La société civile, notamment la Rencontre africaine pour la défense des Droits de l'homme (Raddho) et le Comité départemental de protection de l'enfant (Cdpe) de Dakar, interpelle l’Etat sur la situation des enfants de la rue et des mendiants.
Le 22 juillet 2016, le chef de l’Etat avait décidé de retirer les enfants de la rue. Mais cela s’est vite estompé. En dehors de cette décision, la coordonnatrice chargée des programmes enfants au niveau de la Rencontre africaine pour la défense des Droits de l'homme (Raddho) rappelle que, depuis 10 ans, le statut des lois portant sur des ‘’daara’’, pour cadrer leur gestion et leur ouverture, a été pris. Mais depuis lors, on peine à adopter ce texte. ‘’Ce qui ressemblerait à une minimisation des droits des enfants. Un pays qui aspire à l’émergence, à un développement durable, devrait pouvoir investir sur ses enfants. Pour ce faire, le premier pas, c’est d’abord de les protéger contre toute forme de discrimination, d’exploitation, de maltraitance. L’Onudc, dans l’un de ses rapports d’études, a affirmé que la mendicité des enfants rapportait plus de 5 milliards de francs Cfa par an, rien que dans la région de Dakar. Alors, il y a lieu de se poser des questions’’, déclare Mame Kouna Thioye.
La coordonnatrice chargée des programmes enfants de la Raddho intervenait hier, lors d’un atelier de sensibilisation des journalistes sur le traitement des informations liées aux enfants. Sur ce, Mme Thioye souligne que les enfants à qui on doit protection, éducation, soins, affection, sont ‘’utilisés’’ pour qu’ils ‘’se prennent en charge’’ et, au-delà même, ‘’prennent en charge des familles entières’’. ‘’On se demande où est l’Etat. Nous l’interpellons, parce qu’il est temps d’agir. Le chef de l’Etat à parler de ‘Fast track’ par rapport à son second mandat. Nous attendons de voir ce ‘Fast track’ sur ces enfants. L’image que reflète le Sénégal, avec tous ces milliers d’enfants qui sont dans la rue, égratigne le pays qui est réputé être celui de la ‘téranga’. Il est temps qu’on retire tous ces enfants de la rue et qu’on mette fin à leur mendicité. C’est un combat pour la dignité humain. Car ces derniers subissent des traitements dégradants et inhumains’’, dit-elle.
En effet, cette défenseure de la cause infantile signale que l’enfant a des droits et des besoins. Et pour mieux prendre en charge ses besoins spécifiques, il y a des textes telles que la Convention relative au droit de l’enfant, la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant. Ceci pour un peu intégrer les réalités socio-culturelles de l’Afrique. ‘’Ces textes ont été adoptés respectivement par les Nations Unies (Nu) et l’Union africaine (Ua). Et l’Etat du Sénégal est partie de ces conventions. L’état d’application des dispositions relatives à la protection des droits de l’enfant est différent d’un Etat à un autre. Mais, au Sénégal, le constat est qu’il y a une non application des lois. Ce qui constitue des contraintes majeures pour avoir des résultats positifs en termes d’amélioration de leur situation’’, ajoute-elle.
Dès lors, Mme Thioye affirme qu’il y a une ‘’grande partie’’ des enfants qui ‘’sont laissés en rade’’. Or, l’un des principes fondamentaux qui régissent le droit des enfants, que ce soit dans la convention ou dans la charte, c’est celui de non-discrimination.
‘’Il n’y a pas une réelle politique’’ de protection de l’enfant
En réalité, le constat est qu’au Sénégal, d’après le point focal du Comité départemental de protection de l'enfant (Cdpe) de Dakar, Raoul François Latouffe, ‘’il n’y a pas une réelle politique’’ de protection de l’enfant. ‘’Parce qu’il n’y a pas de synergie au niveau des interventions. Celle-ci ne peut se faire qu’au niveau local, à partir des comités départementaux de protection de l’enfant. Au Sénégal, il y a plus de 53 000 enfants qui sont dans la rue, laissés pour compte. Il n’y a pas eu cette politique sociale de prise en charge des enfants. Nous demandons que les parents prennent leurs responsabilités. Ce sont eux qui confient les enfants à des personnes qui les maltraitent’’, fait-il savoir.
Il faut rappeler que, selon la cartographie des ‘’daara’’ réalisée en 2014 par la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (Cnltp), il est dénombré 54 837 enfants talibés répertoriés dans la région de Dakar. Parmi ces derniers, il y a 38 079 garçons et 16 758 filles. Et 50 % de l’effectif global pratique la mendicité. Un autre recensement effectué entre 2016 et 2017 a permis d’identifier plus de 14 000 talibés mendiants à Saint-Louis.
Dans ce processus de transformation sociale, de changement de paradigme par rapport à la protection de l’enfant, les médias ont un rôle important à jouer. Ce qui justifie le fait que ces acteurs ont pensé à travailler avec les comités départementaux de protection des enfants pour partager avec les professionnels des médias. Ceci pour voir comment les journalistes peuvent apporter leur contribution significative à ce combat. Mais tout en respectant les principes qui régissent la protection des droits de l’enfant. ‘’Le changement de communication commence par une communication de proximité. Au niveau institutionnel, l’Etat doit aussi se mettre en avant par rapport à la question’’, soutient le point focal du Cdpe.