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Décryptage économique - Le Pr. Abdoulaye Seck déchiffre l’offre de Sonko
Publié le mercredi 6 fevrier 2019  |  Enquête Plus
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Pour convaincre les Sénégalais de voter pour eux, les 5 candidats à la présidentielle font des offres politiques sur le plan économique et social. Interrogé par ‘’EnQuête’’, l’économiste Abdoulaye Seck, par ailleurs Professeur à l’Ucad, décrypte l’offre faite par le leader du parti Pastef, Ousmane Sonko.



Candidat de ‘’l’antisystème’’ et de la ‘’rupture’’, Ousmane Sonko a décliné, dès les premières heures du démarrage de la campagne électorale, les points phares de sa vision économique pour mettre le Sénégal sur les rails de l’émergence. Ainsi, il a annoncé, ce dimanche, son intention de ‘’réformer le système fiscal’’, de ‘’baisser les impôts’’, de ‘’renégocier les contrats pétroliers et gaziers’’, bref, de faire du pays une ‘’économie souveraine’’. Le professeur d’économie à la faculté des Sciences économiques et de Gestion (Faseg), Abdoulaye Seck, décrypte cette offre économique.

De prime abord, il précise que la phase de campagne électorale est celle de l’expression de l’offre politique. ‘’Elle répond essentiellement à la donne, d’autant plus que si on est opposant, généralement, on tend à amener une offre qui pourrait apporter une distinction comparée à ce qu’on a connu. Il s’agit, également, de puiser au niveau de la demande populaire crédible ou pas, des éléments qui pourraient attirer ou capter cette demande électorale’’, explique-t-il au téléphone d’’’EnQuête’’.

Ainsi, le Pr. Seck souligne que la souveraineté économique est un concept auquel on n’attribue pas un sens économique ‘’important’’. ‘’Parce que nous sommes dans un monde de plus en plus imbriqué avec des espaces d’intégration économique régionale. Ce qui veut dire que la politique économique se fait maintenant dans un cadre de coopération qui nécessite une certaine harmonie, des efforts individuels’’. De ce fait, d’après lui, si on parle de souveraineté, c’est parce qu’on n’avait pas cette liberté de décider de son propre sort économique. ‘’Ce qui n’est pas réellement le cas au Sénégal. Lorsqu’il s’agit de définir les ambitions politiques, programmes, qui vont dans le sens d’améliorer l’activité économique, nous avons cette autonomie’’, signale l’économiste.

Pour lui, ce qu’on sous-entend derrière ce concept, ce sont les accords monétaires que le Sénégal a avec la France, dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). ‘’Là, il s’agit de s’y prendre de façon relativement intelligente pour éviter d’imposer aux populations des coûts économiques et sociaux qui n’ont pas été prévus à l’avance. Lorsqu’on est dans un cadre intégré et qu’on veut se retirer, que ça soit monétaire, économique, l’idée, c’est de peser le pour et le contre’’, préconise le Pr. Seck.

Ainsi, l’économiste indique qu’il va de soi que lorsqu’on a une autonomie monétaire, on a le pouvoir de décider de son destin économique et monétaire de façon autonome, en fonction de ses priorités de développement. Pour ce faire, il faut prendre en compte le fait qu’on est dans un espace économique et monétaire régional ou international qui dicte la prise en compte de certains paramètres dans ces décisions-là. ‘’La rupture pourrait avoir lieu avec la France, mais il faudrait que ça soit de façon concertée, apaisée, bien réfléchie. Parce que la politique économique ne saurait souffrir d’humeur économique’’, prévient le professeur. Selon qui les pays qui ont pu aller dans ce sens-là ont dû payer un coût ‘’très élevé’’, pas tellement les dirigeants, mais les populations. A qui on a essayé de vendre ces offres politiques qui, à un moment donné, étaient toutes ‘’l’expression d’humeur personnelle’’, que de ‘’réflexion poussée’’ qui prend en compte l’interdépendance des économies dans ce contexte de mondialisation.

‘’On a effectivement besoin de réformes fiscales’’

Toutefois, sur la politique fiscale annoncée par le leader du parti Pastef, l’économiste admet qu’on a ‘’effectivement besoin’’ de réformes fiscales. ‘’On ne peut pas continuer à s’endetter, à compter sur des ressources externes. Il faut mobiliser le potentiel des ressources intérieures et le faire de façon à pouvoir encourager l’activité économique’’, dit-il. Mais, poursuit notre interlocuteur, quand on parle de réformes, ce n’est pas uniquement dans le sens d’une baisse. Pour ce qui est de l’impôt, l’assiette est très hétérogène, en termes de contribuable, de taux. ‘’Il faudrait voir quels sont les secteurs qui ont besoin d’ajustement fiscal, pas seulement dans le sens de la baisse. Mais ça peut être dans le sens de la hausse. Si on peut aussi penser à des exonérations fiscales, des réductions qui vont dans le sens de relancer l’activité économique, générer des richesses. Si ces mécanismes fiscaux sont suffisamment impératifs, il faut aller dans le sens de la baisse’’, souligne l’universitaire.

Cependant, le Pr. Seck estime que si on veut relancer l’activité économique, il faudrait penser ce dynamisme dans son tout. Car l’activité économique ‘’n’a pas uniquement besoin’’ de l’incitation fiscale pour se lancer. Il y a, d’après lui, ‘’tout un ensemble’’ de facteurs qu’on regroupe dans le terme ‘’climat des affaires’’. Pour la plupart des réflexions qui se font dans ce sens, il y a la réforme fiscale, le coût de la main-d’œuvre, les échanges qu’on a avec le reste du monde, le temps pour importer ou exporter un produit, etc. C’est ce qui fait dire à l’économiste que dynamiser l’activité économique devrait être un ‘’coup bien réfléchi’’ et ne pas y aller par ‘’miette’’. Mais chercher une ‘’approche holistique’’ qui prend en compte l’ensemble des facteurs qui freineraient l’activité économique et ceux qui l’encouragent.

‘’C’est la somme qu’il faudrait mettre sur la table. On peut parler même d’une véritable politique industrielle. Malheureusement, depuis plus d’une dizaine d’années, on n’en a pas une digne de ce nom’’, renchérit-il. C’est-à-dire celle d’une vision qui pourrait partir des potentialités, de l’existant, afin de faire un diagnostic des contraintes et voir quelles sont les mesures à prendre en compte de façon à pouvoir rendre l’environnement des affaires suffisamment attractif. Pour permettre non seulement aux acteurs existants, mais aussi à ceux qui pourraient rejoindre le marché de pouvoir contribuer à la création de richesses dans un schéma de dynamisme qui peut profiter à toute la population.

‘’La politique économique n’est pas l’affaire d’un parti…’’

C’est dans ce cadre-là que notre interlocuteur juge nécessaire les réformes de l’éducation. Mais il signale que la question est de savoir quelle est la qualité du produit qui sort de ce système. ‘’Nous avons tendance à voir l’éducation comme un mécanisme de production où on met tout un ensemble de ressources humaines, financières, matérielles’’, regrette le professeur de l’Ucad. Car, au finish, la question est, selon Abdoulaye Seck, de savoir est-ce que ce produit répond aux exigences de qualité, est-ce qu’il est capable de relever les défis d’une industrialisation réussie. ‘’Tel n’est pas le cas, si on doit faire un bilan global. Il faudrait ainsi situer les responsabilités, voir là où ça ne marche pas. Quitte à même amener des réformes audacieuses pour relancer la machine et être sûr d’avoir un produit de qualité. Tout cela devrait se faire de façon concertée’’, fait-il savoir.

Car, à ses yeux, la politique économique ‘’n’est pas l’affaire d’un parti, ni d’un groupe d’individus’’. Elle devrait être définie de façon ‘’collégiale’’. ‘’Cherchons à développer le tissu industriel qui existe et lui donner la forme qu’on voudrait, de façon à nous lancer davantage dans cette voie de l’émergence, peut-être même en 2035’’, soutient le Pr. Seck.

‘’Il y a une certaine nébuleuse qui entoure les contrats pétroliers et gaziers’’

Comme pour les réformes, l’économiste affirme aussi que la nécessité de renégocier des contrats pétroliers et gaziers est là. ‘’Nous ne savons rien des clauses de ces contrats. Il y a une certaine nébuleuse qui entoure ces affaires-là. Il y a très peu de communication de la part du gouvernement. Le citoyen lambda ne sait rien de ce qui va gérer ces ressources, comment les contrats ont été définis, est-ce que les éléments en rapport avec l’environnement sont pris en considération, etc.’’, ajoute-t-il.

Toutefois, il énonce que la renégociation dépend des clauses qui ont été établies. ‘’Si demain, il doit y avoir une partie actuelle qui serait lésée, il faudrait envisager les possibilités de dédommagement. En définitive, si on se rend compte que les contrats qui ont été signés n’ont pas été dans l’intérêt de la population dans son ensemble, non seulement celle actuelle mais aussi celle à venir, il va de soi que l’intérêt général soit préservé. Il faut essayer d’aligner les dispositions contractuelles, de façon à pouvoir épouser les intérêts de la population’’, poursuit-il.

Pour l’universitaire, il serait difficile, à un moment donné, de voir un programme qui pourrait mettre en avant un aspect sans pour autant négliger les autres.

Au final, M. Seck reconnait que c’est surtout pour offrir aux populations une vision ‘’claire’’ du programme économique dans lequel on veut embarquer le Sénégal.

Par rapport à ces différents enjeux de développement, sécuritaires, éducatifs, des inégalités, des conditions de vie des populations, etc., tous les éléments doivent entrer en considération, lorsqu’on parle d’impulser le processus de développement économique et social.

‘’On a une offre politique relativement hétérogène. Chacun va de sa spécificité, de sa particularité, ce qui pourrait le différencier des autres. Mais, en définitive, le fond est le même. Les problèmes économiques sont les mêmes, les solutions devraient être identiques, dans une certaine mesure, et la finalité la même. En tant qu’économiste, on ne croit pas trop à l’offre politique’’, se désole notre interlocuteur.

MARIAMA DIEME
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