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Abdoulaye Diallo ‘’La femme est au début et à la fin de tout’’
Publié le dimanche 7 avril 2019  |  Enquête Plus
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Ils ne sont que deux hommes à prendre part à l’exposition ‘’ExponentiELLES’’ initiée par un collectif de femmes. L’un d’eux, Abdoulaye Diallo, dont la toile interpelle tout visiteur, explique ici le fond du ‘’Banquet des épouses’’. Les choses vont d’une réflexion philosophique à une spirituelle.



Comment êtes-vous arrivé dans cette exposition de femmes en l’honneur des femmes ?

C’est très simple. L’année dernière, à l’occasion de la Biennale, ces mêmes femmes avaient organisé une expo ici, dans le cadre d’une association qui s’appelait ‘’Les dénouées’’. Je l’avais visitée et je leur avais laissé entendre qu’elle n’avait pas l’exclusivité de la femme et que, de toute façon, le 8 mars 2019, moi je rendrai hommage à la femme. Quelques jours avant le 8 mars, elles m’ont appelé par le biais de ma nièce Syra Bâ qui est fondatrice d’’’ExponentiELLES’’ pour me dire : ‘’Tonton est-ce que tu peux participer à un évènement que nous organisons. Nous avons pensé à toi comme panéliste sur la créativité.’’ Elle m’a expliqué le concept.

Et aujourd’hui, je participe au panel et à l’exposition, à travers ‘’Le banquet des épouses’’. Cette œuvre devait être la pièce maitresse de mon exposition sur la femme. C’est ainsi que je suis amené à participer à cette exposition que je trouve magnifique à tous points de vue. C’est la première fois que, dans l’histoire d’une exposition qui dure un mois, qu’on voit une certaine interculturalité se pratiquer. On a tout aussi bien la peinture que la photographie, la danse, le théâtre. Le concept m’a paru très, très fort, très intéressant et, naturellement, cette possibilité tous les samedis matins de se meubler le cerveau.

A quoi renvoie le titre de l’œuvre que vous présentez ici, ‘’Le banquet des épouses’’ ?

On était aux obsèques, Maguèye (Ndlr : Pr. Maguèye Kassé du Département des langues et civilisations germaniques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar) et moi d’une généreuse dame qui s’appelle Tata Aïda Sow qui est l’épouse du Pr. Barry. Lors d’une discussion que Maguèye a eue avec son ami Pr. Mamoussé Diagne, ils se sont souvenus d’un débat banal qu’ils ont eu dans les années 1980 à l’Université Cheikh Anta Diop et qui traitait du ‘’Banquet’’ de Platon. Cela m’a tapé aux tympans. J’ai dit à Maguèye que c’est super et pourquoi ne pas traiter du banquet des épouses. Parce que ces femmes-là qui ont réussi à supporter des hommes comme nous pendant des années, elles méritent réellement qu’on leur rende hommage. C’était aussi en me projetant sur le fait que, le 4 mars 2019, je devais fêter mes 40 années de mariage et 45 ans de vie avec celle qui est encore mon épouse. C’était pour moi l’occasion de lui rendre hommage.

C’était cela l’inspiration première. Quand j’ai mis la toile par terre, je me suis dit que, philosophiquement, il faut que j’aille dans un autre sens. D’abord, prendre le contrepied de Platon qui, lui, avait exclu la femme de son banquet, sauf la flûteuse qui avait quand même fini par sortir du banquet. Là, je vais donc donner place à la femme en sortant l’homme du ‘’Xawaré’’. Donc, ici, on ne voit l’homme sortir que pour servir à la femme ou pour la porter à un certain niveau. De fil en aiguille, je me suis dit qu’il me fallait des titulaires sur cette toile. Comme à chaque fois que je parle, j’ai envie d’installer ce que je dis sur des socles, des faits précis, j’ai décidé de ne parler de personnes que j’ai connues et qui m’ont offert ou de la générosité ou pour lesquelles j’ai un respect que je saurais expliquer.

Sur la toile, l’on reconnait Myriam Makéba, Mariama Bâ et Penda Mbow. Qui sont les autres ?

J’ai eu la chance de rencontrer Myriam Makéba en 1972, chez mes beaux-parents où elle était venue passer une soirée. On avait sympathisé. J’étais un jeune garçon et elle ne cessait de me chuchoter des mots gentils à l’oreille. Tata Mariama Bâ est la maman de beaucoup d’amis, particulièrement Mame Coumba qui est en plus l’épouse de mon grand ‘’goro’’ Boubacar Hann, en dehors de ce qu’elle a fait, particulièrement son fameux roman ‘’Une si longue lettre’’. Tata Aïda Sow est une dame que je ne connaissais pas avant mon exposition à la Bibliothèque universitaire. Ce qui m’avait fasciné chez elle, c’est qu’elle a visité l’exposition au moins sept fois pour son intérêt pour l’art. Elle servait de bâton de vieillesse à son époux le Pr. Barry.

Elle visitait l’expo et en fin de visite, elle s’arrêtait pour me dire : ‘’Jeune homme, pensant que j’étais comme certains de ces artistes qui ont un petit peu faim et habitant aussi Ngor, à midi, si vous voulez, vous pouvez passer chez nous, on n’habite pas loin, il y aura toujours une assiette pour vous.’’ Cette générosité est tellement rare de nos jours, dans ce pays. J’ai noté une première fois, une deuxième fois et la troisième fois, ce n’était pas elle. C’était le Pr. Barry lui-même qui m’adressait l’invitation, pensant que j’habitais trop loin, ne sachant pas que j’habitais juste derrière. Cela m’avait marqué. Je me suis dit que ce genre de dames, il faudrait qu’on les serve en modèle à la jeune génération. Accepter de vivre avec son mari, beaucoup plus âgé qui n’est pas tout à fait atteint de cécité, mais presque et se comporter comme un bâton de vieillesse, c’est quand même très, très rare dans nos sociétés.

Penda Mbow, je l’ai choisie aussi pour ses actes de générosité. Nous n’avons pas tout le temps partagé les mêmes combats. Nous avons même quelque part eu des points de divergence très forts. Mais j’ai été particulièrement touché par sa sincérité et sa générosité. Un jour, des amis m’ont appelé pour me dire : ‘’Est-ce que tu as suivi Penda dans ‘Grand jury’ ?’’ Je n’avais pas suivi. Ils m’ont dit que sans jamais avoir vu physiquement tes œuvres, elle a fait un témoignage extraordinaire, quand on lui demandé si la relève allait être assuré, après le décès de Ndary Lô. Elle a parlé de moi, comme si elle me connaissait et connaissait très bien ces œuvres, alors qu’elle ne les voyait qu’à travers Internet et ce qu’on lui disait. Ce respect, cette marque de générosité, cette grandeur d’âme, c’était pour moi très fort. Cela aussi, il faudrait qu’on l’enseigne à nos plus jeunes.

J’ai choisi comme titulaire Aminata Faye Kassé, l’épouse de Maguèye Kassé. Elle a été une femme très combattante et très engagée. Les titulaires que j’ai choisies sont toutes des femmes engagées, habitées des valeurs positives comme l’abnégation, le sens du sacrifice et qui ont une certaine générosité. Sur ce tableau, vous verrez aussi Anta Germaine Gaye ; j’ai été à l’Ifan visiter une des expositions qu’elle avait faite, ‘’Xawaré’’. C’est elle qui m’a inspiré pour le titre. Dans mon ‘’Xawaré’’, j’ai amené Anta, Mme Badiane, l’épouse de Boubacar Koné Sissy, toutes des femmes avec qui j’ai eu des relations de sympathie, d’amitié, de générosité, dans un sens et dans un autre.

Au-delà des valeurs morales, quel message se cache derrière cette toile ?

Ce qui était essentiel dans l’œuvre, au-delà des titulaires et des valeurs qui les habitent, c’est la femme tout simplement. La femme porteuse de vie, par son don d’enfanter. Le ventre de la femme est le réceptacle que s’est choisi le Créateur pour créer ou fabriquer ce qu’il a de plus cher sur cette terre : l’Homme. C’est dans le ventre de la femme que l’on trouve les empreintes de la vie. C’est dans le ventre de la femme que se crée l’Adn des uns et des autres, et qui fait de chaque homme un élément exclusif, mais un élément doté d’intelligence.

Donc, j’ai l’habitude de dire que la femme est celle qui doit transmettre l’histoire de l’humain. Seule la femme peut dire j’ai vécu proche de Dieu pendant 9 mois et, de manière intense, nous avons communiqué, parce qu’elle ressent l’évolution de l’enfant à l’intérieur de son ventre. La femme est, pour moi, tout. Elle est au début et à la fin de tout. Ce qui fait que j’aime la femme. Quand je le dis, on peut penser à des choses, j’aime la femme, du fait du vécu que j’ai eu et avec mon épouse que j’adore et avec ma maman qui m’a porté et protégé jusqu’à un certain moment et qui continue à me protéger d’ailleurs.

BIGUE BOB
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