Le monde de l’art contemporain en Afrique est en deuil. La mort de Bisi Silva a été annoncée par sa soeur aînée, l’actrice bien connue du monde de Nollywood, Joke Silva. L’art perd une activiste fondamentale, une pionnière, une combattante, que le cancer a fini par vaincre, à l’âge de57ans. Quand on commence à enquêter sur ce secteur montant du continent, le nom de Bisi Silva surgit immédiatement, et dès l’entretien téléphonique, depuis Lagos, en anglais, (même si Bisi, qui a étudié à Paris les langues étrangères avant de se former au Royal College of Art à Londres, parlait français mais n’osait pas...) on sentait déjà l’énergie au bout de la voix. Confirmée de visu par celle émanant d’une petite femme ronde, chaleureuse, au sourire éclatant, qui a ouvert dans son pays natal en2007sa propre structure indépendante, le Center for Contemporary Art», (CCA).
En tant que commissaire, de Thessalonique à Dubaï en passant par la Biennale de Venise, Bisi Silva marqua aussi et profondément Bamako: elle fut en effet la directrice artistique de la 10e Biennale africaine de la photographie. C’était en 2015, les Rencontres ressuscitaient de manière inespérée dans la capitale après la crise malienne qui avait mis le pays comme entre parenthèses et la photographie africaine en panne de plaque tournante.
Conter le temps
Bisi Silva a incarné à Bamako avec toute l’équipe de cette année-là, le recours salvateur de l’art pour les photographes du continent, qui devaient tant à ce foisonnement de talents. Elle a multiplié les ateliers entre le Mali et le Nigeria, et «failli pleurer», nous confiait-elle, lors de celui mené avec de jeunes artistes maliens. L’exposition internationale, en 2015, lui devait son beau thème «telling time»:39 photographes défiaient le pari de «conter le temps».«Le passé et le présent, plus que le futur», constatait alors Bisi Silva, qui avait fait afficher de grands tirages sur les grilles de l’Institut français du Mali, «aller vers la population» était son souhait. Parmi les expositions qu’elle signait, il y avait ce magnifique hommage, au musée du District, à l’oeuvre d’ungrand photographe nigérian qu’elle a aidé à faire connaître au-delà de ses célèbres coiffes: J. D. ’Okhai Ojeikere (1930-2014). Plus récemment, on la retrouvait à Dakar, d’une biennale à l’autre, la dernière lui ayant inspiré le commissariat d’une exposition tout à fait originale: «The......