Karim Wade, le fils de l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade dont il fut conseiller et ministre, restera en prison où il croupit depuis un an en attendant son procès, prévu en juin, pour "enrichissement illicite" à hauteur de 178 millions d’euros.
"Karim Wade reste en prison et sera jugé dans deux mois pour enrichissement illicite", a affirmé à l’AFP une source proche du ministère sénégalais de la Justice.
Selon cette source, le juge d’instruction a signé "une ordonnance renvoyant" M. Wade, qui fut conseiller puis ministre de son père président (2000-2012), devant une cour spéciale qui le jugera. Elle ne s’est pas prononcée sur le montant en cause.
Le renvoi de M. Wade en procès a été confirmé à l’AFP par un de ses avocats, Me Mohamed Seydou Diagne, qui précise que le montant en cause est passé de 800 milliards de FCFA (1,2 milliard d’euros) à 117 milliards de FCFA (178 millions d’euros). "C’est une accusation qui ne correspond à rien du tout", a affirmé Me Diagne.
"Nous avons été surpris et déçus par l’arrêt de renvoi", a déclaré Me El Hadj Amadou Sall, un autre avocat de Karim Wade.
"Nous exigeons, comme il été renvoyé devant (une cour), que ce ne soit pas un procès expéditif ou clandestin" mais un "procès public", afin que "l’opinion comprenne ce qui s’est passé", a ajouté Me Sall.
D’autres prévenus, dont le nombre n’a pas été précisé, ont été renvoyés devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale réactivée par le nouveau président Macky Sall après son élection en mars 2012 face à Abdoulaye Wade, selon la même source. Ils sont poursuivis pour "complicité d’enrichissement illicite, assistance et aide".
Au moins deux autres prévenus, dont un ancien conseiller en communication de Karim Wade, ont bénéficié d’un non-lieu.
M. Wade avait été inculpé et écroué pour six mois le 17 avril 2013 à Dakar, accusé d’avoir acquis de manière illicite divers biens, dont des sociétés, des terrains et des véhicules, estimés à 694 milliards de francs CFA (1 milliard d’euros).
Il avait ensuite été à nouveau inculpé et maintenu en détention pour six mois supplémentaires le 16 octobre 2013, dans un autre volet de l’affaire concernant l’origine douteuse de 98,6 milliards de FCFA (plus de 150 millions d’euros) déposés, selon l’accusation, dans une banque à Monaco.
Et à quelques heures de la fin de l’instruction, un nouveau compte à Singapour, de 45 milliards de FCFA (plus de 68 millions d’euros), lui a été attribué cette semaine.
- "Lettre à la Banque mondiale" -
Les avocats de Karim Wade ont écrit mercredi au président de la Banque mondiale (BM), Jim Yong Kim, pour dénoncer la "nouvelle accusation fantaisiste et mensongère" que constitue le nouveau compte à Singapour.
"Nous vous demandons de bien vouloir saisir immédiatement les autorités de Singapour pour rapatrier ces prétendues sommes d’argent qui existeraient dans ce prétendu compte", affirment-ils dans une lettre publiée par la presse locale.
Ils mettent les accusations contre leur client sur le compte d’une "manipulation grotesque pour (l’)empêcher de se présenter" à la présidentielle de 2017 contre le président Sall.
La BM collabore avec Dakar dans le cadre de l’initiative Star (Stolen Assets Recovery, pour la restitution des avoirs volés), qu’elle a lancée en 2007, en partenariat avec l’Office des Nations unies contre la drogue et la criminalité (ONUDC). Star vise à aider les pays en développement à recouvrer les avoirs détournés par des dirigeants corrompus.
Karim Wade a refusé la semaine dernière de répondre aux questions des juges de la commission d’instruction de la CREI. "Les poursuites contre moi sont politiques et fantaisistes", a-t-il assuré dans une déclaration publique.
Le ministre de la Justice, Sidiki Kaba, avait déclaré mardi que Karim Wade aurait droit à "un procès juste et équitable" s’il était traduit en justice. "Tous ceux qui sont impliqués dans la traque des biens supposés mal acquis bénéficient de la présomption d’innocence, y compris Karim Wade".
Karim Wade, 45 ans, a eu d’immenses pouvoirs pendant la présidence de son père, au point d’être surnommé "ministre du Ciel et de la Terre" ou "ministre de l’Univers".