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Avis d’inexpert par Jean Meïssa Diop: Selon que le patron de presse est partisan…
Publié le dimanche 3 mars 2019  |  Enquête Plus
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Elle est malheureuse, la presse sénégalaise, de nouveau accablée, accusée de partialité dans la publication (par des chaînes de radio et de télévision) de premières tendances des résultats de l’élection présidentielle du 24 février 2019. Des accusations de manipulations et d’être manipulée, d’usage de faux, d’intoxication (ces phénomènes qu’il est recommandé à tout journaliste d’éviter absolument et de toutes ses forces et de tout son professionnalisme). Rfm s’était, de nouveau, attaché les services d’un informaticien pour analyser les chiffres recueillis à sources incontestées par ses reporters déployés à travers des centres de vote, et voilà le pauvre expert dont tout le monde avait, lors de précédentes élections, reconnu le professionnalisme, sous les avanies et les attaques ad hominem… Certain sieur (pourtant défenseur international des Droits de l’homme, plutôt que de défendre le droit de Thiakane à une identité exacte) fit, sur sa page Facebook, un calembour de mauvais goût, en faisant rimer son patronyme avec ‘’balivernes’’ (‘’thiakhane’’). Le statisticien en était à sa sixième prestation, au soir d’une élection sénégalaise.

Pourtant, depuis 2000, voire 1996 aux législatives de mai, alors que la radio privée en était à ses balbutiements au Sénégal, la presse a fait ce travail de publication des premières tendances de résultats de scrutins au point que le public salua ce que partout à travers le monde on a reconnu comme ‘’le rôle de premier ordre que la presse sénégalaise a joué dans la transparence des élections au Sénégal’’. D’aucuns, plus forts en leur élan, affirmèrent que ‘’sans la presse, il n’y aurait pas eu alternance en 2000’’. Et les journalistes sénégalais, ainsi reconnus dans leur rôle de garants de la transparence de scrutins, ne rompirent plus, ni avec ce rôle ni avec cette formule de couverture d’un événement électoral. Dès lors, on peut se demander ce qui, le 24 février 2019, n’a pas marché dans l’approche désormais immuable des reporters et des organes de presse ; qu’est-ce qui a été vrai en 1996, 2000, 2007, 2012, 2017 et a fait défaut en 2019 ?

La réponse est, en partie, dans la réflexion du journaliste Mame Gor Ngom qui, sur sa page Facebook, se demande : ‘’La configuration actuelle de la presse lui permet-elle réellement de jouer le rôle qu'elle a joué en 2000, en 2007 et en 2012 ? Le paysage médiatique a connu des bouleversements réels. L'exception sénégalaise qui consiste à se faire une religion sur les résultats du scrutin avec l'apport considérable des journalistes, montre aujourd'hui des limites. Le discrédit gagne du terrain. Si nous sommes obligés d'attendre les instances habilitées (qui sont ce qu'elles sont - sic) pour se faire une opinion claire, c'est qu'il y a vraiment problème dans notre espace médiatique si prisé.’’

L’engagement à tout crin de propriétaires d’organes de presse derrière un candidat (ou précisément Macky Sall, candidat à sa succession) a ouvert la porte à toutes les suspicions et accusations injustes contre les journalistes y travaillant. Le choix du propriétaire est perçu comme ayant influencé le travail des journalistes. Si la méga star et ancien ministre de la Culture Youssou Ndour ne s’était pas affiché comme soutien de Macky Sall, la curée contre son groupe de presse Futurs médias n’aurait pas été si féroce et si déraisonnable. Mais Rfm n’est pas seule dans cette situation. Le groupe Dmedia de Bougane Guèye Dany a été aussi pointé du doigt, pour avoir pris fait et cause pour la coalition Idy2109. D’ailleurs, Bougane a été le premier à déclarer sur sa chaine de télévision (Sen Tv) que le 2e tour était inéluctable. Certains des employés ont même eu des prises de bec avec leurs invités sur le plateau (Ameth Aïdara contre Abdou Khafor Touré, Ndiaye Doss contre Me El Hadj Diouf). Pendant ce temps, sur le plateau de Walf Tv, Pape Alé Niang ‘’prêchait’’, lui aussi, pour un deuxième tour. C’est dire…

Ainsi, tout compte fait, l’analyse de la ligne éditoriale d’un organe de presse comprend un point qui se trouve être ‘’l’identité du propriétaire’’ ; viennent ensuite le nom de l’organe de presse, l’identité des journalistes, les opinions de ces derniers et le contenu des informations publiées. Prenez en compte tous ces éléments et vous saurez analyser une ligne rédactionnelle. Même un fabricant de jouets d’enfants peut (si, si et oui, oui) avoir une ligne éditoriale et d’éthique, en refusant, par exemple, de fabriquer des articles susceptibles de nuire, d’une manière et d’une autre, au petit usager.

Cependant, par leur force de caractère et leurs convictions professionnelles, leur sens de l’éthique et de la déontologie, les journalistes peuvent imposer à leur patron une ligne d’équilibre et d’honnêteté.

Dans le déchaînement des camps politiques contre des organes de presse et les déclarations comminatoires des candidats malheureux Idrissa Seck et Ousmane Sonko, on lira un certain dépit de ce que la presse incriminée n’ait pas été de leur côté en relayant la vérité qui n’en était pas forcément une. Et des journalistes ont favorisé un manichéisme créant une presse pro et une autre anti. C’est malheureux et il faut corriger cette trajectoire. Qui a connu la presse des années 70, 80 et surtout 90, la chérira pour son professionnalisme. Aujourd’hui, des loups sont entrés dans la bergerie de la presse. Et nombre de ces prédateurs sont des journalistes eux-mêmes qui ont choisi d’être plus politiciens, plus ‘’connivants’’ (donc de parti pris) plus affairistes que professionnels.

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