s'installer au Sénégal, dont il a entendu vanter sa 'Teranga'. Il a été traumatisé par cette affaire. Il s'est alors dit : 'Je vais retourner en France, au lieu de rester ici et être tué par des gens sur qui j'ai véritablement confiance.' Il y a des personnes sur qui on est obligé d'avoir confiance, Monsieur le Président''.

A l'en croire, il y a eu connivence entre Ousmane et d'autres personnes. ''Plusieurs couteaux et des gourdins, ces armes appartiennent aux complices d’Ousmane. Ce dossier regorge de preuves pour nous permettre d'entrer en voie de condamnation. Mon client avait remarqué la disparition de certains objets de valeur qu'il gardait. Il a dit à Ousmane : ‘Demain, nous allons ouvrir la porte (du magasin) pour vérifier.’ Il mûrit le plan d'attenter à la vie de mon client'', a ajouté l’avocat qui s'offusque de voir un employé interdire à son patron de prendre un apéro au cours du dîner.

''Depuis quand un gardien a le droit de dire à son patron : ‘Vous n'avez pas le droit de boire ! Vous n'avez pas le droit d'emmener des invités !’'', a fulminé Me Ayi. Convaincu qu'à cause d'un magasin à vérifier, Ousmane Thiombane a organisé la mort de Camille François Demur. Car son client a reçu des coups de feu, de bâton et de pierre. ''Qu'il soit puni à hauteur de l'acte odieux qu'il a commis. Si Ousmane n'a pas réussi son forfait, c'est à cause des coups de feu. Il a tout prémédité''. Soutenant qu'il y a bel et bien eu tentative d'assassinat, Me Ayi a demandé au juge de condamner Thiombane à la peine que va requérir le représentant du ministère public. Il a demandé des dommages et intérêts de 50 millions de F Cfa.

Si Me Ayi a insisté sur la préméditation, aux yeux du procureur, le doute subsiste par rapport à la préméditation. Néanmoins, il assure que les parties du corps visées renseigne de l'intention de donner la mort. ''Si c'était des cartouches dures, la victime serait passée de vie à trépas. Concernant la détention illégale d'arme, même si l'accusé prétend que la victime lui a confié l'arme, l’accusé a fait usage de cette arme''.

Ainsi, selon le procureur, Ousmane Thiombane est coupable des faits de tentative de meurtre. Il ne veut pas entendre parler de légitime défense. ‘’Quand tu tires au dos, c'est certainement pour se venger ou pour attenter à la vie d'une personne''.

Le procureur a requis 10 ans de travaux forcés et ordonné la confiscation de l'arme artisanale.

La défense tourne l’accusation en dérision

Maitres Ibrahima Baidy Niane, Fadel Fall et Weber de la défense ont soutenu que la version de leur client est ''plausible''. ''Quand on vous pointe une arme à feu, vous n'avez pas l'instinct de courir ou escalader les murs. Ce qui est constant, c'est que Ousmane a porté des coups à l'endroit de Camille'', a dit Me Weber. Qui s’empresse d’ajouter que les accusations de tentative d'assassinat ne peuvent pas prospérer. Il a ainsi demandé la disqualification des faits et la réduction à une juste proportion du montant des dommages et intérêts réclamé par le conseil de la partie civile. Me Ibrahima Baidy Niane de renchérir qu’il y a une partie essentielle délaissée : ''C’est la reconstitution des faits.''

''Il faut qu'on revienne à l'orthodoxie. Quand une personne risque une peine de 10 à 15 ans, il faut prendre la peine de faire une reconstitution des faits. Sur la base des éléments trouvés sur les lieux, rien ne démontre que c'est une tentative d'assassinat. Ceci ne nous permet pas d'arriver à la vérité vraie. On n’a pas fait une enquête balistique'', a appuyé Me Niane. Selon qui, l'acharnement ne fait pas le meurtre. Qu’il s’agit d’une bagarre qui a dégénéré entre son client et son patron. Il s’est demandé pourquoi, avec toutes ses blessures, Camille François Demur n'avait eu que 15 jours d'Itt ? ''Quand vous êtes dans une bagarre, vous êtes dans un tempérament de férocité. L'élément intentionnel, il est où ?'', s’est demandé Me Niane. Qui, désignant Ousmane Thiombane, a lancé : ''Il n'a même pas l'air d'un meurtrier. C'est le destin qui l'a amené ici. Il a suffisamment réfléchi. Et il sait désormais que, dans la vie, on ne règle pas ses problèmes soi-même. Que la justice est là pour régler les problèmes.''

Puis, ironique, Me Niane a asséné : ''Pour une Itt de 15 jours, on demande un dommage de 50 millions. Est-ce que ce n'est pas exagéré ?'' Il a demandé à la chambre criminelle de réduire la demande à 100 000 F Cfa et lui faire une application qui va couvrir sa détention. Et ainsi lui accorder une seconde chance.

Son collègue, Me Fall, s’est lui attaqué au réquisitoire du procureur. ''Est-ce que l'instrument trouvait sur les lieux était de nature à donner la mort ?'', s’est demandé Me Fall. Convaincu ''qu’un homme intelligent ne se serait pas comporter ainsi. Il aurait fui face à la bagarre. Lui aussi a eu des blessures. Il n'y a pas eu une volonté de donner la mort''. Il a demandé à la chambre de disqualifier les faits et de faire une application extrêmement bienveillante de la loi pénale.

Après délibéré, la chambre a disqualifié les faits de tentative d'assassinat en tentative de meurtre. Ousmane Thiombane a été condamné à 6 ans de prison et à 5 millions de dommages et intérêts. Ses avocats vont faire appel de la peine et des dommages et intérêts.

KHADY NDOYE (MBOUR)
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