La Commission nationale de recensement des votes veut plus d’égard, à l’image des autres acteurs impliqués dans le processus électoral. C’est le cri du cœur lancé, hier, par le président de ladite commission, le juge Demba Kandji, à l’ouverture de la session de formation des magistrats sur le processus électoral, organisée par l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Le Premier président de la Cour d’appel a aussi invité ses collègues à faire preuve de rigueur pour éviter des dysfonctionnements dans le décompte des voix.
Elément clé dans le processus électoral, la Commission nationale de recensement des votes (Cnrv) n’est pas traitée avec le même respect que les autres acteurs comme la Cena, le Conseil constitutionnel, le Cnra, etc. Le constat est du président de ladite commission, le juge Demba Kandji, par ailleurs Premier président de la Cour d’appel. Il présidait, ce vendredi, la session de formation sur le processus électoral destiné à des magistrats du ressort de la juridiction qu’il dirige. M. Kandji trouve cette situation ‘’déplorable’’.
‘’On ne nous associe pas à l’élaboration qui concerne directement le recensement et la proclamation des résultats. Ce qui est déplorable, mais nous vivons avec’’, s’est désolé le président de la commission. Demba Kandji justifie cette situation par la perception selon laquelle la Cour d’appel relève du ministre de la Justice.
Toutefois, il a laissé entendre que cet état de fait n’entache pas leur mission. ‘’Après presque 9 années à la tête de cette commission, je peux vous dire que la magistrature s’est toujours acquittée avec impartialité, objectivité et indépendance des missions qui lui ont été confiées. Si une seule erreur entachait cette mission, ce serait préjudiciable pour l’équilibre fragile de nos démocraties’’, a soutenu M. Kandji.
Dysfonctionnements
En outre, il a relevé des dysfonctionnements liés au décompte des voix. ‘’De plus en plus, nous déplorons des erreurs dues, non pas à une incompréhension de la loi, mais je pense que pendant longtemps, nous nous sommes enfermés dans une routine qui fait qu’on recense les Pv (procès-verbaux) sans trop s’interroger sur les compétences pour lesquelles on effectue ce travail. Les erreurs viennent de là et, forcément, cela se répercute sur le travail des commissions de recensement, mais aussi sur la commission nationale’’, a fulminé le président de la Cnrv. Aussi, invite-t-il ses jeunes collègues à être ‘’très vigilants’’ pour éviter surtout que les représentants des partis, membres de la commission, les engagent dans un débat politique. ‘’Si les différentes élections ont pu se dérouler sans heurts dans notre pays, si le lendemain les gens ont pu aller au travail sans crainte et avec sérénité, c’est parce que les magistrats ont fait leur travail’’, se réjouit-il.
Le Premier président a également exhorté ses collègues à faire preuve de ‘’rigueur’’ et d’’’objectivité’’. Car, fait-il remarquer, ‘’il suffit d’une petite erreur arithmétique pour qu’on s’y accroche et se mette à suspecter les magistrats’’. C’est pourquoi, dit-il, ‘’nous n’échouerons sur les enveloppes en verrou et les chiffres qui ne font pas de marge’’, surtout que le ‘’Conseil constitutionnel le déplore’’. ‘’D’ailleurs, M. Kandji renseigne que le président du Conseil constitutionnel l’a informé de son désir d’organiser un séminaire pour rencontrer tous les magistrats et leur faire part de ce souci.
Une démarche que salue le président de la commission, dans la mesure où, poursuit-il, ‘’nous avons intérêt à ce qu’il y ait une magistrature crédible, dont les actes sont comme des forteresses inattaquables’’. Aussi, a-t-il tenu à rassurer les citoyens : ‘’Grâce à une bonne compréhension de la loi et notre respect du suffrage exprimé par nos concitoyens, nous nous sommes toujours efforcés de préserver une jurisprudence qui est la sanctuarisation du vote de l’électeur. Quand le citoyen a voté librement, nous faisons tout pour ne pas annuler son vote.’’
Le président de l’Ums confirme les erreurs de ses collègues
Le juge Souleymane Téliko, Président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), reconnaît que, parfois, il peut y avoir des erreurs dues à des problèmes de décompte de voix et de maitrise de la confection des procès-verbaux. Cela, explique-t-il, ‘’révèle des reculs dans la formation qui est indispensable’’.
Outre la formation, les magistrats sont plus confrontés à des problèmes financiers et logistiques. D’après M. Téliko, la Cour d’appel reçoit souvent son budget très tardivement et cela ne lui permet pas d’organiser une session de formation approfondie. C’est pourquoi il estime que la commission doit recevoir son budget à temps et celui-ci doit également être suffisant pour qu’elle puisse dispenser les formations adéquates des magistrats. ‘’On doit mettre à la disposition de la Cour d’appel et de la Commission nationale des véhicules en nombre suffisant, pour permettre le déploiement à temps sur le terrain’’, a plaidé le magistrat.
Revenant sur les sessions de formation organisées en vue de la présidentielle du 24 février 2019, le président de l’Ums a soutenu que c’est une habitude, à l’occasion de chaque veille d’élections, que la Cour d’appel et la Commission nationale en organisent. Et cela s’explique par le fait qu’il y a de nouveaux magistrats qui ont besoin d’être renforcés et il s’y ajoute que le Code électoral fait souvent l’objet de modifications. Ainsi, cette fois-ci, indique M. Téliko, l’Ums a mis la main à la pâte, grâce à un partenariat avec l’Usaid. La collaboration a permis l’achat de matériel d’une valeur de 40 millions de francs Cfa au bénéfice des juridictions impliquées dans le processus. Des guides sont également confectionnés pour permettre aux magistrats de disposer du Code électoral qui leur permettra de mieux faire leur travail. D’ailleurs, en marge de la cérémonie, la Cour d’appel de Dakar a reçu son lot de matériel composé, entre autres, d’imprimantes, d’ordinateurs, d’un vidéoprojecteur…