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Procès des Thiantacounes: 13 talibés devant la barre
Publié le vendredi 26 avril 2019  |  Enquête Plus
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© Présidence par DR
Rentrée solennelle des cours et tribunaux
Dakar, le 8 janvier 2019 - La cérémonie officielle de rentrée solennelle des cours et tribunaux s`est déroulée, ce mardi, à la Cour suprême, en présence du chef de l`État et du garde des Sceaux.
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Au deuxième jour d’audience, dans l’affaire du double meurtre de Madinatoul Salam, treize accusés ont été entendus à la barre du tribunal de grande instance de Mbour. Samba Ngom, Serigne Saliou Barro et Aziz Mbacké Ndour bénéficient d’une liberté provisoire, comme leur cheikh.

Appelé en premier pour revenir sur les faits, Serigne Khadim Seck, commerçant de son état, dit avoir tout laissé pour suivre le guide des Thiantacounes. Il logeait à la résidence de Béthio Thioune à Madinatoul Salam avec sa femme. Puis, de 2006 à 2012, il a séjourné chez Serigne Saliou à Khelcom. Il a fait des études jusqu’en classe de Cm2. Le prévenu connaissait bien Bara Sow, sa femme et toute sa famille.

Il raconte : ‘’Le jour des faits, j’ai entendu du bruit et un grand vacarme. Je suis allé m’enquérir de la situation. J’ai vu beaucoup de personnes, des pierres pleuvant de tous les côtés. J’avais avec moi 4 balles, j’ai tiré 3 balles en l’air pour disperser la foule. Je ne suis pas très adroit ; la troisième est partie au moment où je chargeais le fusil. La balle est partie toute seule.’’ Il précise que l’arme lui a été remise par son marabout, en 2012, avant les élections.

‘’On me l’avait remis pour la garde du troupeau dont j’avais la charge. Le fusil, je le gardais dans la cuisine. Après l’avoir utilisé, je l’ai remis à Aly Diouf pour qu’il le garde. On l’a minutieusement gardé dans un endroit. Nous l’avons enfoui sous des tas de pierres. Ce n’est que le lendemain que j’ai su qu’il y a eu mort d’homme. Parce qu’après les échauffourées, je me suis rendu à Dakar avec mon cousin Mohamed Diagne qui était malade‘’, raconte Serigne Khadim Seck.

Pourtant, dans le procès-verbal, il avait indiqué avoir remis l’arme à Aly Diouf pour qu’il la ramène à Touba. Il assure avoir tiré trois coups en l’air, afin d’apeurer la foule. Et que personne n’avait fui. ‘’J’ai donc tiré dans la foule et une balle a atteint une personne. Celle-ci s’est tordue de douleur avant de tomber’’. Pour se défendre, il soutient que, lors de l’audition, il a été bousculé et torturé. ‘’Puisque j’avais peur, j’ai raconté cela‘’, dit-il.

Dans cette affaire, il y a également une autre arme. C’est Serigne Saliou Barro qui en a parlé hier. Celle-ci se trouvait dans la résidence du cheikh, à Touba. Donc, lorsque l’affaire a éclaté, il indique que son guide lui a intimé l’ordre d’aller déposer l’arme au niveau de la brigade de Touba. ‘’Je suis allé à Touba. Il m’a passé au téléphone le commandant Seck qui m’a recommandé de l’emmener chez lui, à Touba, pour qu’on la récupère. Après vérification par des spécialistes, ils m’ont dit que ce n’était pas l’arme incriminée. Donc, on m’a dit que c’est Aly qui avait sur lui l’arme qui a tiré‘’, raconte-t-il.

Toutefois, il reconnait avoir rencontré Bara Sow, le jour des faits. ‘’J’ai entendu un brouhaha dans la résidence. Un bruit violent. J’ai entendu Cheikh Faye dire que c’était encore Bara et ses amis qui semaient le bordel. J’ai reconnu Malaka dans le groupe‘’. Dans le Pv, il avait indiqué que des gens portaient des gourdins, des pelles et des armes blanches. Qu’il tentait de les calmer. Mais ses tentatives d’appel au calme sont restées vaines, parce que Demba Kébé incitait les gens à attaquer le groupe de Bara. Et que c’était Cheikh Faye qui avait donné l’ordre d’attaquer les victimes.

Mamadou dit ‘’Pape’’ Hanne affirme qu’il était absent, le jour des faits. Il s’était rendu à Mbour pour reproduire des photos de l’une des femmes de Béthio. Mais les enquêteurs avaient constaté des traces de sang humain à l’arrière du véhicule 4x4 de marque Ford immatriculé DK 2559 AN. Mamadou Hanne conduisait le véhicule. A ce propos, il confie : ‘’Nous sommes partis, après le combat de lutte, en ville. Je suis un des chauffeurs du cheikh. A mon retour de la ville, il n’y avait plus d’histoire.’’ Il dit avoir été informé le lendemain. ‘’Je n’ai jamais mis les cadavres dans le pick-up‘’, martèle-t-il.

Pour sa part, Samba Ngom explique qu’au moment des faits, il était parti à Mbour rendre visite à ses beaux-parents. A son retour, après le combat, il a vu une foule devant le portail. ‘’Je n’ai pas demandé ce qui se passait, puisque c’était une chose habituelle. Je garde un pistolet du cheikh. Un mois après l’avoir reçu, je suis parti à Ngabou et je l’ai essayé’’, soutient-il. Mais il assure qu’il n’a tué personne.



‘’Bara saignait de partout’’

Son co-accusé, Mame Balla Diouf, déclare qu’il se trouvait au chantier, au moment des faits. ‘’Nous avions fait un coffrage et nous nous apprêtions à faire le coulage. J’ai dit aux ouvriers, qui étaient intéressés, d’aller regarder le combat. On a été alerté par les injures que Bara proférait sur le cheikh. Nous nous sommes rendus sur les lieux. La scène était horrible. A mon arrivée, j’ai essayé d’arracher les armes des mains de certains que j’ai rencontrés. Je fais partie des commandos. Bara saignait de partout. Nous avons déplacé les corps dans une maison en construction pour éviter de déclencher d’autres violences. Nous avons aperçu la charrette de Moussa Dièye. Et nous l’avons prise pour transporter les corps’’, raconte-t-il.

Fils de gendarme, Demba Kébé, jugé pour association de malfaiteurs, de recel de malfaiteurs, d’homicide aggravé et de recel de cadavres, a fait des études de droit. ‘’J’ai fait la Licence. Je regrette d’avoir abandonné mes études à l’université. Le cheikh m’avait dit qu’il nourrissait beaucoup de confiance à mon égard. Et qu’il allait me confier la distribution des terrains. Le jour des faits, j’ai entendu du bruit. J’ai ouvert la fenêtre et j’ai aperçu Bara Sow et ses accompagnants, et Barro qui tentait de les calmer. J’ai couru et j’ai intimé l’ordre à Bara de sortir’’, explique-t-il.

Selon lui, les tâches de sang trouvaient sur son boubou provenait de la femme enceinte qu’il avait essayé de secourir. ‘’Elle est tombée au sol et des talibés se dirigeaient vers elle pour la battre. Je me suis mis entre eux. Elle était blessée au front, c’est ce sang qui a tâché mon boubou. Je suis entré dans la maison du marabout pour l’informer. Mais j’ai rencontré Cheikh Faye qui a appelé le commandant‘’, assure Demba Kébé. Joueur dans une équipe de navétanes, l’assureur indique qu’un joueur de football ne saurait se battre.

Mamadou Guèye dit ‘’Malaka‘’, marié à deux épouses, ayant deux gosses, a perdu ses parents à l’âge de 19 ans. A la question du juge de savoir ce qui l’a le plus marqué dans sa vie, il souffle : ‘’J’ai perdu mes parents à l’âge de 19 ans. C’est la chose qui m’a le plus marqué dans ma vie.‘’ ‘’Vous faites partie des commandos ?‘’, interroge le juge. Mamadou rétorque : ‘’C’est quoi un commando ?’’ Leur échange n’ira pas loin, car le prévenu fond en larmes. Après s’être calmé, il explique : ‘’J’étais venu rendre visite au cheikh. Et je suis tombé sur la bagarre. Je me suis enfui, de peur d’être blessé.‘’

‘’Pourquoi vous appelle-t-on ‘Malaka’ ?‘’, interroge Thierno Niang. ‘’Je fais partie des grands ouvriers du cheikh. Partout où il y a des travaux, j’y vais pour participer aux chantiers. C’est pour cela qu’on m’a collé le surnom de ‘Malaka’. On ne m’a pas éduqué dans la violence‘’, ajoute-t-il.

Lorsque le procureur lui a demandé si le fait que le cheikh interdise à Bara Sow l’accès de sa résidence n’est pas source de violence, il a répondu : ‘’Je ne sais pas.‘’
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