Secrétaire national, porte-parole de la Ligue démocratique, Moussa Sarr plaide pour le maintien de la coalition Benno Bokk Yaakaar, après la réélection du président Macky Sall. Dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, le ‘’Jallarbiste’’ invite l’opposition à répondre à la main tendue du président de la République Macky Sall, pour le bien du pays et de sa démocratie. Il se prononce aussi sur les perspectives au sein de Bby et les risques d’implosion. Entretien.
Le président de la République, Macky Sall, a été réélu avec 58,26 % des suffrages des Sénégalais. Score que l’opposition rejette et juge préfabriqué. Quelles appréciations faites-vous de cela ?
Permettez-moi d’abord de me réjouir de la réélection de notre candidat le président Macky Sall dès le 1er tour de l’élection présidentielle du 24 février 2019. Il a été effectivement notre candidat, car c’est le 8e Congrès ordinaire de notre parti, la Ligue démocratique, tenu les 13 et 14 octobre 2018, qui avait investi le candidat Macky Sall, après avoir procédé à une évaluation exhaustive de son premier mandat. Ensuite, au nom de la Ld, je félicite le peuple sénégalais qui a fait, encore une fois, preuve de maturité et d’esprit de responsabilité.
Les résultats de cette élection indiquent clairement l’adhésion du peuple sénégalais aux politiques publiques mises en œuvre depuis 2012. En rejetant ces résultats, sans être en mesure de produire des preuves matérielles, l’opposition a fait montre d’une mauvaise foi et ses leaders ont été de mauvais perdants. J’ai été surpris et déçu d’entendre certains d’entre eux soutenir que les résultats de l’élection présidentielle sont préfabriqués. En effet, lorsqu’on aspire à diriger son pays, on doit faire preuve d’exigence envers soi-même et produire les preuves de ses allégations. Sinon, on n’est pas crédible et digne de la confiance de ses concitoyens.
Et, d’ailleurs, quelle est cette logique qui veut que les résultats soient préfabriqués là où le président Macky Sall a gagné et qu’ils ne le soient pas là où l’opposition a gagné ? Cela n’a pas de sens. L’opposition a été battue à plate couture, parce que plutôt que d’élaborer des offres politiques crédibles, elle s’est contentée, depuis le référendum de 2016, d’attaques crypto-personnelles. Le peuple sénégalais est mature et ne peut pas remettre ses destinées à des aventuriers ou à des mains inexpertes. La gestion des affaires de l’Etat n’est pas un jeu d’enfant.
Comment appréciez-vous la posture d’une frange de l’opposition qui menace de mettre en place un gouvernement parallèle le jour de la prestation de serment du chef de l’Etat ?
Cette posture relève de l’enfantillage. Qu’une frange de l’opposition imagine la mise en place d’un gouvernement parallèle, montre à quel point elle est dans le désarroi. Je pense qu’elle doit faire beaucoup d’efforts pour être à la hauteur des exigences de notre démocratie. Hélas, jusqu’ici, l’opposition sénégalaise ne fait que des propositions farfelues, irréalistes et irréalisables. Ils ont passé tout le temps à crier urbi et orbi ‘’Pas d’élection si tel et tel ne sont pas candidats’’, ‘’Le candidat Macky Sall ne battra pas campagne’’, ‘’L’élection présidentielle n’aura pas lieu’’. Rien de tout cela ne s’est produit. Et, aujourd’hui, ‘’On mettra en place un gouvernement parallèle’’. C’est simplement ridicule. Mais, en tout état de cause, l’Etat devra assumer la plénitude de ses responsabilités.
Comment voyez-vous l’avenir de la coalition Bby avec les positionnements des uns et des autres ?
Chaque partie prenante de la coalition Bby est riche de notre expérience commune depuis 2012. Beaucoup de prétendus observateurs de la scène politique avaient prédit la dislocation de notre coalition, au lendemain de la présidentielle de 2012. Compte tenu de l’apport inestimable de la coalition Benno Bokk Yaakaar dans la gouvernance et la stabilité politique et sociale du pays, je pense que tous les membres de Bby doivent tout faire pour préserver notre coalition. La poursuite du compagnonnage au sein de Benno est gage de stabilité du pays. Pour ce qui la concerne, la Ld a réaffirmé son ancrage dans Benno.
Au moment où l’Afp déclare qu’elle va présenter un candidat en 2024, le Ps appelle à un retour de ses bannis pour remobiliser ses bases en perspective des prochaines batailles électorales. Comment voyez-vous tout cela ?
Il est évident que chaque parti a la liberté d’analyser la situation nationale et de dégager des perspectives qui lui sont propres. Je n’en dirai pas plus. Mais la Ligue démocratique a indiqué clairement qu’il est souhaitable de discuter de nos positions à l’intérieur de la coalition pour harmoniser nos points de vue.
Est-ce à dire que le compte à rebours de la dislocation de la coalition Bby est déclenché ?
Non. Je ne pense pas. Je ne vois pas les raisons pour lesquelles il faut craindre la dislocation de Bby. En tout cas, la Ld est déterminée à tout mettre en œuvre pour le maintien de Bby.
Pensez-vous que la coalition Bby puisse survivre à Macky Sall et à son régime ?
Oui. Il n’y a pas de raison qu’elle ne survive pas. C’est le Sénégal qui a besoin de Bby. Depuis 2012, le peuple sénégalais a montré son attachement à notre coalition. C’est donc à nous de la préserver au-delà de 2024. Et la Ld mettra tout en œuvre pour qu’il en soit ainsi. D’ailleurs, la question que nous nous posons, c’est pourquoi ne pas avoir un candidat unique de Benno en 2024 ? C’est dans l’ordre du possible et à notre portée.
Quel avenir pour cette coalition ?
Je l’ai déjà dit. Son avenir est radieux. Il dépend essentiellement des différentes parties prenantes. Benno sera ce que nous en ferons. A la Ld, on ne se fait pas d’inquiétude là-dessus.
Et la Ld dans tout cela ? Est-ce qu’elle se prépare à l’après-Macky Sall ?
Bien évidemment ! La Ld n’a pas de limite d’espace, ni de temps. Et la trajectoire de notre parti le démontre amplement. Nous sommes en train de mettre en œuvre les conclusions de notre 8e Congrès ordinaire. Le moment venu, nous prendrons position et la rendrons publique.
Comment appréhendez-vous l’après-Macky Sall qui est en train de faire son deuxième et dernier mandat ?
Il est prématuré et très prématuré d’envisager, à ce stade, l’après-Macky Sall qui n’a même pas encore prêté serment. Dans la mesure où nous sommes à l’orée d’un deuxième mandat, nous mettons le focus, à la Ld, sur le contenu et les perspectives de transformation sociale, politique et économique pour que nous fassions plus et mieux que le premier. C’est sur ça que le peuple souverain, qui a renouvelé sa confiance au candidat de Benno Bokk Yaakaar Macky Sall, nous attend. Nous devons mériter cette confiance et éviter les débats prématurés et stériles.
Le président de la République a, au lendemain de sa réélection, invité la classe politique ainsi que les autres segments de la société à un dialogue national. Quelle appréciation faites-vous de sa démarche ?
Je pense qu’il faut saluer la démarche, la porter et la soutenir pour le seul bénéfice du Sénégal. En ce sens, l’opposition, en particulier, doit rompre d’avec sa logique de désertion des espaces de discussion et de dialogue, car la démocratie sénégalaise ne se perfectionnera que par et dans le dialogue de tous les acteurs. Chacun de nous doit être modeste et ouvert comme l’a montré le président Macky Sall.
Le président Macky Sall va bientôt mettre en place son gouvernement. D’aucuns espèrent un gouvernement de rupture. Quelles sont vos attentes ?
Un gouvernement est avant tout politique. Sous ce rapport, nos attentes seront posées et discutées dans les cadres appropriés. En outre, le président Macky Sall a sillonné le pays, formulé des propositions auxquelles les Sénégalais ont massivement adhéré. Il s’y ajoute que c’est un homme d’Etat qui en a l’expérience. Ainsi, le gouvernement à venir sera à la hauteur des attentes de tous les Sénégalais.
Le couplage des élections est aussi agité au sein même de la coalition Bby. Qu’en pensez-vous ?
Notre position est sans équivoque. Chaque élection a sa propre logique. Si vous interrogez l’histoire des élections dans notre pays, le découplage n’est intervenu qu’à partir de 1993. Et ce après une réflexion lucide sur le couplage qui ne permettait pas de mettre en exergue la spécificité de chaque élection. Sans évoquer les problèmes de transparence que cela posait. Aujourd’hui, qu’on nous dise clairement ce qu’un retour au couplage peut apporter à la vitalité de notre démocratie. Si la plus-value attendue est simplement une économie sur le coût des élections, c’est qu’on n’a pas bien compris que la démocratie a un coût qu’il faut payer pour la stabilité politique et la paix civile. L’absence de démocratie, d’ailleurs, coûte encore plus cher. Pour toutes ces raisons, nous sommes pour le respect du calendrier électoral actuel.
Comment voyez-vous l’avenir de la gauche qui semble aujourd’hui complètement absorbée par le président Macky Sall ?
C’est votre propre lecture. Je vous la concède. Cependant, la réalité est tout autre. Nous sommes dans une alliance stratégique dans laquelle chaque composante véhicule et défend son identité et ses intérêts propres adossés à notre engagement à servir le peuple sénégalais. Et aujourd’hui la politique du président Macky Sall est en phase, pour l’essentiel, avec notre sensibilité de gauche, comme en atteste son immense chantier pour la réduction des inégalités sociales et territoriales. A la Ld, nous ne versons pas dans l’idéologisme et dans le dogmatisme. Nos positions sont toujours articulées à l’analyse lucide de la réalité. Aujourd’hui, c’est cette réalité qui dicte notre attitude dans l’espace politique.
N’allons-nous pas vers une recomposition politique, après les Locales de 2019 ?
L’avenir nous le dira. En tout cas, nous à la Ld, nous sommes préparés à toutes les éventualités. Notre option première et pour laquelle nous allons nous investir est que Bby présente des listes consensuelles dans toutes les collectivités territoriales. Depuis 2012, à chaque fois que notre coalition est allée ensemble à des élections, elle les a remportées. Il nous faut maintenir la même dynamique victorieuse pour les Locales de 2019. J’appelle toutes les parties prenantes de Bby à faire preuve d’esprit de responsabilité et d’ouverture pour la confection de listes consensuelles.