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Acte de terrorisme et apologie du terrorisme - L’élève Saër Kébé s’excuse et risque 5 ans de travaux forcés
Publié le vendredi 29 mars 2019  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
La Justice poursuit son enquête dans l`affaire des violences électorales à Tambacounda
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Le parquet a requis, hier, 5 ans de travaux forcés contre l’élève Saër Kébé. Attrait à la barre de la chambre criminelle spéciale pour acte de terrorisme et apologie du terrorisme, l’ex-pensionnaire du lycée Demba Diop de Mbour sera édifié sur son sort le 10 avril prochain.


Brillant élève arrivé 2e du centre, lorsqu’il passait le Brevet de fin d’études moyennes, Saër Kébé a vu son avenir basculer, à cause de messages publiés sur les pages Facebook des ambassades des Usa et d’Israël, de l’armée israélienne et de la Radio West African Democracy (Ward). ‘’Vous soutenez Israël, nous jeunes révolutionnaires sénégalais préparons des attentats contre l’ambassade des Usa et d’Israël. Nous attaquerons tous vos intérêts. Nous préparons des attaques courant mai 2015 et vous serez détruits. Vive le Hamas’’. C’est, en substance, le contenu des messages qui ont été envoyés par l’ancien élève en terminale S au lycée Demba Diop de Mbour, en prison depuis avril 2016. Car, Saër Kébé a été arrêté et inculpé pour acte de terrorisme et apologie du terrorisme.

Attrait hier à la barre de la chambre spéciale criminelle, il a clamé son innocence. ‘’Je ne reconnais pas les faits. Je ne suis pas un terroriste et je suis contre le terrorisme’’, a déclaré l’accusé qui se dit tidiane et membre des moustarchidines. Aussi, a-t-il reconnu avoir pris peur, après avoir envoyé les messages. Il voulait les supprimer, mais n’a pas pu le faire. A l’en croire, son seul projet, c’était d’obtenir le Bac et qu’il n’avait aucun projet d’attentat, ni les moyens pour le faire, mais a juste agi sous le coup de l’insouciance.

Les regrets et larmes de Saër Kébé

Sur les raisons de ses publications, Saër Kébé a argué avoir été choqué et troublé par des images qu’il a vues sur Youtube, en faisant des recherches pour un exposé dont le sujet portait sur le rôle des Américains dans le processus de décolonisation au Proche-Orient. Lorsque le président lui a demandé de quelle vidéo s’agissait-il, il a répondu : ‘’Ce sont des femmes enceintes et enfants tués comme des mouches, lors d’un bombardement des Israéliens à Gaza.’’ ‘’Est-ce que vous aviez besoin de faire des menaces ?’’. A cette question du président, l’accusé a répondu : ‘’Je voulais dénoncer cette injustice, mais la menace d’attentat contre Israël n’était pas réelle et c’était juste pour défendre la cause palestinienne. J’étais jeune et immature, mais je ne connais même pas les sièges des ambassades américaine et israélienne.’’

Le juge de revenir à la charge : ‘’Vous avez joué avec le feu. Est-ce qu’on doit jouer avec des faits aussi graves ?’’ ‘’C’est une erreur de ma part’’, a répliqué Saër Kébé. Et le président de lui rétorquer : ‘’C’est plus qu’une erreur, mais une faute. On ne joue pas à ce jeu de menace d’attentat. J’aurais compris, si vous l’aviez fait une fois, mais à longueur de journée.’’

Face à ces remarques du juge, l’accusé s’est confondu en excuses. ‘’Je regrette ce qui s’est passé. Mes études sont perdues et ma famille souffre’’, a-t-il dit, avant de fondre en larmes.

Circonstances atténuantes

Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à adjoindre les pseudos ‘’Ben’’ et ‘’Al Khakam’’ sur son profil, Saër Kébé Ben Khakam s’en est expliqué. Le Ben, c’est en référence au joueur français Ben Arfa et le second lui a été affabulé par un camarade de classe. Mais, pour la représentante du parquet, quelles que soient les motivations de l’accusé, les faits sont établis. Car les publications de Saër Kébé ont suscité un sentiment de terreur. ‘’Dès lors qu’il a rédigé des menaces, le délit d’acte de terrorisme est établi’’, a soutenu la parquetière. Elle estime également que l’infraction d’apologie est constante, avec l’usage de l’outil informatique ayant servi à diffuser les messages.

Toutefois, la parquetière considère que l’accusé, 24 ans, mérite des circonstances atténuantes. C’est pourquoi elle a requis 5 ans de travaux forcés.

Prenant la parole, Me Abdoulaye Tall a soutenu que leur client mérite plutôt l’acquittement, car même une peine assortie du sursis peut le traumatiser. L’avocat, qui est aussi l’oncle de l’accusé, s’est beaucoup appesanti sur la personnalité de ce dernier. ‘’Saër Kébé a reçu une bonne éducation et n’a aucun lien avec le terrorisme. C’est un garçon qui jouait, peut-être. Il ne savait ce qu’il faisait. Vous avez en face de vous un garçon pieux qui a toujours aidé sa famille. Ses passions sont le sport, les études et les dahira’’, a fait savoir le conseil, estimant que le dossier pouvait être classé sans suite.

Et pour Me Babacar Ndiaye, n’eût été la note de l’ambassade des Usa, l’élève ne serait pas arrêté. Encore que Me Faty est persuadé que ‘’tout ce que les Usa voulaient savoir, c’était s’il appartenait à un réseau terroriste. Mais ils se sont rendu compte qu’il cherchait le buzz’’. C’est pourquoi, argue Me Abdou Dialy Kane, le directeur régional chargé de la sécurité de l’ambassade n’a pas été entendu dans le cadre de la procédure qui, de l’avis de Me Moussa Sarr, n’est pas établie. Parce que, argue-t-il, ‘’l’accusé n’est pas djhadiste, mais un militant de la cause palestinienne’’. Et selon lui, ‘’ce n’est pas parce qu’il a commis des propos antisionistes qu’il a voulu commettre un acte terroriste. Pour cela, il faut un projet hautement mûri. Or, en l’espèce, il n’y a pas de projet, ni d’attentat déjoué’’.

Politique répressive du Sénégal

Après avoir revisité la géopolitique pour expliquer le terrorisme, l’avocat a déploré la politique répressive du Sénégal. ‘’Je veux bien qu’on lutte contre le terrorisme, mais il faut qu’on fasse preuve de lucidité. On ne peut pas être dans un pays où vous êtes arrêté lorsque vous visitez un site djihadiste’’, s’est plaint Me Sarr, avant d’inviter les juges à tendre la perche à leur client. ‘’C’est un garçon qui a déraillé ; il était dans l’émotion. Il doit être renvoyé pour qu’il puisse s’inscrire, dès la prochaine rentrée’’, a-t-il conclu. Me Kane a déclaré, pour sa part, qu’‘’il n’y a pas de terrorisme dans cette affaire, ni d’apologie, mais des critiques contre Israël pour les actes commis contre la Palestine’’.

Mieux, la robe noire ajoute qu’en l’absence d’une entreprise individuelle et collective, on ne peut pas parler de terrorisme. ‘’On veut nous amener à avoir peur de notre religion. Il faut arrêter le mimétisme judiciaire, car il n’y a pas de terroriste au Sénégal’’, a fulminé Me Kane. Me Assane Dioma Ndiaye, qui a bouclé les plaidoiries, a demandé le renvoi des poursuites pour absence de base légale. Car, selon son argumentaire, au moment de l’arrestation de l’accusé, la loi ne prévoyait pas les menaces comme actes de terrorisme.

A la suite de ses avocats, Saër Kébé a réitéré ses excuses et sollicité la clémence des juges.

La chambre spéciale rend son verdict le 10 avril prochain.

FATOU SY
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