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Le Building administratif rebaptisé: Mamadou Dia, un parrain très commode en temps de campagne électorale
Publié le vendredi 1 fevrier 2019  |  Enquête Plus
Inauguration
© Présidence par DR
Inauguration du Building administratif rénové
Dakar, le 30 janvier 2019 - Le chef de l`État a procédé à l`inauguration du Building administratif rénové, siège du gouvernement du Sénégal. Le Building administratif porte désormais le nom de Mamadou Dia.
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Dans sa course folle contre la montre pour se livrer à des inaugurations tous azimuts, le président-candidat Macky Sall ne se lasse pas de couper des rubans et de dévoiler des plaques à tort et à travers. Tout bidule qui sort de terre ou toute vieille bâtisse rafistolée et rafraîchie avec quelques couches de peinture à la chaux, a droit à la visite du pourtant surbooké président Macky Sall, pour une inauguration en grande pompe.

Le building administratif de Dakar, siège du gouvernement de la République du Sénégal depuis l’indépendance, n’a pas dérogé à la règle. Mais, là n’est pas le problème. L’information, c’est que le président Macky Sall a donné au building administratif rénové le nom de feu-Mamadou Dia, ancien président du Conseil du gouvernement du Sénégal sous le magistère du président Léopold Sédar Senghor. Si ça s’arrêtait là, il n’y aurait vraiment pas à redire. Mais, les soubassements de cette décision présidentielle posent problème.

En effet, pour qui connaissait Mamadou Dia, le fait que ce grand Monsieur puisse être célébré par Macky Sall, qui fait du forcing pour lui rendre hommage, fait un peu désordre. Il n’y a pas longtemps, quand il était le Premier ministre du président Abdoulaye Wade, parce que ce dernier n’était plus en bon termes avec « le Grand Maodo », Macky Sall en grand thuriféraire et laudateur du « Pape du Sopi », et voulant coûte que coûte lui faire plaisir, s’était attaqué lâchement à Mamadou Dia en des termes blessants : «Monsieur le Président Mamadou Dia, dans un article publié le 27 juin 2006 dans plusieurs quotidiens sénégalais, votre notabilité s’est livrée à des attaques « ad hominem » contre le président Abdoulaye Wade et sa famille. Votre démarche heurte nos mœurs sociales et notre culture de respect. Maodo, vous me permettrez de vous rappeler que tout, dans la démarche du président Abdoulaye Wade, nous ancre profondément dans la République». On était en 2006. Le 30 janvier 2019, à l’occasion de l’inauguration du building administratif, le même Macky Sall déclare : " Mamadou Dia, le Grand Maodo, est un sage africain. Il méritait bien de la nation cette reconnaissance exceptionnelle". Comme les discours peuvent très vite changer dans la jungle politique !

Il faut le rappeler, le président Abdoulaye Wade a été un des avocats de Mamadou Dia lors de son procès en 1963, après que l’ancien président du Conseil du gouvernement fut traduit en justice, en compagnie de ses co-accusés, pour « Tentative de coup d’Etat » le 17 décembre 1962. Mamadou Dia a été arrêté avec quatre autres ministres, Valdiodio Ndiaye, (ministre des Finances), Ibrahima Sarr (ministre du Développement), Joseph Mbaye (ministre des Transports et Télécommunications) et Alioune Tall (ministre délégué à la Présidence du Conseil, chargé de l’Information). Ils sont traduits devant la Haute cour de justice du Sénégal du 9 au 13 mai 1963. Mamadou Dia est condamné à la prison à perpétuité. Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr et Joseph Mbaye, sont condamnés à vingt (20) ans de prison. Alioune Tall quant à lui est condamné à cinq (5) ans. Ils seront placés à l’isolement au centre spécial de détention de Kédougou. Douze (12) ans de prison ! Et sans rancune pour Mamadou Dia. Il pardonne tout. Il n’en a pas voulu pour autant à son geôlier Léopold Sédar Senghor. Tout le contraire du très revanchard Macky Sall chez qui le mot « pardon » n’existe pas dans son vocabulaire. Macky Sall est l’antithèse de Mamadou Dia. Tout ou presque les oppose.

Wade et la révision du procès Mamadou Dia

On se rappelle également, qu’une fois arrivé au pouvoir, le président Abdoulaye Wade s’était érigé en « réparateur des injustices » et en « redresseur des torts ». C’est ainsi qu’il avait décidé de procéder à la révision du procès de Mamadou Dia de 1963. Mais par la suite, ce projet a fait long feu à cause des atermoiements du pouvoir et des bisbilles qui ont survenu après entre les deux hommes au point que Mamadou Dia n’en voulût plus de cette révision de son procès. Si aujourd’hui, Macky Sall estime devoir honorer Mamadou Dia, c’est loin d’être sincère. Rien que des calculs politiques pour ne pas dire politiciens. Macky Sall pense et espère que, eu égard au capital-sympathie que beaucoup de Sénégalais ont pour feu-Mamadou Dia, sans l’avoir connu vraiment, à moins d’être d’un certain âge, s’il utilise, pour son propre compte, le symbole de cette grande figure de la nation sénégalaise, il pourrait en tirer un gain politique considérable et des dividendes réelles en direction de l’élection présidentielle à venir. Mais c’est peine perdue. C’est tellement cousu de fil blanc que les gens, qui ne sont pas dupes pour un sou, ne peuvent s’empêcher de pouffer de rire devant une telle supercherie.

Qui plus est, Macky Sall est à des années-lumière des valeurs dont Mamadou Dia était porteur, et qui ont trait à la rigueur, au sérieux, au culte du travail, au sens de l’équité, à la transparence, à la probité et à la sobriété. "Le Maodo" a dû se retourner péniblement dans sa tombe en entendant depuis l’au-delà que le Macky Sall qui lui manquait de respect à ce point, est en train de l’immortaliser. "Le Maodo" aura d’autant plus mal lorsqu’il sentira, dans son repos éternel, que son nom est associé à une nébuleuse et à des pratiques de corruption telles qu’on en a connues à la pelle dans le marché de réfection du building administratif, surtout que dans les arcanes du pouvoir de Macky Sall l’on a tenté de couvrir ces forfaitures par le mensonge d’Etat.

En effet, en 2014, Messieurs Oumar Youm, alors ministre des Collectivités locales et porte-parole du gouvernement, et Abdoulatif Coulibaly, Secrétaire général du gouvernement, avaient vendu du vent aux Sénégalais en jurant, la main sur le cœur et par tous leurs dieux que « il y a eu appel d’offre » dans le marché de réfection du building administratif. Il n’en est absolument rien, naturellement. En vérité, le coût des travaux de réfection du building administratif, attribués à l’entreprise Bamba Ndiaye S.A., spécialiste dans…la vente de carreaux, et qui était estimé par l’Etat du Sénégal à 17 milliards de francs CFA, est passé en réalité à 40 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, Abdou Karim Fofana, directeur du patrimoine bâti de l’Etat, parle d’un coût total de 33 milliards F CFA et de 40 milliards F CFA TTC. Des chiffres qui donnent le tournis et le vertige. Finalement, l’inauguration de l’édifice rénové, par qui vous savez, a eu lieu le mercredi 30 janvier 2019, après…5 longues et interminables années de chantier. Entretemps, bon nombre de services du gouvernement du Sénégal ont déménagé vers les sphères ministérielles qui ont poussé comme des champignons à Diamniadio, ce bled aux confins de Dakar, où s’arrêterait la vision de Macky Sall, d’après les mauvaises langues.

Cet activisme débordant de Macky Sall à vouloir profiter lâchement, sans scrupules et de façon opportuniste de l’aura posthume d’un grand commis de l’Etat et à surfer sur les vagues de préjugés favorables d’un homme exceptionnel mais, il est vrai, pas suffisamment honoré de son vivant, rappelle l’acharnement cruel des vautours autour d’une charogne.

Pour obtenir un second mandat, Macky Sall est prêt à tout : sortir des cadavres des placards, ressusciter des zombies ou réhabiliter des « icônes » comme « le Maodo » sans trop y croire. De par les actes immondes et abjects qu’il a posés pendant son septennat usurpé, le président Macky Sall aura désacralisé la fonction de chef de l’Etat et causé un grand tort à la première institution de la République qu’est le président de la République. Résultat des courses, n’importe qui peut se permettre aujourd’hui de « clasher » notre président à nous tous. L’album « Saï-saï au cœur » du Groupe de rap « Keur gui », avec un Kilifeu et un Thiat très vindicatifs, en est la plus grande illustration. Pourtant ces deux « sales gosses » ne doivent pas revendiquer la triste paternité de ce concept de « saï-saï » (bandit) adressé à Macky Sall. Rappelez-vous, en 2017, la chanteuse Amy Collé Dieng avait jeté un pavé dans la mare à travers une vidéo qui avait enflammé les réseaux sociaux où elle traitait Macky Sall de « ounkou » (salamandre). Savez-vous que dans nos croyances populaires tenaces, quand on veut tuer une salamandre il ne faut jamais l’appeler par son nom de « ounkou » ? Le mot magique c’est…« saï-saï ». CQFD.

Frénésie d’inauguration

Presque au même moment où la chanteuse Amy Collé Dieng débitait ses inepties, une autre fille du nom de Penda Bâ, proférait à son tour des injures à relents ethnicistes. Elle s’était présentée, arborant un tee-shirt de Benno Bokk Yaakaar, comme une militante de l’APR habitant à Agnam, commune dont le député-maire est Farba Ngom, griot attitré de Macky Sall et figure importante du parti présidentiel. Amy Collé Dieng et Penda Bâ ont été placées toutes les deux sous mandat de dépôt, à un jour d’intervalle. La première, poursuivie pour "offense au chef de l’État", était écrouée pour un enregistrement diffusé sur les réseaux sociaux dans lequel elle taxe le président Macky Sall de "bandit froid, un manipulateur". La seconde, quant à elle, s’est illustrée dans une vidéo postée sur Facebook et dans laquelle elle déverse une pluie d’insultes sur les wolofs. Mais, comme il ne fallait pas que la militante de l’APR restât en prison, on la libéra en même temps qu’Amy Collé Dieng, dans la foulée quoi, pour faire bonne mesure, mais surtout pour éviter que les gens parlent de justice à deux vitesses.

Cette frénésie des inaugurations à tout va, et qui frise la comédie, a fini par susciter un humour sarcastique et caustique des Sénégalais qui se mettent à gloser, à persifler et à se répandre en railleries dans les réseaux sociaux où ça chahute ferme et grave. Quand les uns demandent à Macky Sall de venir inaugurer leur nouveau poulailler, les autres l’invitent à inaugurer leur nouvelle boutique de quartier. Les femmes, qui ne sont pas en reste, prient Macky Sall de faire un tour au salon de coiffure du coin pour inaugurer la pose d’un nouveau greffage ou la séance d’essayage d’un make-up dernier cri. Au-delà de l’ironie, se cache une réalité autrement plus sérieuse. De l’avis d’analystes politiques très chevronnés, quand un peuple désabusé, dont la capacité d’indignation devant les turpitudes de ses gouvernants est au point mort, prend les choses sur un ton de moquerie mordante et en arrive enfin à tourner en dérision et en bourriques ses dirigeants à ce point, c’est qu’il y a grand danger.
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