La création des Chambres africaines extraordinaires (CAE) est ''une réponse africaine imparfaite'' dans la mesure où les Africains ont du mal à financer le budget de fonctionnement de ces instances, a soutenu, mardi à Dakar, Amadou Aly Kane, avocat de la Rencontre africaine de défense des droits de l'homme (RADDHO).
‘’Les Chambres africaines extraordinaires sont une juridiction ad hoc qui a été créée pour un objet précis et pour un temps précis. Les CAE sont une réponse africaine à une situation juridique qui est survenue en Afrique’’, a-t-il dit, au cours d’un débat public sur la création, le rôle, les enjeux et l’action des CAE.
Cette rencontre organisée au Centre de recherche ouest-africain (WARC, sigle en anglais) portait sur le thème: ''Les Chambres africaines extraordinaires, pourquoi au Sénégal et quels apports éventuels pour le Sénégal et l’Afrique ?’’.
Selon lui, ‘’les Chambres africaines extraordinaires ont été créées pour connaitre des crimes internationaux survenus au Tchad. Elles ont été créées à l’issue d’une longue péripétie et l’affaire a failli atterrir en Belgique hors du territoire africain’’.
‘’C’est pour éviter cela que les chefs d’Etat africain ont estimé qu’il n’était pas souhaitable, qu’il n’était pas recommandable qu’un ancien chef d’Etat africain soit extradé en Europe et jugé par des juridictions européennes’’, a rappelé Me Kane.
‘’C’est pour reprendre en main leur destin en matière judiciaire que les Africains ont imaginé cette formule des CAE, c'est-à-dire faire en sorte que les auteurs présumés des crimes internationaux graves qui sont Africains puissent être jugés en Afrique et par les Africains’’, a-t-il dit.
‘’J’ai dit que c’était une réponse africaine mais c’est une réponse imparfaite, parce que nous avons vu que la mise en place d’une juridiction ad hoc était lourd du point de vue finance. Elle n’était pas à la portée des Africains’’, a précisé l’avocat de la RADDHO.
‘’Aujourd’hui, pour mettre en place le budget, il a fallu des contributions de bailleurs de fonds étrangers en dehors de la contribution importante tchadienne. La mise en œuvre de la justice pénale internationale requiert des moyens financiers importants’’, a souligné Me Kane.
Selon le panéliste, il faut ‘’réfléchir pour voir si c’est la juridiction ad hoc qui est la réponse appropriée pour l’Afrique ou s’il faut mettre en place une Cour africaine pénale permanente’’.
L'ancien chef d'Etat tchadien, Hissène Habré, au pouvoir entre 1982 et 1990, est en détention à Dakar. Il est accusé de "crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture".
Les CAE chargées de son dossier, ont été créées au sein des juridictions sénégalaises. Elles ont démarré leurs activités en février 2013.
En août 2012, le Sénégal a donné son accord au projet de l’Union africaine (UA), pour juger Hissène Habré devant un tribunal spécial au sein du système judiciaire sénégalais, présidé par des juges africains nommés par l’organisation continentale.
M. Habré vit en exil à Dakar depuis la chute de son régime. Il avait été renversé par l’actuel président tchadien, Idriss Deby Itno, qui était un de ses proches collaborateurs avant d’entrer en rébellion.
Selon une commission d’enquête tchadienne, le régime de M. Habré a fait plus de 40.000 morts parmi les opposants politiques et parmi certains groupes ethniques.