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Locales 2019 et législatives 2022: Pertes et profits d’un couplage pour Macky Sall
Publié le mercredi 13 mars 2019  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Sommet du NEPAD sur le financement des infrastructures en Afrique à Dakar
Dakar, le 15 Juin 2014- Le Sommet de Dakar sur le financement des infrastructures en Afrique s’est ouvert à Dakar, dimanche matin, en présence de trois chefs d’Etats d`Afrique de l`Ouest. Ils ont insisté sur la nécessité de briser toute dépendance vis-à-vis de l’extérieur, en privilégiant les financements sur ressources propres dans la mobilisation de ressources pour la réalisation de projets. Photo: Macky Sall, président de la République du Sénégal
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Elu au premier tour de l’élection présidentielle du 24 février 2019 avec 58,26 %, le président de la République nouvellement réélu pourrait surfer sur son plébiscite pour sortir victorieux des élections locales de décembre 2019 et des législatives, en cas de couplage. Seulement, des élections législatives anticipées mettraient en jeu sa forte majorité à l’Assemblée nationale devant une opposition sortie ragaillardie du dernier scrutin présidentiel.

L’idée est agitée, au lendemain du scrutin présidentiel du 24 février 2019. Néo-transhumant, c’est le leader du mouvement Oser l’avenir qui met sur la place publique cette proposition. Depuis, le débat se pose avec acuité dans le landerneau politique sénégalais et chacun y va de son propre commentaire et de ses intérêts du moment. Dans la coalition de la mouvance présidentielle Benno Bokk Yaakaar, les avis sont partagés. Si, au sein de l’Alliance pour la République (Apr) au pouvoir, l’idée d’un couplage des élections locales de 2019 avec les législatives de 2022 ne déplait pas, au Parti socialiste d’Ousmane Tanor Dieng et à l’Alliance des forces de progrès de Moustapha Niasse, on considère qu’elle est prématurée et inopportune.

‘’Il est vrai que certains agitent la possibilité de coupler les locales de 2019 avec les législatives de 2022. Nous au Ps, nous estimons que c’est vraiment très prématuré de poser ce débat qui est à la fois inutile et inopportun. Puisque nous venons de sortir de l’élection présidentielle il n’y a même pas une semaine. Le président de la République sortant n’a même pas encore prêté serment qu’on veuille poser ce débat sur la place publique. C’est inopportun’’, a déclaré le porte-parole adjoint du Ps, jeudi dernier, à l’issue de leur Secrétariat exécutif national. Selon Me Moussa Bocar Thiam, le Ps a l’habitude de discuter de choses concrètes, de débats sérieusement posés. Donc, souligne-t-il, il est inopportun de tout de suite enchainer sur des questions électorales et politiques qui n’ont pas leur objet en ce moment. ‘’Pour nous, ce n’est pas encore à l’ordre du jour’’, soutient-il.

Pour sa part, le chargé des élections de l’Afp, Bouna Mouhamed Seck, estime qu’un couplage des élections pourrait certes contribuer à harmoniser le calendrier républicain, mais serait lourd de conséquences politiques. ‘’La dissolution de l’Assemblée nationale peut être un outil pour harmoniser le calendrier républicain, mais elle peut être également périlleuse, dans la mesure où les citoyens deviennent de plus en plus exigeants’’, avertit le directeur de cabinet de Moustapha Niasse.

On peut comprendre cette position des socialistes et des progressistes et des alliés de l’Apr qui risquent d’être mis à rude épreuve, en cas de législatives anticipées, vu l’appétit vorace des ‘’apéristes’’ qui voudront leurs piquer leurs postes à l’hémicycle qui ne sont pas loin de la portion congrue (voir ailleurs). Si, en plus de cela, il leur faudra également défendre les mairies qu’ils occupent actuellement, cela fait beaucoup. Ils n’ont aucun intérêt à une recomposition qui risque de se faire à leur détriment. Puisque de nombreux transhumants frappent à la porte des postes et prébendes.

6 élections en 7 ans

A l’analyse des rapports de force en présence dans le landerneau politique sénégalais et des résultats issus du scrutin présidentiel du 24 février dernier, l’on se poserait légitimement la question de savoir que peut exactement gagner ou perdre le régime, en dissolvant l’Assemblée nationale et en convoquant des élections législatives anticipées. D’abord, il est indéniable qu’un couplage des élections locales de décembre 2019 avec les législatives de 2022 contribuerait à régulariser le calendrier républicain déréglé avec le prolongement du mandat présidentiel de 5 à 7 ans par le président Macky Sall qui, en 2016, a renoncé à sa promesse faite en 2012 de faire un mandat de 5 ans.

Il permettrait ainsi de coïncider le mandat présidentiel avec celui des maires et des députés pour, non seulement revenir à l’orthodoxie, mais aussi éviter au pays d’être dans une perpétuelle campagne électorale, comme c’est le cas depuis 2012 avec la présidentielle et les élections législatives de la même année, les locales de 2014, le référendum de 2016, les législatives de 2017 et enfin la présidentielle de 2019. Ce qui veut dire qu’en sept ans, le Sénégal sous Macky Sall a organisé 6 élections, compte non tenu des élections du Haut conseil des collectivités territoriales en septembre 2016. Il apporterait ainsi plus de visibilité et de lisibilité dans le calendrier républicain.

Aussi, le couplage des élections dans un contexte préélectoral serait bénéfique pour le régime en place. Plébiscité à l’issue du scrutin présidentiel du dimanche 24 février 2019 avec 58,26 % des suffrages valablement exprimés, le président de la République Macky Sall a jusqu’ici le vent en poupe. Il dispose davantage de marge de manœuvre qui lui permet, d’ici aux élections couplées, de surfer sur son plébiscite, de consolider sa victoire, d’élargir les bases de sa coalition à d’autres forces politiques et d’affiner sa stratégie pour aller à la conquête des 42 % autres Sénégalais qui n’ont pas voté pour lui en 2019. La nature des élections législatives aidant avec le système du ‘’raw gaddu’’, Macky Sall pourrait rafler les sièges dans les 40 départements où il est arrivé premier à l’issue du scrutin présidentiel du 24 février 2019.

Fort aujourd’hui de plus de 500 maires qui vont jouer leur survie politique aux prochaines locales de décembre 2019, Macky Sall pourrait également peser sur la balance, en engageant la bataille lui-même dans les zones où il a été défait, comme dans le Baol, désormais sous le contrôle d’Idrissa Seck, et dans certaines parties du sud du pays tombées dans l’escarcelle d’Ousmane Sonko. Aussi, aurait-il la possibilité, en cas de couplage des élections, de mettre en jeu le poste de président de l’Assemblée nationale qu’occupe depuis 2012 le leader progressiste Moustapha Niasse. Un dauphin à cette station pourrait être mieux préparé pour le positionner en perspective de la présidentielle de 2024. Puisqu’il ne fait aucun doute que les responsables en vue lorgnent sur ce poste pour servir leurs desseins présidentiels.

Majorité confortable

D’un autre côté, on peut voir qu’aucun prétexte ne milite aujourd’hui en faveur d’un couplage des élections. Au sein de l’hémicycle, lieu par excellence du débat politique et républicain, aucune situation de nature à entraver l’application des politiques publiques par une opposition quelconque ne se pose. Le président de la République nouvellement réélu dispose jusqu’ici d’une écrasante majorité, à la limite mécanique, qui lui sert de bras armé et qui lui permet, en toute circonstance, de faire passer les lois qu’il désire appliquer. Sur les 165 députés qui siègent à l’Assemblée nationale, le président Macky Sall contrôle les 120 renforcés récemment par les récents ralliements notés à l’hémicycle.

Encore que, sur ces 129 députés que compte désormais la galaxie Benno Bokk Yaakaar, l’Apr se taille la part du lion, avec 88 députés, loin devant ses alliés dont le Ps qui en compte 14, l’Afp 6 seulement, la Ld 1, le Pit 1, le Rsd/Tds 2, Bunt bi 1 et le mouvement de Mously Diakhaté 1, entre autres partis alliés. C’est dire que, contrairement à la 12e législature où le parti présidentiel était complètement dépendant de ses alliés du Ps et de l’Afp pour faire fonctionner sa majorité, le président Macky Sall dispose à lui seul d’une forte majorité dans la 13e législature. Itou au sein des collectivités locales où, sur les 557 maires, la coalition de la majorité contrôle les 500 dont plus de la moitié sont de l’Alliance pour la République.

Idrissa Seck et Ousmane Sonko dans une tendance montante

Dans le fond comme dans la forme, un couplage des élections municipales et législatives à venir pourrait beaucoup contribuer à harmoniser le calendrier républicain et faire coïncider le mandat présidentiel avec celui des députés et des maires des différentes collectivités locales du pays. Mais il pourrait être lourd de conséquences politiques, si on sait que le président de la République nouvellement réélu va, dans ce cas, mettre en jeu cette majorité confortable, que ce soit au sein de l’hémicycle ou à la base dans les collectivités locales.

Surtout que, s’il devait y avoir couplage des élections, il interviendrait dans un contexte où il faut faire très attention avec les chiffres sortis des urnes, compte tenu du parrainage qui a conduit à 5 candidatures, les absences de Khalifa Sall et Karim Wade et le boycott de Me Abdoulaye Wade. Bien qu’il soit réélu avec 58,26 % des suffrages valablement exprimés, le président Macky Sall, en termes de pourcentage, fait moins que l’élection présidentielle de 2012, au sortir de laquelle il a été élu avec 65 % des suffrages des Sénégalais, à l’issue du second tour. Macky Sall a vu son électorat s’effriter d’abord aux élections législatives de la même année avec 53,06 %, puis en 2017 où il a eu un peu plus de 49 % devant une opposition qui, malgré l’exil de Karim Wade et l’emprisonnement de l’ancien maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall, s’est ragaillardie et a vite repris du poil de la bête.

De 2017 à 2019, Macky Sall a fait un bond d’un peu plus de 9 points qui se traduit en suffrage à 2 555 426 voix contre 1 637 761 voix aux législatives de 2017. Soit, plus 917 665 voix. Toutefois, Idrissa Seck réalise une meilleure progression, passant de 7,8 % en 2012 (212 853 voix), à 20,50 % en 2019 (899 556 voix), soit un bond de plus de 13 points en sept ans. Idem pour Ousmane Sonko qui, au sortir de sa première participation à une élection présidentielle, a fait mieux qu’Idrissa Seck en 2007, avec 15,67 % de l’électorat sénégalais.

Si ces tendances se maintiennent jusqu’en décembre 2019, Idrissa Seck et Ousmane Sonko pourraient faire mieux qu’en février 2019. Encore qu’en cas de couplage des élections en décembre prochain, ils pourraient maintenir intact la configuration de leurs coalitions respectives qui ont d’ailleurs de fortes chances de se renforcer davantage.

Mieux, le Pds, qui a observé une neutralité à l’élection présidentielle qui a plus profité à Macky Sall qu’à ses challengers, pourrait constituer sa coalition et aller à la conquête du suffrage des Sénégalais pour être représenté une nouvelle fois à l’Assemblée nationale et essayer d’engranger le maximum de mairies possible, afin de se positionner pour 2024.

Aussi, le retour d’exil de Karim Wade et la libération de Khalifa Sall, posés comme préalable par l’opposition pour répondre à l’appel au dialogue national émis par le président de la République, changeraient-ils complètement la donne et pourraient affaiblir davantage la coalition Bby dont la survie politique dépend du positionnement des uns et des autres en perspective de 2024 où, en principe, Macky Sall n’est pas candidat.

Enfin, au sortir des dernières élections législatives, l’opposition déclarait avoir retenu les leçons de son retentissant échec dû à son émiettement.

Jurisprudence Chirac

Quoi qu’il en soit, le président de la République semble aujourd’hui guetté par le syndrome Jacques Chirac. L’ex-président français qui, en début de septennat, a, à la surprise générale, décidé de la dissolution de l’Assemblée nationale où il avait pourtant une majorité confortable. Jacques Chirac, estimant à l’époque que les réformes dont la France avait besoin, nécessitaient "une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l'action" a, deux ans après son entrée à l'Elysée, dissout la majorité parlementaire qui soutenait le gouvernement d'Alain Juppé, parce que tout simplement, celle-ci est divisée. Les conséquences de cette dissolution surprise de l’Assemblée nationale française se sont soldées par un revers à l’issue des élections législatives. Ce qui a abouti à une cohabitation qui lui a mené la vie difficile tout au long de son septennat, avant qu’il ne soit sorti d’affaire par Jean-Marie Le Pen, à l’issue du second tour de l’élection présidentielle de 2002 où il était donné perdant.
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