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Avenir des “Wadistes“ et “Khalifistes“: Deux clans, même défi
Publié le lundi 11 mars 2019  |  Enquête Plus
Karim
© aDakar.com par DR
Karim Wade et Khalifa Sall
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Au sortir du scrutin présidentiel du 24 février dernier, beaucoup d’observateurs ont mis le focus sur les scores honorables d’Idrissa Seck et d’Ousmane Sonko. Peu se sont demandé ce que seraient leurs résultats dans un scrutin où seraient présents le Parti démocratique sénégalais et Khalifa Sall et ses partisans. Il faut noter que les destins de ces deux camps politiques comportent bien des ressemblances, des divergences. Mais, aujourd’hui, force est de constater qu’ils ont également le même défi.

Comparaison n’est certainement pas raison. Mais, au vu de l’actualité politique post-électorale, deux sorts ont particulièrement suscité l’intérêt d’’’EnQuête’’. Il s’agit de l’avenir du Parti démocratique sénégalais (Pds) et celui de Khalifa Ababacar Sall qui, ayant été exclu du Parti socialiste, n’a plus de formation. Deux forces politiques indéniables qui n’ont pas eu la chance de participer aux dernières joutes électorales. Comme s’ils étaient liés par un même sort, ces deux camps qui, jusque-là, étaient considérés par certains comme les principales forces de l’opposition, ont vu leur candidat être écarté pour le même motif : une décision de justice les condamnant à cinq ans ou plus. Quelle est désormais leur place sur l’échiquier politique national ?

Il faudra attendre pour se faire une religion. C’est du moins ce que semblent dire deux analystes politiques, en l’occurrence Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, et son collègue Ndiogou Sarr, spécialiste de droit public et auteur de l’ouvrage ‘’Médiation et Démocratisation’’. Pour le premier, ‘’on ne peut dire qu’ils (les camps de Khalifa et du Pds) sont perdants, parce qu’ils n’ont pas participé à la Présidentielle’’. Le second confirme : ‘’Pour cette élection, il est impossible de faire une évaluation objective de leur poids électoral respectif. Moi, je pense que dans un scrutin où ils participeront, ces deux forces auront des arguments à faire valoir.’’

Mais malgré ces mises en garde, certains se sont adonnés à des conjectures de toutes sortes, les reléguant à l’arrière-plan au bénéfice d’Idrissa Seck et Ousmane Sonko qui, en leur absence, se sont classés deuxième et troisième. Même le débat autour du potentiel chef de l’opposition est de plus en plus agité. Ndiogou Sarr, lui, considère que c’est un débat prématuré qui peut être nocif pour l’opposition. ‘’Je pense, affirme-t-il, que c’est un débat qui peut créer la confusion dans l’opposition. C’est à éviter pour l’opposition, du moment que tous les paramètres ne sont pas réunis pour jauger la force des uns et des autres. Pour moi, il est un peu malsain de poser un tel débat au sortir de ce scrutin. On avait l’occasion de le matérialiser en 2016, quand il venait d’être adopté au référendum. Abdoulaye Wade incarnait l’opposition parlementaire et il était également deuxième de la Présidentielle. En 2017 aussi, cela s’est confirmé. Cette fois, rien ne permet de dire quelle est la force qui se détache par rapport aux autres’’.

Moussa Diaw : ‘’Les jeux restent ouverts’’

A en croire Moussa Diaw, attention à ne pas ‘’tuer’’ trop vite les deux ténors. ‘’Les jeux, dit-il, restent ouverts. Dans des élections futures, les ex-recalés, en particulier Khalifa et Karim, qui était le candidat du Pds, pourraient revenir en force. Mais à cause de leur absence, Idy et Sonko ont fait une percée que personne ne peut négliger. C’est ce qui pousse d’ailleurs certains à qualifier Idy comme étant le nouveau chef de l’opposition. Il a su profiter d’une conjoncture politique favorable qui lui a permis de renforcer sa position. Il a aussi profité des ralliements ainsi que du vote de l’électorat dispersé du Pds’’.

Outre le fait qu’ils aient été exclus du processus par le même article 31 du Code électoral, les camps de Khalifa et du Pds partagent également leur vie politique en dents-de-scie. Avec des instants de gloire et des moments de déclin. Même si c’est à des sphères différentes. En effet, si le rayonnement du Parti démocratique sénégalais est plutôt national, on ne saurait en dire autant du camp de Khalifa qui a surtout montré sa puissance à Dakar.

Les vicissitudes d’une vie parsemée d’embûches

Depuis la perte du pouvoir en 2012, le Parti démocratique sénégalais, mainte fois annoncé mort, se bat comme un diable pour continuer de rayonner dans un environnement politique en profonde mutation. Le parti de Me Wade voudrait certainement renouer avec cette dynamique de victoire qui le fuit depuis cette date. Une tâche qui sera d’autant plus ardue que la formation a perdu nombre de ses militants de premier plan. Mais, pour autant, le Pds a toujours su se surpasser et se placer à la deuxième place, à toutes les élections auxquelles il a participé depuis lors. Avec la dernière présidentielle, c’est encore la rengaine de l’hécatombe prochaine dans le parti libéral. Ndiogou Sarr semble s’inscrire en faux. ‘’Je ne vois pas, dit-il, un avenir sombre pour le Pds qui est un parti classique, qui s’est toujours identifié par rapport à son créateur. On ne saurait donc parler de disparition du Pds dans un avenir proche, car il a toujours un capital sympathie très important. D’ailleurs, lorsque Wade a dit qu’il va boycotter, cela a suscité une certaine peur, surtout du côté de l’opposition. Finalement, il est revenu sur sa position, en disant qu’il comprendrait ceux qui voteraient pour trois des candidats de l’opposition’’.

Malgré ce semblant de vitalité, le parti libéral a souffert de multiples défections, depuis qu’il n’est plus aux affaires. En effet, du dernier gouvernement du président Abdoulaye Wade, rares sont ceux qui sont encore dans la barque libérale pour défendre le legs de leur ex-mentor. Si la plupart ont simplement transhumé vers les prairies marron-beige, il y en a qui ont préféré prendre leur retraite, d’autres étant dans des positions encore très confuses. Par exemple, dans l’ordre protocolaire de ce dernier gouvernement, il y avait les ministres d’Etat Madické Niang, Abdoulaye Diop, Cheikh Tidiane Sy, Ousmane Ngom, Moustapha Sourang, feu Djibo Leyti Kâ, Awa Ndiaye, Bécaye Diop, Oumar Sarr, Karim Wade, Abdoulaye Baldé, Aïda Mbodj, Abdoulaye Makhtar Diop, Ndèye Khady Diop…

Voilà sans distinction les 14 ministres avec portefeuille qui avaient les rangs les plus élevés dans ledit gouvernement. Tous, à l’exception de son propre fils Karim Wade, du Sg adjoint Oumar Sarr et, dans une moindre mesure Me Madické Niang, ont abandonné le navire. Au plus, sur un gouvernement de 38 ministres, moins de 5 s’activent encore aux côtés du ‘’Pape du Sopi’’ pour défendre son bilan ainsi que son héritage. Il faut aussi souligner que, dans ce gouvernement de Wade, il y avait beaucoup de technocrates qui, avec la raclée subie en 2012, ont préféré prendre tout bonnement leur retraite dans la sphère publique. On peut citer parmi ces derniers des personnalités comme l’ancien ministre de l’Economie et des Finances Abdoulaye Diop, le ministre de la Justice d’alors Cheikh Tidiane Sy, feu Hamath Sall qui était le ministre de l’Agriculture, Cheikh Guèye…

Certains ont même su se recycler dans le nouveau régime. Parmi eux : Moustapha Sourang qui avait en charge les Forces armées, Amadou Niang du Commerce… La troisième catégorie, ce sont tous ces responsables politiques qui ont eu tous les honneurs avec le ‘’Pape du Sopi’’, mais qui n’ont eu aucun mal à l’abandonner, dès l’instant qu’il n’avait plus de strapontins à distribuer. Les plus en vue sont Modou Diagne Fada, Awa Ndiaye, Souleymane Ndéné Ndiaye, Aliou Sow, Kalidou Diallo, Sada Ndiaye, Mamadou Lamine Keita…

Sans risque de se tromper, on peut dire que plus de 80 % de cet attelage gouvernemental ont abandonné leur ancien patron. Et c’est pour ne citer que les ministres.

Gare aux conclusions hâtives

Le paradoxe est que, si la saignée n’a pu être évitée depuis les législatives de 2012, le poids électoral, lui, a su évoluer dans un sens contraire. Ce qui renforce cette analyse de Ndiogou Sarr qui estime que : ‘’Tant que Me Wade sera là, le Pds restera le Pds, avec des militants et sympathisants qui lui seront fidèles. Par contre, un retrait de Wade pourrait entrainer des conséquences. Mais même là, ce ne sera pas au point de créer sa disparition, à mon avis. Le parti a les ressorts pour survivre à ces péripéties.’’ Si l’on se fie aux résultats du parti libéral, lors des différentes échéances électorales, on serait tenté de le croire. Par exemple, malgré les multiples défections depuis 2012, le parti a doublé son score entre les législatives de 2012 et les locales de 2014. A l’époque, dans un communiqué, ils se réjouissaient d’être passés de 298 846 voix (aux législatives de 2012) à 550 000 voix (élections départementales). Aussi, se félicitaient-ils d’avoir gagné ‘’plus d’une centaine de collectivités locales dont 15 capitales départementales, 2 capitales régionales et plusieurs communes de plein exercice’’.

Trois ans plus tard, aux législatives de 2017, la progression du parti a été stoppé net, mais le parti pourra évoquer le fait que les gens n’aient pu voter dans l’un de ses fiefs qu’est le département de Mbacké. En effet, seuls 2 000 voix environ se sont ajoutées à son score. La formation ayant obtenu 552 095 voix. Là également, les poulains de Wade ont dû faire face au départ d’autres militants y compris des élus locaux qui avaient un encrage social pas des moindres. Et la saignée s’est encore poursuivie à la Présidentielle. Sauf que là, il faudra attendre les prochaines élections pour pouvoir établir l’impact de tels départs.

‘’Khalifa peut bel et bien rebondir’’

Si la Présidentielle se jouait uniquement à Dakar, ça fait longtemps que Khalifa Ababacar Sall serait président de la République. De 2009 à 2014, il a, en effet, été imbattable dans la capitale. Lors des élections législatives de 2014, le maire déchu avait encore montré toute sa puissance, en raflant la quasi-totalité des communes. Seuls les villages lébous de Ngor Ouakam, Yoff, ainsi que la ville de Gorée avaient échappé à son diktat. Les dernières élections législatives de 2017 ont été sa première expérience nationale. Moussa Diaw salue ses performances : ‘’Ses résultats étaient acceptables comme aux locales de 2014. D’autant plus que cette fois, il était en prison.’’

Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Une bonne partie de ses maires ayant transhumé vers la majorité présidentielle. Sur les mairies qu’il contrôlait, il en a perdu plus de 10. On peut citer les Hlm, Grand Dakar, Sicap-Liberté, Fass-Colobane-Gueule Tapée… Les dernières en date étant les Parcelles-Assainies et la Patte d’Oie.

Malgré tout, si l’on en croit Moussa Diaw, les ‘’khalifistes’’ pourraient bien revenir sur la scène, s’ils parviennent à se départir du goulot judiciaire qui étrangle leur leader. ‘’C’est vrai qu’il a subi des revers, lors des législatives et de cette présidentielle, mais il faut savoir que les consignes ne peuvent pas marcher à 100 %. En tout état de cause, rien n’est définitif en politique. Khalifa peut bel et bien rebondir et faire oublier cette situation. On n’est jamais mort politiquement. Les gens peuvent disparaitre et réapparaitre. Tout est encore ouvert dans le champ politique. Khalifa a les capacités, il a les ressources et les militants sont là. Il pourrait les retrouver, s’il sort de prison’’.

Avec la Présidentielle, estime-t-il, on ne peut dire qu’il a avancé ou reculé. ‘’Ce qui est sûr, c’est que son avenir politique est intact. Ce sera plus compliqué pour le Pds, à mon avis’’. Quant à Ndiogou Sarr, il rétorque à ceux qui disent que Khalifa et Karim sont les grands perdants du dernier scrutin, en ces termes : ‘’Ils sont perdants, dans la mesure où on les a privés de leur droit d’aller briguer les suffrages des Sénégalais pour cette élection. Mais Khalifa et le Pds jouissent encore de leur popularité et de leur avenir politique. Cela dépend de ce qu’ils vont en faire.’’ La pression, selon lui, devrait plutôt être du côté de Sonko et d’Idrissa Seck. Les prochaines élections locales seront, pour toutes ces forces, un test grandeur nature.
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