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Cheikh Tidiane Gadio, sur le terrorisme et les mécanismes d’alerte précoce: ‘’L’épicentre du terrorisme mondial est en train d’être déménagé chez nous’’
Publié le mercredi 3 avril 2019  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DG
De retour à Dakar, Cheikh Tidiane Gadio rencontre la presse
Dakar, le 20 décembre 2018 - Cheikh Tidiane Gadio a animé une conférence de presse, ce vendredi à Dakar, quelques jours après son retour à au Sénégal après qu`il a été retenu en résidence surveillée aux États-Unis pendant plus d`un an par la justice américaine.
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Le président de l’Institut panafricain de stratégies, Cheikh Tidiane Gadio, est extrêmement préoccupé par la question terroriste, l’épicentre du terrorisme mondial en train d’être déménagé au Sahel, le dénuement du Mali devant les problèmes qui l’assaillent, le G5 qui peine à prendre en charge la question sécuritaire dans la sous-région... Il prend part, depuis hier, à Saly, à la Retraite annuelle du Mécanisme d’alerte précoce et de réponse de la Cedeao (Ecowarn) et préconise des solutions.

Bien que les pays d’Afrique fassent tout leur possible pour se protéger des terroristes, ils restent encore vulnérables. ‘’Nous nous rendons compte, à notre grande crainte, que les Africains ne mesurent pas assez la gravité de la situation du continent dans le domaine du terrorisme. C’est comme si les 150 à 200 000 morts de la guerre civile algérienne et sa composante contre le terrorisme n’avaient pas assez ému et préoccupé les Africains. Nous sommes convaincus que le continent n’a jamais été aussi menacé dans ses fondements qu’avec la migration des entrepreneurs du terrorisme mondial, chez nous en Afrique et dans le Sahel en particulier’’, prévient le président de l’Institut panafricain de stratégies, Cheikh Tidiane Gadio. Il prend part à la Retraite annuelle du Mécanisme d’Alerte précoce et de réponse de la Cedeao (Ecowarn) qui a démarré hier à Saly.

Pour lui, tant que l’Afrique refuse de mutualiser ses forces, il n’ira nulle part dans cette lutte. En effet, les terroristes ont déjà mutualisé leurs forces, leurs stratégies. Raison pour laquelle il invite les Etats à emprunter la voie de la mutualisation, de la solidarité. ‘’L’épicentre du terrorisme mondial est en train d’être déménagé chez nous. Comme si les maitres penseurs du terrorisme mondial ont compris nos trois grandes vulnérabilités. Tant que l’Afrique refuse de mutualiser ses forces, nous n’irons nulle part. Les terroristes se coordonnent, ils se concertent’’, déclare le Dr Cheikh Tidiane Gadio qui pense que l’insouciance des Africains ouvre la porte aux terroristes.

‘’C’est notre insouciance, poursuit-il, la faiblesse structurelle de nos Etats et le caractère erroné du paradigme fondateur de l’Afrique balkanisé, qui est aujourd’hui en voie d’hyperbalkanisation, qui ouvre la porte au terrorisme. C’est comme si le monde s’était entendu pour dire ceci : Puisque les Africains sont encore insouciants, qu’ils ont de vastes étendues dans le Sahara et dans le Sahel, qu’ils ont des paradis rêvés pour les jihadistes’’.

A ce propos, Cheikh Tidiane Gadio rappelle qu’en 2014, Boko Haram avait tué 6 600 personnes, dont certains égorgés, d’autres brûlés vifs, d’autres explosés, d’autres ligotés et jetés dans les fleuves, d’autres fusillés. Selon ses dernières informations, d’ailleurs, Boko Haram s’approvisionnerait directement à Misurata, en Libye, en argent et en équipements de guerre modernes. Pis, des camps d’entrainement sont ouverts en Libye. Ceux-ci multiplient désormais ‘’les confrontations directes avec l’armée nigériane à qui ils prennent des chars de combat et des munitions’’.

‘’Si le terrorisme est motivé par la pauvreté, tous les Africains seraient terroristes’’

D’où l’invite du président de l’Institut panafricain de stratégies à mutualiser les forces afin de faire face efficacement aux terroristes. ‘’L’international terroriste a scellé l’entente de plusieurs groupes terroristes, surtout ceux venus du Moyen-Orient. Qui a décidé de cibler le Tchad et son leader, qu’il considère comme le seul verrou qui les empêche de prendre tout le Sahel et pourquoi pas le Nigeria et le Cameroun, pays déjà très atteints et affectés par les attaques répétées‘’.

S’agissant des raisons qui pousseraient certains jeunes à intégrer des groupes terroristes, Dr Gadio pense que ce n’est pas la pauvreté qui les pousse vers l’extrémisme. ‘’On nous dit que les causes du terrorisme, c’est la pauvreté. Si le terrorisme est motivé par la pauvreté, tous les Africains seraient terroristes. Il y a des frustrations qui poussent les gens à entrer dans le terrorisme. Les extrémistes utilisent la vulnérabilité de nos continents. Les jeunesses africaines ne se reconnaissent plus dans la marche du continent, pour plusieurs raisons. Ces jeunes sont vulnérables et peuvent être recrutés par ces gens-là. Ces jeunes-là ne sont pas des immigrants, comme on les appelle. Ces jeunes sont en train de partir en exode’’, dit-il.

Et les jeunes quittent le continent, parce que l’Afrique ne leur a pas donné les raisons d’espérer. ‘’Voilà des jeunes qui vivent dans le plus riche des continents et on leur dit qu’ils sont pauvres. C’est ce que j’appelle les pauvres les plus riches au monde. Nous ne sommes pas pauvres, on nous a appauvris. Ces jeunes victimes de l’extrémisme violent nous interpellent tous. Il faut que l’Afrique redonne espoir à ces jeunes‘’.

La stratégie des pays du Moyen-Orient pour déstabiliser le continent

Ainsi, la cheville ouvrière de l’Ecowarn, ce sont les moniteurs qui ‘’ont une mission extrêmement risquée, mais extrêmement utile pour le continent africain’’, souligne Cheikh Tidiane Gadio. Car, ceux-ci jouent un rôle crucial dans l’opérationnalisation du mécanisme régional d’alerte précoce et de réponse. Dans les 15 pays de la Cedeao, ils ont pour mission la collecte d’informations sur les incidents.

Ainsi, selon M. Gadio, ‘’il est préférable d’avoir des Africains qui vont au secours de l’Afrique, avant que les crises et les conflits n’éclatent. Plutôt que de former de bons sapeurs-pompiers qui vont aller après éteindre les incendies. J’ai toujours cru en la force et en la valeur de la prévention des conflits en Afrique’’. Le président de l’Institut panafricain de stratégies est d’avis qu’il n’y a pas assez de réflexion sur le sujet entre les Africains, sans qu’il n’y ait aucune ingérence pour régler les problèmes de famille, à l’interne, sans forcing, sans violence.

Cette rencontre a été riche en confessions, car selon M. Gadio, des pays du Moyen-Orient sont soupçonnés par leurs analystes de financer des groupes terroristes et de développer une nouvelle stratégie d’accaparement des trois atouts de l’Afrique : terre fertile, eaux et forêts, des enjeux capitaux. Parce qu’ils estiment que ‘’les Africains ne sont pas aussi passionnés, aussi intéressés à défendre ces trois atouts’’, dit-il.

‘’Le Mali ne peut pas défendre 1 200 km2 par 30 000 hommes’’

La situation au Mali s’est aussi invitée aux discussions. Après avoir déploré le massacre qui s’y est produit, Cheikh Tidiane Gadio a souligné : ‘’Beaucoup d’analystes pensent que le Mali est en train de perdre le nord de son pays, avec un accord de paix que beaucoup trouve bancal. Que les protagonistes n’ont pas l’intention de mettre en œuvre, surtout les protagonistes qui prônent le séparatisme. Le Mali semble voir son centre lui échapper, tandis que des forces obscures semblent opérer dans la capitale, parfois avec des assassinats ciblés. Le Mali lutte pour avoir la paix dans son pays. Le Mali lutte pour se libérer. Le Mali est en phase offensive. Nous sommes convaincus que 1,200 million de km2 ne peuvent pas être défendus par 20 000 ou 30 000 hommes, surtout quand le pays est attaqué de toutes parts, du nord au centre‘’, dit-il.

Selon Cheikh Tidiane Gadio, ‘’le Mali a besoin de forces africaines combatives, des troupes d’élite prêtes à accompagner le pays pour sa libération totale. On parle de 50 000 à 60 000 hommes. On a trop attendu l’aide des autres. On a trop attendu le soutien des autres. Il est temps d’aller très vite. Le Mali ne peut plus attendre. Urgence absolue au Mali‘’. D’ailleurs, le massacre des Peuls le pousse à douter de la capacité des Etats à pouvoir lutter contre les extrémistes. Dr Gadio dénonce, en outre, l’information selon laquelle plus de 700 écoles ont été fermées dans la zone de Mopti, des chiffres à vérifier et qu’il juge extrêmement graves.

‘’On a besoin de renforcer le G5’’

Il est d’avis que des erreurs fondamentales ont été commises dans la constitution du G5. Car un pays comme le Sénégal a sa place dans cette force. ‘’A côté du Mali, le Burkina est particulièrement atteint. Militaires, gendarmes, douaniers et enseignants sont des victimes presque journalières d’assassinats, de bombes artisanales, d’attaques, de guérilla. En attendant, les forces spéciales du G5 ont l’arme au pied, attendant les financements demandés pour être opérationnels. Il est difficile d’exclure un pays qui s’appelle le Sénégal des pays du Sahel. Nous faisons partie des pays qui ont inventé le concept Sahel, avec le président Léopold Sédar Senghor. Le Sénégal avait une expérience à apporter. Et le Sénégal a été exclu. Nous n’avons pas compris que des puissances comme l’Algérie, le Maroc n’aient pas été invitées, dès le départ, à travailler avec le G5’’, s’étonne le Dr Gadio. Qui explique que le G5 a aussi besoin de l’Algérie et de son expérience, du Nigeria, du Maroc, du Cameroun.

‘’Pourquoi ne pas mutualiser nos forces ? Nous avons proposé de laisser le G5 rester le G5, mais de créer une dynamique appelée G5+5. On a besoin de renforcer le G5’’, assure-t-il.
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