Le parquet a requis, hier, 20 ans de travaux forcés contre Hamady Dia. Le tailleur est accusé d’avoir tenté d’assassiner la veuve de son oncle qui n’est personne d’autre que la gynécologue Dr Rokhaya Thiam.
N’eussent été ses cris, la célèbre gynécologue Dr Rokhaya Thiam serait certainement passée de vie à trépas, le 9 août 2017. Ce jour-là, elle a été victime d’une tentative d’assassinat d’un des neveux de son défunt époux. Il ressort des éléments de la procédure que des membres de son ex-belle-famille en voulaient à la gynécologue, qu’ils accusent de s’être emparée de l’héritage de son défunt mari. C’est ce qui semble être le mobile du crime de Hamady Dia. Le jour des faits, il s’était rendu au domicile de la partie civile, mais le gardien ne l’a pas laissé entrer, car cette dernière se trouvait à sa clinique.
Seulement, au lieu de partir, le visiteur s’est caché dans un endroit d’où il est ressorti à l’heure de la pause. Le toubib avait quitté sa clinique pour s’introduire dans son domicile situé à côté. ‘’Ils ont échangé en pulaar, puis elle m’a demandé de le laisser entrer’’, a rapporté le gardien au cours de l’enquête. Une fois à l’intérieur, l’accusé lui a emprunté la somme de 400 000 F Cfa. Dr Thiam, qui ne disposait pas du montant, lui a offert un billet de 10 000 F Cfa. Par la suite, Hamady a demandé la permission pour faire ses ablutions, car c’était l’heure de la prière de 14 h. Alors que la dame était assise autour de la table à manger, elle a senti une corde se nouer autour de son cou. Alors que son bourreau continuait à l’étrangler, elle a commencé à crier. Ses cris ont alerté le gardien qui est venu à sa rescousse.
D’après toujours les mentions de la procédure, en entendant le responsable de la sécurité venir, Hamady a sauté du balcon et quitté la maison, laissant sa tante suffoquer. Ayant retrouvée sa patronne près des escaliers et très essoufflée, la secrétaire a appelé les éléments de la section de recherches de la gendarmerie qui, à leur arrivée, ont trouvé une corde et un burin sur place. Pendant que les pandores menaient leurs investigations, le suspect a quitté Dakar pour se rendre au Fouta, plus précisément dans un village frontalier avec la Mauritanie. L’enquête révèle qu’après les faits, l’accusé s’est rendu à Thiaroye, a vidé son compte Orange money, avant de disparaître.
D’après les enquêteurs, il a tenté de se suicider, à deux reprises, le même jour. Il a, dit-on, voulu se jeter à la mer, mais des pêcheurs de Thiaroye l’en ont dissuadé. Il a récidivé au Fouta, en voulant se jeter dans le fleuve. Toujours est-il qu’Hamady s’est finalement rendu, après 13 jours de cavale, puisque sa mère avait été arrêtée.
L’accusé plaide non coupable
Entendu sommairement, il a reconnu les faits. Par la suite, Hamady a tenté de limiter sa responsabilité en plaidant la démence, soutenant qu’il lui arrive souvent de faire des choses qu’il oublie ensuite. Devant le magistrat instructeur, l’inculpé a complètement changé de version. Attrait hier devant la chambre criminelle de Dakar, l’accusé a réitéré ses dénégations, niant catégoriquement avoir attenté à la vie de sa tante. Hamady a laissé entendre qu’il s’était rendu chez elle, sur son invitation, et tous les deux discutaient sans anicroche.
‘’Il était 13 h-14 h. A un moment, elle est entrée dans sa chambre et, à sa sortie, l’expression de son visage a changé. Elle m’a menacé et a commencé à m’insulter’’, a allégué l’accusé, soutenant que la victime l’a piégé, car elle nourrit une haine envers sa famille. Il a également contesté la paternité des objets trouvés par les enquêteurs. ‘’Si je les avais apportés, je ne les aurais pas laissés sur place’’, s’est-il défendu.
Face à ses dénégations persistantes, le président lui a fait voir des photos montrant des œdèmes retrouvés au cou de la victime. Mais l’accusé a campé sur sa position, prétextant que les gendarmes l’ont torturé pour lui extorquer ses aveux. ‘’Vous contestez tout ce qu’on vous reproche, alors que vous vous êtes enfui le même jour. Vous avez tenté de vous suicider, à deux reprises. Vous avez sauté du balcon, en restant en cavale pendant 13 jours, comme un gangster’’, lui a fait remarquer le substitut Saliou Ngom. Qui a également rejeté les allégations de l’accusé selon lesquelles la victime haïssait sa famille, puisque c’est elle qui héberge toujours l’un des oncles qui vit en France. Pour lui, la seule chose avérée dans cette affaire, c’est que Hamady a tenté d’ôter la vie de Dr Rokhaya Thiam. Pour la répression, il a requis 20 ans de travaux forcés.
Me Daff : ‘’L’accusé est une personne instable mentalement’’
Cependant, Me Abou Aboul Daff estime que l’état de santé de son client n’est plus compatible avec la détention. En fait, si lors de son incarcération il n’était pas infirme, Hamady est devenu un handicapé moteur. Il a comparu dans un fauteuil roulant et son avocat considère que le laisser en prison pour 20 ans, c’est le condamner à mort et tuer sa mère. Surtout que, de l’avis de Me Daff, l’accusé est une personne instable mentalement. Il s’y ajoute que son confrère, Me Mor Samb, estime que la présence du burin ne peut pas constituer une preuve, encore moins les traces notées autour du cou de la victime. A en croire la robe noire, non seulement celle-ci s’adonne à la dépigmentation, mais les traces sont grandes, alors que la corde est mince. Au regard de ces arguments, il a plaidé l’acquittement au bénéfice du doute ; à défaut, une application bienveillante de la loi.
La chambre criminelle rend son délibéré le 2 avril prochain.